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Il faut avouer que la cause des colonies angloises a été infiniment utile à notre révolution; si la boussole, selon l'expression de

révolutions avoient produites: mais bientôt l'anarchie reparut; ses sages institutions furent renversées, et la fin de la dynastie carlovingienne fut caractérisée par la violence, les crimes et les trahisons des nobles.

C'est alors qu'on vit naître l'impure féodalité ; l'autorité souveraine ne pouvoit plus protéger le peuple, et le peuple ne pouvoit plus protéger le souverain; le véritable gouvernement fut renversé de fond en comble; ce n'étoit plus la monarchie de Charlemagne; elle n'avoit conservé aucun de ses traits, car l'autorité royale et la liberté des peuples étoient à la merci des nobles qui vouloient composer à eux seuls la nation.

Ils furent donc les plus grands ennemis de leurs concitoyens, et cependant ils ont osé réclamer des priviléges qui portoient l'empreinte de nos fers. Quels priviléges! et comment ose-t-on les implorer! quand ils dérivent presque tous des serviles devoirs du vasselage, qui portoient tous les caracteres de la plus basse servitude; posture humiliante, serment avilissant accompagnoient leur foi et hommage; cette noblesse héréditaire étoit donc marquée elle-même de la tache originelle de son établis

sement.

J'ai ouvert bien des cadavres, disoit Lieutaud, le pre mier médecin de Louis XVI; je n'ai jamais apperçu av cune différence entre un sang noble et un sang roturier.

Montesquieu, a servi à nous ouvrir l'uni vers, l'émancipation de l'Amérique nous a donné des pensées et bientôt la voix d'hommes libres; elle nous a fait entrevoir la possibilité de la résistance et la nécessité d'une constitution; l'organisation des étatsunis de l'Amérique nous a enseigné ce qui étoit en notre pouvoir, et tandis que le cabinet de Versailles n'avoit pour but que de démembrer l'empire d'une puissance rivale, il nous apprenoit à délibérer sur nos intérêts propres, et à déraciner cet esprit de servitude qu'une longue suite de siecles avoit en quelque sorte naturalisé parmi nous; le visir Vergennes (heureusement avec sa vue courte pensoit que le françois raisonneroit sur la liberté américaine, et seroit toujours idolâtre de ses fers; l'ignorance profonde du ministere et le mépris qu'il faisoit de nous a favorisé notre premier élan; l'impé ritie des bureaux a commencé notre salut; les troupes qu'on avoit envoyées au-delà des mers, en revinrent toutes électrisées; les Anglois mécontens nous dirent: Eh! faites pour vous ce que vous faites pour l'Amérique. Alors la philosophie qui étoit occupée à démolir sourdement l'autel de la superstition,

s'est mise à attaquer l'édifice antique du despotisme.

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Ce qui a manqué à plusieurs peuples pour devenir libres c'est la navigation. Les royaumes qui ne sont pas baignés par des mers vaincront toujours beaucoup plus difficilement les attaques du despotisme; voilà pourquoi l'empire Germanique, la Pologne,, les déserts de la Russie retiendront plus long. temps les entraves de la féodalité et les chaînes de l'esclavage; tandis que les peuples assis sur l'océan, en faisant voguer des vaisseaux, seront comme les poissons qui baignent leurs côtes, habiles à chercher la liberté ; et dans les momens les plus inattendus, offriront comme l'Angleterre, la Hollande, les états-unis d'Amérique et la France, des révolutions heureuses et promptes.

La navigation favorise merveilleusement la liberté ; cette observation n'a point échappé à Rousseau : le monde, sans la navigation, ne pourroit que devenir de jour en jour plus corrompu, politiquement parlant. La vérité perce au travers des fables antiques; elle prouve clairement que la Grece, et les pays voisins avec lesquels elle étoit en commerce, étoient civilisés, tandis que toutes

les autres nations étoient plongées dans l'ignorance et la barbarie.

La Grece porta le flambeau des arts et des sciences, et civilisa tous les peuples que son commerce et sa navigation lui fit connoître : ce fut alors que les arts et les sciences commencerent à fleurir à Syracuse, à Messine et dans toute cette partie de l'Italie appellée la grande Grece.

Ce fut la navigation qui procura à Rome les loix grecques des douze tables ; şans la navigation,Rome n'auroit jamais su qu'il exis toit des loix sublimes; mais Rome souhaitoit d'être vertueuse, lorsqu'elle ne connoissoit point encore la vertu ; c'étoit à la navigation qu'il étoit réservé de la lui faire connoître.

Il n'y a aucun fleuve considérable qui abou tisse à la Grece ; cette position géographique fut fatale aux peuples éloignés d'elle; la navigation ne put s'ouvrir un chemin jusqu'à eux, et ils resterent plongés dans leur barbarie jusqu'au temps des conquêtes des Romains dans l'occident et des Grecs dans l'orient : c'est une chose digne de remarque, que la culture des arts et des sciences, la politesse des mœurs ne parvinrent que jusqu'où

qu'où leurs armes et leur navigation arri

verent.

Comme les mers du nord et l'océan étoient peu pratiquées, les peuples de ces contrées resterent dans une invincible barbarie; elle ne fit qu'augmenter jusqu'à ce que les Danois, et ensuite les Anglois, entreprirent la navigation; l'étendue du commerce de ces derniers dans toutes les parties de l'univers est ce qui a donné à leurs inours et à leurs loix un caractere presqu'unique; les arts et les sciences sont les fruits de leur navigation; et ces fruits, transportés sur un sol que la liberté fait fructifier de jour en jour, sont devenus un des plus beaux ornemens de l'univers.

Que seroient de nos jours les peuples de l'Amérique dans leurs profondes forêts, si la navigation ne les avoit pas civilisés ? Partout où la navigation n'a pu parvenir sur cet immense continent là résident la barbarie et la cruauté.

La France, si bien favorisée de la nature à cause du grand nombre de fleuves navigables qui l'arrosent, compte pour son siecle de gloire le siecle où la marine a été la plus florissante: les idées grandes et ma

Tome I.

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