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lépreux sont purifiés, les sourds entendent; les morts « ressuscitent, l'Evangile est annoncé aux pauvres; et « heureux est celui qui ne sera point scandalisé de << moi1. >>

cher sans jambes, si ce n'étoit peut-être de le voir respirer sans poitrine, et me tendre la main sans main.

Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer ici que les miracles ne sont nullement arbitraires en eux-mêmes; car, on ne sauroit trop le répéter, tout est lié, tout est dans les œuvrés de Dieu.

Les miracles de l'Ancien Testament, même en ce qu'ils ont de propice, appartiennent à une loi de crainte: presque tous sont des châtiments; et quand ce ne sont pas des châtiments, ce sont des figures, comme l'eau qui coule du rocher, et le serpent d'airain.

La justice inexorable, la colère, la terreur, sont partout avant JésusChrist. Depuis Jésus-Christ, tous les miracles sont des bienfaits; ils appartiennent à une loi de miséricorde et d'amour.

Aucun miracle n'a de rapport à l'ordre de la création; ct, si l'on veut y réfléchir, on reconnoîtra que les miracles de Jésus-Christ et des Apôtres ne sont que l'expression extérieure et sensible de la réparation de la nature humaine. Ils représentent aux yeux les effets de la Rédemption et de la grâce du Médiateur.

Ainsi l'homme intelligent et moral étoit aveugle, et il voit; il étoit sourd, et il entend; il étoit infirme, et il est guéri; il étoit mort, et il revit. Les petits enfants demandoient du pain, et il n'y avoit personne pour le leur rompre (Thren., iv, 4); et le peuple est nourri miraculeusement dans le désert d'un pain qui figure le pain mystérieux qui est la véritable nourriture de l'homme régénéré.

Rien ne frappe davantage les esprits habitués à la méditation que ces étonnantes analogies, qui ne peuvent être ni l'effet du hasard, ni le résultat des combinaisons de l'homme. La pensée ou l'action d'un être n'est jamais continuée par un autre être, et tout ce qui est perpétuel est divin.

1 Joannes Baptista misit nos ad te dicens: Tu es, qui venturus es, an alium expectamus? (In ipsâ autem horâ multos curavit à languoribus, et plagis, et spiritibus malis, et cæcis multis donavit visum.) Et respondens, dixit illis: Euntes renuntiate Joanni quæ audistis, et vidistis; quia cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur; et beatus est quicumque non fuerit scandalizatus in me. Luc., VII, 20-23. Et Matth., XI, 2-8.

Telle est la constante réponse de Jésus, lorsqu'on l'interroge sur ce qu'il est : c'est à ses miracles qu'on doit le reconnoître; il le répète sans cesse. Si je n'avais pas fait parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auroient point de péché1. Ainsi Jésus doué, dit Rousseau, de la plus haute sagesse2, éclairé de l'esprit de Dieu, donne pour une preuve de sa mission ce qui n'est pas une preuve, ce qui ne peut jamais en être une; il s'abuse sur ses propres actes, ou il abuse le peuple; de sorte qu'il est éclairé de l'esprit de Dieu pour croire des choses absurdes, ou pour tromper les hommes sciem

ment.

Si l'on ne peut s'assurer qu'un miracle en est réellement un, il s'ensuit encore qu'il est impossible à Dieu de manifester évidemment aux hommes sa puissance dans un fait particulier; qu'il essaieroit vainement de faire reconnoître, à des signes non équivoques, l'Envoyé qu'il chargeroit de leur annoncer les vérités qu'ils doivent croire, la loi qui doit les régir; qu'il n'est pas, dès lors, en son pouvoir d'empêcher qu'ils s'égarent d'erreurs en erreurs, à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principes*, ni par conséquent de leur imposer aucune obligation, puisqu'il ne peut leur notifier, d'une manière certaine, aucun commandement.

O Dieu, qui gouvernez tous les êtres par votre raison immuable et votre volonté souveraine ! Dieu, qui pénétrez tout, qui remplissez tout! une foible créature osera-t-elle donc, dans le sein de votre lumière, sous votre main toute-puissante, nier qu'il vous soit possible d'éclairer

1 Si opera non fecissem in eis, quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent. Joann.. xv, 24.

2 Émile, liv. IV, t. III, p. 42.

5 Lettres écrites de la Montagne, p. 115.

Émile, t. II, p. 356.

son intelligence, et de vous manifester à ses regards! Osera-t-elle fixer des règles à votre sagesse, et des bornes à votre action? Osera-t-elle élever entre elle et vous une barrière qu'elle vous défende de passer? Faudra-t-il que vos rayons s'arrêtent devant les ténèbres qu'elle aime, et que vous cessiez d'être son maitre, son législateur, son Dieu, parce que votre loi lui déplait, et qu'elle ne veut dépendre que d'elle-même? Non, non, il n'en sera pas ainsi.

