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viendroient dire à un homme ainsi aveuglé : Tu te trompes; cet homme, s'il croit avoir une perception claire et distincte de ce qu'il pense, répondra et devra répondre à tous les hommes : C'est vous-mêmes qui vous trompez; il devra se croire seul plus éclairé, plus sage, plus infaillible que le genre humain. Ce n'est pas là ce que nous entendons, s'écrieront quelques personnes. Eh bien! qu'est-ce donc? qu'elles s'expliquent. Pour nous, voilà ce que nous combattons. Nous attaquons la doctrine de ceux qui placent le principe de certitude dans l'homme individuel. Or, si l'on avoue qu'il n'est pas dans l'homme individuel, il faut bien qu'il soit dans la société, ou il n'y a point de certitude. C'est ce que nous avons tâché d'établir dans l'Essai, en substituant à ces vaines et dangereuse rêveries qu'on appelle des systèmes philosophiques, non pas un autre système, mais des faits incontestables, mais une règle aussi ancienne que l'homme, aussi générale que la société, aussi naturelle que la raison, et qu'on ne peut violer entièrement sans détruire et la raison, et la société, et l'homme même.

L'opposition que notre doctrine a éprouvée et que nous avions prévue1, l'idée fausse que s'en sont formée quelques personnes estimables, nous oblige à l'exposer de nouveau, avec toute la clarté dont nous sommes capables. Nous essayerons ensuite d'en faire sentir l'importance, et enfin nous répondrons au très-petit nombre de difficultés qu'on a proposées sur ce que nous avons dit. Quant à celles qui n'ont de rapport qu'à ce que nous ne disons pas, nous

«rences de la vérité? il se fait alors un si étrange bouleversement, que «< la vérité n'a plus de juridiction sur nous, et que l'erreur succède à <«< tous les droits dont la vérité est dépouillée. » OEuvres de Bayle, t. II, p. 219.

1 Voyez le deuxième volume de l'Essai sur l'indifférence, préface, P. 55, 56.

espérons qu'on nous permettra de ne point nous en occuper. On peut parler de tout à propos d'un livre, et si l'auteur étoit obligé de sortir à chaque instant de son sujet, pour traiter toutes les questions qu'il plaît aux critiques de remuer, sa condition seroit aussi trop dure, pour ne rien dire de celle des lecteurs.

Au reste, quelque soin qu'on prenne pour éviter d'être obscur, on doit se persuader qu'un homme qui écrit sur des matières philosophiques n'est jamais clair que pour les esprits attentifs; que, malgré le désir le plus sincère d'être précis, on ne sauroit renfermer un ouvrage entier dans une phrase, et que dès lors, avant de le juger, il faut, si l'on veut être juste, avoir au moins une assurance raisonnable qu'on en a bien saisi toutes les parties et leur liaison. C'est beaucoup exiger sans doute, surtout de ceux qui, ne devant rien croire sur le témoignage d'autrui, sont obligés d'examiner une infinité de choses que les autres hommes admettent de confiance, ce qui les soulage d'un grand travail. Un philosophe qui ne procède que par des preuves rationelles a fort peu de temps libre, nous en convenons; c'est ce qui explique plusieurs jugements qu'on a portés sur notre doctrine, et qui paroitroient inconcevables s'ils appartenoient à des raisons moins occupées.

CHAPITRE X

EXPOSITION SOMMAIRE DE LA DOCTRINE DÉVELOPPÉE DANS L'ESSAI
SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈNE DE RELIGION.

Les personnes qui ont combattu les principes exposés dans le deuxième volume de l'Essai sur l'indifférence avoient entièrement oublié le premier, ou l'avoient lu peu attentivement, car il contient la même doctrine, et l'on ne comprend pas qu'approuvant l'un elles aient attaqué l'autre. Si ce que nous disons dans celui-ci est faux, l'ouvrage entier l'est également, et il faut l'effacer jusqu'à la dernière ligne.

