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Avec ce marteau l'assemblée nationale frappa victorieusement sur tous les ennemis de la vertu publique; sur ces courtisans insatiables auxquels il ne fallut montrer que des chiffres pour les couvrir d'un opprobre éternel; sur ces hommes, contraste révoltant de tout ce qu'ils prêchent, adversaires les plus effrontés et les plus dangereux des maximes émanées de leur bouche; eux qui voudroient retenir, au nom du ciel, le pacte qu'ils contracterent avec la tyrannie dans des âges de violence et de tenebres; eux qui, de concert avec les mauvais rois, ont demandé l'esclavage de nos pensées, la servitude de nos personnes, le sacrifice de nos peines et de nos subsistances.

Le même marteau a broyé ces légistes ignares, ces légistes impassibles, nuls par l'habitude qu'ils ont des absurdités d'une jurisprudence barbare; c'est dans l'obscur chaos de tant de loix à deux tranchans qu'ils se réfugioient jusqu'à ce qu'ils y eussent entassé les dernieres et les plus grasses victimes de leurs interminables débats.

Enfin, c'est avec le même marteau que l'assemblée nationale a mis en pieces le corps le plus dur, le plus barbare, le plus enivré

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d'ignorance et de cruautés ces guerriers instrumens de la servitude, et eux-mêmes asservis à l'injustice inconséquente, bizarre, hautaine de quelques plébéiens devenus satrapes. Eh bien ! ces hommes de før, métamorphosés subitement par le principe de la vertu publique, n'ont pu contredire de telles maximes; le mot honneur, ce mot que Montesquieu avoit employé sans en connoître toute la perversité et la détestable application, a cédé à la vertu publique ; parce qu'il étoit impossible de ne pas reconnoître les vrais caracteres du patriotisme, de l'humanité, et qu'il n'est point dans la nature de l'homme de se refuser au bonheur social, c'est-à-dire, à la faculté et à la joie céleste d'acquérir la plénitude de la vraie vertu publique.

Observée et maintenue dans son degré le plus éminent et le plus assuré par les représentans de la nation, ce fantôme de la politique que Montesquieu avoit caressé devoit céder à un principe énergique, sentimental, qui n'est point un fanatisme, et qui n'a besoin que de se montrer pour obtenir l'amour universel. Oui, c'est lui qui a fait tous les miracles dont nous sommes témoins; c'est ce principe actif

et régénérateur qu'avoit recommandé l'hom me célebre dont le nom inspire aujourd'hui le respect; il l'avoit recommandé à ses lecteurs avec la supériorité du génie et la chaleur active et concentrée du patriotisme et de la phylanthropie; il vit le point de ma turité des esprits; il pressentit que le moment étoit arrivé où il pouvoit avec quelque fruit initier un petit nombre d'hommes moins dis◄ traits que les autres dans l'utileet grand secret des limites nécessaires du pouvoir et des bor nes de la liberté ; il mourut avant d'avoir vu lanation qu'il avoit chérie et adoptée moins avancée qu'il ne l'eût desiré dans les voies de la civilisation: mais l'assemblée nationale a recueilli son esprit et ses principes ; et c'est avec le serment de la vertu publique qu'elle a obtenu, malgré les tyrans altiers ou soupçonneux, malgré tous les esclaves, malgré tous les imposteurs intéressés, les triomphes extraordinaires qu'elle doit en partie au philosophe qui lui avoit appris que le patriotisme enfermé dans le sein de chaque homme ne demandoit qu'à devenir une vertu publique ; et c'est-là sur-tout ce qui prouve la noble origine de l'espece humaine; c'estlà ce qui démontre que la tyrannie sur

la terre, vû l'immensité des siecles, n'est, n'a été, et ne sera jamai qu'un accident (1). Les représentans de lanation, qui ne sont plus les interpretes de loix versatiles, ont comblé en un instant l'intervalle du sujet au citoyen; les nouvelles loix sont impérissables, parce que la base en est sainte ; et cependant des hommes renommés n'ont pas eu la force de les adopter, tant une fausse science les aveugloit; mais ils ont été renversés les premiers par le souffle impétueux du génie de la vertu publique et de la liberté ; ils attesteront aux siecles futurs qu'on peut, dans certaines circonstances, se trouver placé très-haut et ne posséder encore qu'une vulgaire intelligence. L'esprit le plus rare est celui qui se défie le premier de sa force et qui croit à son

(1) Un magistrat prononçant un discours devant Louis XIV, où il y avoit ces mots, le roi et l'état, le prince choqué l'interrompit, en disant, l'état, c'est moi; il se pourroit bien faire qu'il ait cru cela, mais dans un sens tout différent du vrai sens politique ; quand le chef ne se sépare pas lui-même du corps, il tient à l'état. Ah! si Louis XIV ressuscitoit! il avoit de la grandeur d'ame, il sentiroit que c'est à la tête d'une nation libre qu'on peut s'appeller grand.

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insuffisance; mais le meilleur est celui qui obéit à la volonté nationale et qui respecte sur-tout le grand mouvement d'un peuple courant à la liberté, fût-elle accompagnée de ces orages inséparables de ces chocs litiques, mais toujours préférables aux molles langueurs des jours brillans du despotisme; car, il faut l'avouer, il en compte plusieurs, et voilà pourquoi il a fait sous quelques rois illusion à l'univers (1).

Quand Rousseau a voulu caractériser la monarchie absolue, il a dit plaisamment : les sujets donnent à un roi leurs personnes à condition qu'il prendra aussi leurs biens.... Le roi reçoit tout et ne donne rien (2). Certes

(1) Il n'est pas vrai que le despotisme d'un seul dễtruise le despotisme de plusieurs : au contraire, il l'établit. Ajoutons que l'aristocratie touche de plus près au despo tisme que la monarchie même.

(2) Toutes les subtilités du malouétisme ne peuvent soutenir l'œil de la raison; l'on n'a pu et l'on ne peut pas regarder le roi en France comme étranger au corps légis latif; le monarque est une puissance collective, et il est en même-temps un représentant perpétuel de la nation; il n'est point condamné au silence dans ce même empire dont il est le chef suprême; toute liberté morale ne lui

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