Et toi, créature insensée, qui fuis le salut, qui te retires jusque dans l'ombre de la mort, de peur que la véritė ne t'atteigne, elle t'atteindra cependant; elle forcera ta raison rebelle à lui rendre hommage, ou à s'abjurer ellemême.

Un miracle étant une action divine, ou, selon la définition de Rousseau, un acte immédiat de la puissance de Dieu dans un fait particulier, il y a deux choses dans un miracle; le fait même, et sa nature qui le fait reconnoître pour un acte immédiat de la puissance divine.

Tout le monde convient que le fait miraculeux, ou sup-. posé tel, peut être constaté comme tout autre fait, soit par nos propres sens, soit par le témoignage des hommes. « Un homme sage, dit Rousseau, témoin d'un fait inouï, « peut attester qu'il a vu ce fait, et l'on peut l'en croire 1. >>> A plus forte raison pourra-t-on et devra-t-on croire plusieurs hommes sages qui attestent unanimement le même fait.

Ainsi nous pouvons, par le témoignage, être certains qu'un homme est aveugle; nous pouvons l'être également qu'un homme a l'usage de la vue; et enfin qu'un homme a imposé les mains sur un autre homme en invoquant 'Dieu. Pour que la déposition des témoins qui

Lettres écrites de la Montagne, p. 107.

attestent de semblables faits soit irrécusable, il n'est pas même nécessaire qu'ils possèdent une rare sagacité ni une profonde sagesse: il suffit qu'ils ne soient pas fous.

Non-seulement le témoignage nous donne la certitude des faits, mais cette certitude est plus grande que celle qu'en pourroit acquérir un seul individu par ses propres sens. Qu'après m'être persuadé, sur le rapport de mes sens, qu'un homme est aveugle, deux ou trois personnes sensées viennent me dire: « Nous avons aussi observé «< cet homme; il n'est point aveugle, nous en sommes « très-convaincus ; » je commencerai au moins à douter: et si d'autres personnes sensées confirment le témoignage des premières, je croirai sans hésiter, et je devrai croire, sous peine de folie, que je me suis trompé dans mon jugement. Ainsi le témoignage peut donner une certitude plus complète d'un fait que si on l'avoit vu soimême.

Donc, si des témoins nombreux affirment qu'un homme étoit aveugle, qu'un autre homme a prié sur lui, et qu'à l'instant même cet aveugle a recouvré la vue, leur témoignage pourra me rendre aussi certain de ces faits, qu'on peut être certain d'aucun fait quelconque.

Il est vrai qu'avant que l'aveugle eût recouvré la vue, il y avoit contre la probabilité d'un pareil événement des chances aussi multipliées qu'on le voudra; mais cela n'infirme en rien le témoignage postérieur à l'événement, et qui, portant sur un fait actuellement accompli, constate uniquement ce fait et déclare que elle est, d'entre toutes les chances possibles, celle qui s'est réalisée. Que d'un vase rempli de boules numérotées, on en tire une au hasard ; plus il y a de boules, plus il y a aussi de probabilités que telle boule déterminée n'est pas celle qui sortira. Mais, après le tirage, l'incertitude résultante de la multiplicité

des chances ne subsiste plus. A ces chances, plus ou moins possibles, plus ou moins probables, succède un fait certain, la boule sortie; et, pour constater quelle est cette boule, le même nombre de témoins suffit, qu'il y eût cent boules dans le vase, ou qu'il y en eût dix millions. C'est confondre deux questions totalement différentes, que de s'imaginer que le peu de probabilité d'un événement diminue, dès qu'il a eu lieu, la force du témoignage qui l'atteste. Faut-il plus de témoins pour constater qu'un homme, après avoir essuyé une maladie que tous les médecins croyoient mortelle, est maintenant en parfaite santé, que si cet homme n'avoit éprouvé qu'une indisposition légère? assurément on ne le dira pas, ou, si on le disoit, on seroit démenti par tout le genre humain.

Lorsqu'on est assuré de la vérité d'un fait, pour juger avec certitude qu'il est miraculeux, il est nécessaire qu'on y reconnoisse clairement an acte immédiat de la puissance divine; c'est-à-dire, comme l'explique Rousseau, qu'il doit offrir un changement sensible dans l'ordre de la nature, une exception réelle et visible à ses lois1. Or cette condition peut-elle être remplie ? Pouvons-nous être certains qu'aucun fait offre une exception réelle et visible aux lois de la nature? Voyons s'il est possible de le nier raisonnablement.

Qu'est-ce que l'ordre de la nature? Qu'est-ce que ses lois, et comment les connoissons-nous? Uniquement par l'expérience, qui nous montre les mêmes effets constamment reproduits dans les mêmes circonstances. Nous nommons lois les causes de ces effets constants, et nous appelons ordre l'ensemble de ces lois. Mais si chacun de nous étoit réduit à sa propre expérience, rénfermée, quant au temps et quant aux lieux, en de si étroites limites,

1 Lettres écrites de la Montagne, p. 104.

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