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V

étant constatés, toute discussion de cette doctrine devient inutile; il n'y a plus qu'à se soumettre et à croire.

Ne pouvant contester une vérité si évidente, les incrédules ont cherché, par divers moyens, à éluder la

preuve invincible qu'on en déduit en faveur du christianisme. Les uns, comme Voltaire, qui emprunte tous ses arguments à Spinosa, ont nié formellement la possibilité des miracles.

<< Un miracle est, dit-il, la violation des lois mathématiques, divines, immuables, éternelles. Par ce seul << exposé, un miracle est une contradiction dans les termes. « Une loi ne peut être à la fois immuable et violée; mais «une loi, leur dit-on (aux physiciens qu'il fait parler), « étant établie par Dieu même, ne peut-elle être suspendue <«< par son auteur? Ils ont la hardiesse de répondre que « non, et qu'il est impossible que l'Être infiniment sage « ait fait des lois pour les violer. Il ne pouvoit, disent-ils, « déranger sa machine que pour la faire mieux aller; or «< il est clair qu'étant Dieu il a fait cette immense machine «< aussi bonne qu'il l'a pu; s'il a vu qu'il y auroit quelque <«< imperfection résultante de la nature de la matière, il y a

d'adroits charlatans ne puissent faire paroître à volonté des serpents et des grenouilles, et changer la couleur de l'eau? Au reste, les sages et les enchanteurs d'Égypte ne tardèrent pas à s'avouer vaincus et à reconnoître l'action de Dieu dans les œuvres de son envoyé; et dixerunt malefici ad Pharaonem: Digitus Dei est hic. (Exod., vIII, 19.) Ils avouent tout ce que nient les incrédules, la réalité des miracles de Moïse, et sa mission divine qui en est la conséquence. Ils avouent enfin que le doigt de Dieu, son pouvoir, n'étoit pour rien dans tout ce qu'ils avoient fait eux-mêmes, c'est-à-dire, qu'ils n'avoient point fait de miracles. Et encore faut-il remarquer que leurs prestiges, quels qu'ils fussent, n'avoient nullement pour objet de confirmer, une doctrine quelconque; ce qui suffit seul pour détruire toutes les difficultés des incrédules.

1 Tractat. theolog. politic., cap. vi.

« pourtu dès le commencement; ainsi il n'y changera ja<< mais rien...

<<< Pourquoi Dieu feroit-il un miracle? Pour venir à bout « d'un certain dessein sur quelques êtres vivants? Il diroit << done: Je n'ai pu parvenir, par la fabrique de l'univers, << par mes décrets divins, par mes lois éternelles, à rem<< plir un certain dessein; je vais changer mes éternelles idées, mes lois immuables, pour tâcher d'exécuter ce « que je n'ai pu faire par elles. Ce seroit un aveu de sa foiblesse, et non de sa puissance. Ce seroit, ce me semble, << dans lui la plus inconcevable contradiction. Ainsi donc, «oser supposer à Dieu des miracles, c'est réellement l'in«sulter (si des hommes peuvent insulter Dieu). C'est lui « dire Vous êtes un être foible et inconséquent. Il est <«< donc absurde de croire des miracles, c'est déshonorer « en quelque sorte la Divinitė 1. >>>

On ne sauroit affirmer plus expressément que Dieu ne peut faire des miracles: Voltaire le lui défend, en vertu des lois immuables, des décrets divins, et des idées éternelles; comme si un miracle ne pouvoit pas être aussi une idée éternelle, un décret ou une volonté liée, dans l'ordre général, aux autres volontés divines ou aux autres lois qu'on appelle immuables; comme si nous avions d'autres motifs de les juger telles, si ce n'est que nous ne les voyons point ordinairement changer, et comme si dès lors un seul changement observé dans ces lois, ne prouvoit pas avec autant de certitude qu'elles ne sont point rigoureusement immuables, que la rareté de pareils changements prouve leur habituelle immutabilité; comme si nous pouvions assurer, avec le moindre fondement, que leur durée doive être éternelle; comme s'il n'y avoit enfin dans l'être infini que des décrets absolus, et que ses volontés créassent

1 Diction. philos., IIe part., art. Miracles.

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pour lui une sorte de nécessité fatale, et comme un Dieu au-dessus de Dieu !

Déistes, vous venez d'entendre un de vos maîtres, et je ne serois point surpris que son autorité prévalût dans votre esprit contre l'évidence même; car l'effet de l'erreur est d'accoutumer la raison à la servitude; c'est la pumtion de l'orgueil. Que vous dire done? Qu'opposer à l'autorité qui vous subjugue? Voltaire a parlé, je l'avoue; mais daignez aussi écouter Rousseau.

<«< Un miracle est, dans un fait particulier, un acte im«< médiat de la puissance divine, un changement sensible « dans l'ordre de la nature, une exception réelle et visible « à ses lois... Dieu peut-il faire des miracles? Cette ques<«<tion sérieusement traitée seroit impie, si elle n'étoit ab<«< surde; ce seroit faire trop d'honneur à celui qui la ré<«<soudroit négativement que' de le punir; il suffiroit de « l'enfermer1. >>>

Au fond l'on ne voit pas pourquoi le déiste et l'athée même hésiteroient le moins du monde à croire un fait miraculeux. Rien ne doit leur paroître plus simple dans leurs systèmes; et le chrétien a de puissants motifs qu'ils n'ont pas, d'examiner scrupuleusément la vérité de semblables faits car la Religion lui apprend, ce que la raison seule lui laisseroit ignorer, qu'ils n'ont lieu que pour de grands desseins et en de rares circonstances.

