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sant la sienne ; il électrisoit toutes les têtes; les opinions se divisoient; on crioit au paradoxe; mais l'attrait piquant qu'il avoit su lui donner forçoit à examiner l'erreur prétendue, et c'est en lui répondant qu'on désespéroit de pouvoir lui répondre, en voyant de plus près son accablante supériorité.

Nous pourrions rappeller ici les sarcasmes des critiques, parce qu'on aime quelquefois à se rappeller le bon mot d'un soldat contre son général, qui en sourit le premier, mais dont cependant Rousseau ne sourioit pas (1).

(1) Si un musicien doit avoir une tête sonnante, tout écrivain devroit avoir une tête pensante; mais rien ne doit plus étonner que cette foule d'hommes qui ont pris étourdiment la plume contre J. J. avant d'avoir appris à le lire, et qui se sont faits auteurs sans raisonnement et sans principes; il suffit, de nos jours, à la médiocrité arrogante ou paresseuse de ne point entendre un écrivain pour s'arroger le droit de le juger.

Qu'il me soit permis ici de dire qu'on n'a point su, dans différens journaux, ni lire, ni apprécier un de mes derniers ouvrages intitulé: Notions claires sur le gouver nement, 2 vol. 1787. Il n'en est point où je me flatte d'avoir répandu plus d'idees saines et d'apperçus nouveaux, propres à bien envisager les noms abstraits qu'on emploie sans mesure pour désigner le gouvernement,

L'immobilité silencieuse du géant de l'é

Ce livre a précédé la révolution, et étoit fait pour y préparer les esprits. L'expérience a pleinement confirmé mes principes, que le gouvernement étoit susceptible de toutes les modifications possibles, et que la ruche humaine pouvoit recevoir différentes configurations même étranges, ce qui n'empêchoit aucunement le travail intérieur; car il n'y a au fond que des gouvernans et des gouvernés.

Mais quand on a commencé à apprendre la musique et la danse sur de mauvais principes, on est moins avancé que si l'on ne savoit rien du tout. Il en est de même en morale politique ; le simple bon sens découvre mieux et va plus loin que ne le fait la prétendue sagacité qui embrouille les idées les plus claires, et dénature des faits qui se sont passés sous nos yeux.

Le charlatanisme s'empare d'un journal; alors il crée, il invente des mots effrayans pour tromper les esprits crédules, il ose blâmer le cri de la liberté qui a réveillé, sur un sol immense, les cœurs de vingt-cinq millions d'hommes; il ose appeller la révolution régénératrice de la France et de ses forces morales et militaires, il ose appeller cette insurrection légitime, révolte, sédition; de même que les mauvais prêtres ont fait les plus grands maux à l'humanité, au nom de Dieu; les mauvais écrivains et les hommes lâches voudroient tout immoler, au nom du roi ; ils prodiguent à tort et à travers le reproche d'anarchie où il n'y a point d'anarchie. Une secousse

loquence, au centre de l'arene où ses enne

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utile a agité l'arbre, mais ses fruits ne sont pas tombés. On n'est point revenu au jour de la création, parce qu'on a effacé les armoiries; jamais la vigilance n'a été plus grande; elle régne sur nos frontieres et sur nos côtes et dans l'intérieur de l'empire; tant que vous verrez les loix de police vivantes, regardez comme propos déclamatoires tout ce qu'on dira sur le changement des loix politiques ; il faut bien qu'elles changent devant l'opinion régnante; les hommes recomposent le gouvernement tutélaire avec encore plus de promptitude qu'ils n'en ont abattu un mauvais.

Mais à entendre les ennemis de la révolution actuelle, c'est une désorganisation entiere du corps social; cependant vingt-cinq millions d'hommes se sont maintenus dans l'ordre; et ce qui fait la base et le fondement des sociétés, c'est que les magistrats véritablement nécessaires n'ont point interrompu leurs fonctions; c'est que l'homme fait le gouvernement chaque jour; c'est l'abeille qui fait le gâteau de miel, ce n'est point le gâteau qui fait l'abeille. Eh! la plus grande erreur possible, c'est d'imaginer que le gouvernement tracé sur le papier est celui qui meut ou balance la société ; il n'y a point d'anarchie chez un peuple éclairé; les sens divers et les faux jours que présente le mot gouvernement sont la ressource des ennemis du bieu public; mais c'est calomnier la France et les François que de les peindre livrés à l'anarchie; tous ces lâches écrivains font sonner haut les émotions populaires. Dans

mis l'assailloient, porte le caractere d'une

le moment où un peuple brise ses fers doit-il, peut-il obéir à une timide sagesse ? Oubliera-t-on que sans l'élan de la liberté, si opposé aux conseils de la prudence, l'assemblée nationale étoit anéantie, Paris foudroyé, et

que

le délire atroce de la vengeance auroit parcouru la France et y auroit répandu des torrens de sang! Enfin, sans la vivacité populaire, le roi ne se détachoit-il pas de son peuple, de sa capitale, des représentans de la nation, pour s'abandonner à des courtisans, à des assassins de la patrie, et pour perdre peut-être en un seul jour tous ses droits ainsi que sa gloire. ?

Vils écrivains! les événemens n'ont ils pas parlé en faveur de ce peuple que votre plume a noirci ! Le sang qu'il a versé étoit coupable; et comparez-le à celui qu'il a épargné; et les victimes rares qu'il a frappées, que sontelles auprès des guerres, des combats, des proscriptions que les rois et les ministres se permettent et dont ils font un jeu? Vils écrivains! vous viendrez troubler les hautes destinées de la France ! sans le peuple la révolution ne seroit pas faite; laissons-le s'enivrer de liberté, ce nectar est à lui; le peuple ne veut plus être méprisé ; que veut-il? égalité de droits; que veulent les grands? tout, richesses, priviléges, et mépriser tout ce qui les environne: la volonté générale a commandé, un seul intérêt parle; voyez avec quelle énergie ces commotions se sont propagées dans toute la France! La volonté du souverain est le souverain lui-même, dit Montesquieu; est il un autre souverain que la volonté générale 2

fierté majestueuse, et d'une ame maîtresse d'elle-même; tandis que le poëte illustre dont le nom luttoit avec le sien s'offensoit comme un enfant de la plus légere égratignure, et se rabaissoit en écrasant avec colere des insectes.

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Rousseau savoit garder une contenance philosophique mais nous prouverions facilement qu'il avoit lu presque tous les écrits (1) publiés contre lui, et qu'il en avoit profité avec la candeur d'un homme bien au-dessus de ses fautes. Car, dans les ouvrages subséquens il répondoit avec franchise, quoique avec noblesse, aux objections dont il avoit senti la force; tant il avoit su les apprécier !

C'est en indiquant la marche de son esprit dans ses différentes productions, c'est en étudiant son ame dans les époques diverses de sa vie, que nous pourrons nous vanter

(1) Il y a plus de livres sur les livres (dit Montaigne) que sur les autres sujets. Nous ne faisons que nous entregloser; tout fourmille de commentaires. Qu'auroit dit Montaigne s'il avoit vu toutes les innombrables feuilles qui ont paru sur les œuvres de Jean-Jacques, et près de deux cents volumes pour réfuter seulement l'Emile. !

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