Obrázky na stránke
PDF
ePub

vent ce grand fantôme jusqu'à en perdre haleine; pour moi je n'aime pas les chimères. Et y eût-il quelque chose de réel dans cette gloire, encore seroit-il vrai que, puisqu'elle naît et meurt dans le temps, elle n'a rien qui puisse satisfaire un être que Dieu a fait pour l'éternité. Et le chrétien qui sait ce qu'il est, a pitié de ces vains rêves de l'orgueil humain, et ne connoit et ne veut ici-bas, à l'exemple de l'Apôtre, d'autre gloire que la croix : Mihi autem absit gloriari, nisi in cruce Domini nostri Jesu Christi1. Nous le dirons avec franchise, aucune des difficultés qu'on a proposées contre le deuxième volume de l'Essai, ne nous paroît solide, ni même plausible pour quiconque a lu cet ouvrage attentivement. Mais puisqu'elles ont été faites, il est de notre devoir de les éclaircir, et c'est le but de cet écrit. Quant à l'ordre que nous suivrons, il nous paroît convenable d'examiner d'abord l'origine de la philosophie, et de montrer les inconvénients de ses divers systèmes. Nous exposerons ensuite les principes développés dans l'Essai, nous en ferons voir l'importance, et enfin nous répondrons aux objections des adversaires. Cette controverse pacifique répandra, nous l'espérons, un nouveau jour sur un sujet qu'on ne sauroit trop approfondir, et nous osons présumer qu'en finissant nous pourrons répéter avec confiance ces belles paroles d'un Père: « La « force de la vérité est grande, et quoiqu'elle puisse être << entendue par elle-même, elle brille encore plus cepen<< dant par les objections qu'on y oppose; toujours im<«< mobile, elle s'affermit par les coups qu'on lui porte 2. »

Epist. ad Galat. vi, 14.

2 S. Hilar. Pictav., De trin., lib. VII.

CHAPITRE II

DE LA PHILOSOPHIE, DE SON ORIGINE ET DE SES DIVERS SYSTÈMES.

L'objet de la philosophie est la recherche de la vérité, et presque toutes les erreurs qui sont dans le monde, et surtout les plus dangereuses, sont nées de cette vaine recherche. Il n'y a point d'absurdité qui n'ait été dite par quelque philosophe1, comme le remarquoit Cicéron. Les philosophes anciens et modernes ont tout contesté, tout nié, et ce n'est pas leur faute s'il est resté quelque croyance sur la terre.

Cela seul prouveroit qu'il existe un vice radical dans la philosophie, un inconvénient commun à ses divers systèmes, quelque chose en un mot d'opposé à la nature de l'homme; car la vérité est la vie de son intelligence, il

1 Nihil tam absurdum dici potest, quod non dicatur ab aliquo philosophorum. De divinatione, lib. II, n. 38.

2 Cùm enim sit nobis divinis litteris traditum, cogitationes philosophorum stultas esse: id ipsum re, et argumentis docendum est. Lactant. Divin. instit., lib. III, cap. I.

ne subsiste que parce qu'il croit, et la raison qui le distingue des animaux, qui le fait homme, n'est que la vérité

connue.

Aussi retrouve-t-on partout certaines vérités premières universellement crues malgré les efforts qu'on a faits pour les obscurcir. Elles s'élèvent au-dessus de la nuit des doctrines philosophiques, et brillent dans une région plus haute, comme l'éternel phare de l'esprit humain.

Les peuples n'eurent d'abord d'autre philosophie que la Religion; ils ne cherchèrent point la vérité hors des traditions primitives; elles suffisoient à leurs désirs comme à leurs besoins. Au lieu de s'égarer dans les rêves d'une curiosité dangereuse, ils se reposoient dans la sécurité de la foi. Les croyances des pères, transmises aux enfants, se perpétuoient naturellement dans la famille et dans la société, dont elles étoient la base, et c'est ainsi que se conservèrent les hautes et importantes notions de la Divinitė, de l'immortalité de l'âme, des peines et des récompenses futures, de la dégradation originelle de l'homme, de la venue future d'un libérateur divin, et les grands préceptes de morale qu'on retrouve chez toutes les nations.

Les Hébreux en particulier ignoroient complétement cette science de doute, cet art de chercher et de disputer, qu'on a nommé philosophie. La tradition proclamée par une autorité vivante, étoit leur règle; et lorsque, dans les derniers temps, quelques esprits altiers s'en écartèrent, on les vit tomber aussitôt dans des erreurs monstrueuses, que le corps de la nation repoussa toujours.