En effet, qu'établissons-nous dans le premier volume? que quiconque se sépare de l'Église catholique est nécesşairement ou hérétique, ou déiste ou athée; que ces trois grands systèmes d'erreur reposent sur la même base, c'est-à-dire que l'hérétique, le déiste et l'athée, partant d'un principe commun, la souveraineté de la raison hu maine, supposent que chaque homme, toute foi et toute

1

Voyez entre autres les pages 131, 132, 139, 150, 159, 160, 200 ct suiv. du t. I de l'Essai sur l'indifférence.

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DÉFENSE DE L'ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE

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autorité mise à part, doit trouver la vérité par sa raison seule, ou, ce qui est la même chose, à l'aide de l'Écriture interprétée par la raison seule, et dès lors n'admettre comme vrai que ce qui est clair, évident, démontré à cette même raison; que ce principe conduit nécessairement au déisme l'hérétique qui est conséquent; le déiste à l'athéisme, l'athée au scepticisme absolu. Voilà ce que nous prouvons dans le premier volume de l'Essai.

Que disons-nous dans le second? que quiconque part du principe de la souveraineté de la raison humaine, c'est-à-dire quiconque s'imagine que, toute foi et toute autorité mise à part, il doit trouver la vérité par sa raison seule, et dès lors n'admettre comme vrai que ce qui est clair, évident, démontré à cette même raison, tombe, s'il est conséquent, dans un scepticisme universel.

Or, cette proposition, identiquement la même que la précédente, ne sauroit être vraie dans notre premier volume, et fausse dans le second. Attaquer celui-ci, c'est donc attaquer l'ouvrage tout entier, ou se contredire manifestement.

En combattant les trois grands systèmes d'indifférence ou d'incrédulité, nous nous sommes attaché surtout å prouver par l'exemple de tous les incrédules et des hérétiques *, que l'homme qui prend son jugement privé, sa raison individuelle, pour règle de ses croyances, est forcé, de proche en proche, de nier toutes les vérités. Dans le XIII chapitre, envisageant ce principe d'erreur d'une manière plus générale, ce n'est pas seulement de l'hérétique, du déiste et de l'athée que nous nous occupons,

Les déistes et les athées sont les hérétiques du genre humain, comme les hérétiques sont les incrédules de l'Église.

1 Maintenant le rer de la IIIe partie.

mais des philosophes même religieux, qui prétendent que chaque homme, considéré individuellement et sans relation avec ses semblables, doit trouver en soi la certitude1. Nous montrons que l'homme ainsi isolé ne peut être rationnellement certain d'aucune chose, et que tous les hommes ensemble ne sauroient acquérir la certitude rationnelle, ou rien démontrer pleinement, avant d'avoir trouvé Dieu.

Nous devons avouer qu'il manquoit, dans cette partie de notre ouvrage, une ou deux phrases qui auroient prévenu la plupart des difficultés qu'on a faites. Nous avons négligé d'avertir que la première partie de notre xine chapitre n'étoit qu'une analyse sommaire des principaux systèmes de philosophie 2; et il est arrivé de là qu'en croyant nous attaquer, on a attaqué, non pas nous, mais les philosophes que nous avions combattus, en montrant, ce que nous venons encore de prouver, qu'ils ne donnent à l'homme, 1° aucun principe de certitude, 2o aucune règle de ses jugements.

En effet, rappelons-nous que tous les systèmes de philosophie, de quelque manière qu'on les modifie et qu'on les combine, se réduisent à trois, relatifs chacun à l'un des moyens que nous avons de connoître. En un mot, dès qu'on veut que l'homme individuel trouve en soi la certitude, il faut nécessairement qu'il y parvienne, soit par les sens, soit par le sentiment*, soit par le raisonne

ment.

↑ Essai, t. II, p. 91,92.

2 Ibid.,
p. 70.

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Les hommes, comme nous l'avons prouvé, ont le sentiment de Dicu (Essai, t. II, ch. 11), le sentiment de leur propre existence, le sentiment du bien et du mal moral, etc. Il y a donc des vérités de sentiment; et ces vérités on les reconnoît, ainsi que les

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