Le déiste, qui admet la Providence ou l'action perpétuelle de Dieu dans l'univers, ne peut nier sans se contredire la possibilité de cette action; il ne peut soutenir à la fois qu'elle existe, et qu'elle ne peut exister. Or un miracle n'est que cette action même manifestée, comme le dit Rousseau, dans un fait particulier. En quoi ce fait particulier, cet acte immédiat de la puissance divine, est-il plus

1 Lettres écrites de la Montagne, p. 104. Édit. de Paris, 1795.

étonnant, plus incroyable que les faits généraux qui sont aussi, de l'aveu du déiste, des actes immédiats de la puissance divine? Dieu donne la vie à tous les hommes; voilà le fait général il la rend à un homme pour une fin, si on le veut même, inconnue; voilà le fait particulier. Qu'y a-t-il là qui puisse surprendre un déiste affermi dans ses principes, qui puisse lui faire craindre de devenir fou, s'il en étoit témoin? Il convient que Dieu peut aussi aisément rendre à un homme la vie, que la lui donner une première fois. Niera-t-il qu'il le veuille? Ce seroit nier le fait que je suppose prouvé, et le nier uniquement parce qu'il ignore les motifs qui ont pu déterminer l'action de l'Être infini. S'étonnera-t-il même que Dieu ait voulu opérer cet acte de sa puissance? Qu'il s'étonne donc de tout également; car, lui qui rejette la révélation, que connoît-il des volontés et des desseins de Dieu? S'étonner d'un acte quelconque où sa puissance se manifeste immédiatement, ce seroit s'étonner de ne pas connoître toutes ses pensées, toutes ses volontés, ce seroit s'étonner de n'être pas Dieu.

L'athée, qui ne reconnoît point de législateur dans l'univers, de cause première intelligente, ne sauroit attacher d'idée raisonnable au mot de loi. S'il est conséquent, il ne doit voir dans tout ce qui frappe ses sens, qu'une succes

1 « Quelque frappant que pût me paroître un pareil spectacle, je ne « voudrois pour rien au monde en être témoin; car que sais-je ce qu'il <«<en pourroit arriver? Au lieu de me rendre crédule, j'aurois grand << peur qu'il ne me rendit que fou. » Rousseau, Lettres écrites de la Montagne, p. 112. Il est difficile d'imaginer ce que Dieu lui-même pourroit faire pour convaincre un pareil déiste. Lui parle-t-on d'un miracle opéré devant d'autres hommes? Ils ont peut-être mal vu. et il faudroit qu'il fût fou pour les écouter. (Émile, t. III, p. 36.) Il voudroit donc, pour y croire, être témoin du miracle? Non, pour rien au monde; il craindroit qu'il ne le rendit fou. C'est ainsi que se vérifient les paroles de l'Évangile: Si Moysen et prophetas non audiunt ; neque si quis ex mortuis resurrexerit, credent. Luc. XVI,

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sion fortuite de phénomènes, que rien ne lie entre eux, que rien ne détermine, sinon cette incompréhensible puissance qu'il appelle hasard, nécessité, destin. De quoi peutil donc être surpris? Quel fait, si nouveau, si rare qu'il soit, doit lui paroître incroyable? Il ne l'avoit pas vu encore, voilà tout. Le défaut même de cause, fût-il prouvé, n'est pas pour lui une raison de nier, une raison de douter, une raison d'être étonné. Tout ce qui ressemble à une œuvre fortuite, tout ce qui choque l'idée de règle, tout ce qui dérange l'uniformité des phénomènes ordinaires et en interrompt la constance, doit être à ses yeux ce qu'il y a de plus croyable et de plus naturel. La permanence de certains effets, leur liaison avec certaines causes, la perpétuelle correspondance qu'on observe entre eux, en un mot, l'ordre immuable, voilà le miracle de l'athée: malheureux qui ne connoît de lumière que les ténèbres, de loi que le désordre, de Dieu que la matière mue par une force aveugle, et d'espérance que la mort!

Moins hardi que Voltaire dans l'absurdité, Rousseau consent de bonne grâce à accorder à Dieu le pouvoir de faire des miracles; seulement il doute que Dieu veuille user de ce pouvoir, à cause de l'embarras où se trouveroient les déistes. Pour enlever donc au christianisme la preuve qui se tire des prodiges que Jésus-Christ et les Apôtres ont opérés, il n'imagine rien de mieux que de nier, non pas les miracles en eux-mêmes, mais la possibilité de s'assurer qu'aucun fait est miraculeux.

<< Puisqu'un miracle, dit-il, est une exception aux lois << de la nature, pour en juger il faut connoître ces lois, et « pour en juger sûrement, il faut les connoître toutes car << une seule qu'on ne connoîtroit pas, pourroit en certains «< cas, inconnus aux spectateurs, changer l'effet de celles << qu'on connoîtroit. Ainsi celui qui prononce qu'un tel ou << tel acte est un miracle, déclare qu'il connoît toutes les

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