L'Orient, si fameux chez les anciens par ses traditions,

1 Les sadducéens. « C'étoient, à peu de chose près, dit l'abbé Hout« teville, les disciples d'Épicure, qui pourtant reconnoissoient la vérité << des saints Livres, mais commentés à leur manière, et soumis dans la << plupart de leurs points aux jugements de la seule raison. Aussi l'au«torité de la tradition n'avoit-elle aucun empire sur ces sectaires. Ils ne

ne dut sa réputation de sagesse, qu'au soin avec lequel on y conservoit les croyances et les connoissances antiques. Ce n'est pas que cette vieille terre, où l'homme entendit pour la première fois la voix de Dieu et reçut ses lois, fût exempte d'erreurs. Mais au milieu même des superstitions qu'enfantèrent les passions humaines ainsi que l'orgueil de la raison, les vérités primordiales s'étoient mieux conservées; et c'est là, c'est en Orient, que Pythagore, Platon, et tous les plus grands génies de la Grèce, alloient, pour ainsi dire, les reconnoître et les contempler.

On a remarqué de tous temps que les peuples de l'Asie avoient dans leurs doctrines, leurs lois, leurs mœurs, une fixité qui contraste singulièrement avec l'extrême mobilité des opinions et des institutions chez les peuples de l'Europe, avant l'établissement du christianisme. On a cherché la raison de cette différence dans le climat, et le climat n'y est pour rien. C'est une des folies de ce siècle de vouloir expliquer les choses morales par des causes physiques. Un ciel nébuleux ou serein, la diversité des aliments, quelques degrés de chaleur de plus ou de moins, ne changent pas la nature de l'esprit de l'homme; et tout ce matérialisme, aussi ridicule qu'absurde, ne mérite pas d'être réfuté. Il n'y avoit anciennement plus de fixité chez les Orientaux, que parce qu'il y avoit plus d'obéissance, plus de foi; et le même principe a produit le même effet dans les nations chrétiennes. Le respect pour les traditions lioit le passé au présent, et réprimoit l'ardeur d'innover, fruit de l'orgueil et de cette inquiétude secrète qui tourmente le cœur humain.

Tel étoit, sous ce rapport, l'état du monde lorsqu'au

« la voyoient que comme un joug odieux qui assujettissoit l'homme à « des hommes aussi faillibles que lui. » La Religion chrétienne prouvée par les faits. Disc. hist. et crit., etc., t. I, p. 12. Paris, 1765. Édit. in-12.

sein du désordre et des institutions populaires naquit une philosophie distincte de la Religion, et essentiellement opposée au principe sur lequel les hommes avoient jusque-là réglé leurs croyances.

Quelques individus, séparés de la société ancienne, avoient été jetės par des événements qui nous sont inconnus, sur les côtes de la Grèce. Abandonnés à eux-mêmes, ils devinrent de véritables sauvages, c'est-à-dire des hommes dégradés. La raison et les traditions s'affoiblirent chez eux simultanément. Ils perdirent surtout l'habitude de l'obéissance et la vraie notion du pouvoir; et lorsque après s'être multipliés, ils sentirent le besoin d'un gouvernement, ils voulurent garder dans l'état social l'indépendance de l'état qui avoit précédé. De là une multitude d'institutions arbitraires, variables, et sous le nom de république,

1 « Les philosophes, dit le judicieux P. Thomassin, se donnant la « liberté de raisonner sur des points de fait, sans se régler par l'Écri« ture, ou par la tradition générale du monde, sont tombés dans plu<«<sieurs extravagances. » (Méthode d'étudier et d'enseigner les historiens, ch. 1, p. 14.) Plus loin, il observe que l'on trouve dans Ovide des idées plus justes sur la création de l'homme, que dans Platon même. « Il confesse, ce qu'il ne peut avoir appris que par la commu« nication de l'ancienne histoire, que l'homme fut formé à l'image de « Dieu, pour dominer l'univers par l'autorité d'une âme raisonnable et « intelligente, à laquelle tout le monde corporel n'a rien d'égal et rien << de semblable.» (Ibid., p. 28.) Parlant ensuite des sentiments naturels de pudeur qu'on retrouve chez tous les peuples, et que certains philosophes ont combattus: « Les cyniques mêmes, dit-il, se laissèrent << enfin entraîner à la violence de la nature et au consentement de << toutes les nations: Vicit pudor naturalis opinionem hujus erro« ris, etc. Plus valuit pudor, ut erubescerent homines hominibus. « quam error, ut homines canibus esse similes affectarent. (S. Aug.) « Ces philosophes nous fournissent ici une nouvelle preuve de ce que « nous avons dit, que la philosophie a gâté la raison, quand elle s'est « opposée au torrent de la tradition historique, qui étoit venue suc« cessivement depuis nos premiers pères jusqu'à nous, et dont l'Écri<«<ture étoit ou l'origine, ou la principale dépositaire. » (Ibid., p. 21.)

« PredošláPokračovať »