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LETTRE III.

Continuation du même sujet (les miracles). Court examen de quelques autres accusations.

Je reprends, monsieur, cette question des miracles que j'ai entrepris de discuter avec vous; et après avoir prouvé qu'établir leur nécessité c'étoit détruire le protestantisme, je vais chercher à présent quel est leur usage pour prouver la révélation.

Les hommes, ayant des têtes si diversement organisées, ne sauroient être affectés tous également des mêmes arguments, sur-tout en matière de foi. Ce qui paroît évident à l'un ne paroît pas même probable à l'autre : l'un par son tour d'esprit n'est frappé que d'un genre de preuves; l'autre ne l'est que d'un genre tout différent. Tous peuvent bien quelquefois convenir des mêmes choses, mais il est très rare qu'ils en conviennent par les mêmes raisons; ce qui, pour le dire en passant, montre combien la dispute en elle-même est peu sensée: autant vaudroit vouloir forcer autrui de voir par nos yeux.

Lors donc que Dieu donne aux hommes une révélation que tous sont obligés de croire, il faut

qu'il l'établisse sur des preuves bonnes pour tous, et qui par conséquent soient aussi diverses que les manières de voir de ceux qui doivent les adopter.

Sur ce raisonnement, qui me paroît juste et simple, on a trouvé que Dieu avoit donné à la mission de ces envoyés divers caractères qui rendoient cette mission reconnoissable à tous les hommes, petits et grands, sages et sots, savants et ignorants. Celui d'entre eux qui a le cerveau assez flexible pour s'affecter à-la-fois de tous ces caractères est heureux sans doute; mais celui qui n'est frappé que de quelques uns n'est pas à plaindre, pourvu qu'il en soit frappé suffisamment pour être persuadé.

Le premier, le plus important, le plus certain de ces caractères, se tire de la nature de la doctrine, c'est-à-dire de son utilité, de sa beauté', de sa sainteté, de sa vérité, de sa profondeur, et de

Je ne sais pourquoi l'on veut attribuer au progrès de la philosophie la belle morale de nos livres. Cette morale, tirée de l'Évangile, étoit chrétienne avant d'être philosophique. Les chrétiens l'enseignent sans la pratiquer, je l'avoue; mais que font de plus les philosophes, si ce n'est de se donner à eux-mêmes beaucoup de louanges, qui, n'étant répétées par personne autre, ne prouvent pas grand'chose, à mon avis?

Les préceptes de Platon sont souvent très sublimes; mais combien n'erre-t-il pas quelquefois, et jusqu'où ne vont pas ses erreurs ! Quant à Cicéron, peut-on croire que, sans Platon, ce rhéteur eût trouvé ses Offices? L'Évangile seul est, quant à la morale, toujours

toutes les autres qualités qui peuvent annoncer aux hommes les instructions de la suprême sagesse et les préceptes de la suprême bonté. Ce caractère est, comme j'ai dit, le plus sûr, le plus infaillible; il porte en lui-même une preuve qui dispense de toute autre: mais il est le moins facile à constater; il exige, pour être senti, de l'étude, de la réflexion, des connoissances, des discussions qui ne conviennent qu'aux hommes sages qui sont instruits et qui savent raisonner.

Le second caractère est dans celui des hommes choisis de Dieu pour annoncer sa parole; leur sainteté, leur véracité, leur justice, leurs mœurs pures et sans tache, leurs vertus inaccessibles aux passions humaines, sont, avec les qualités de l'entendement, la raison, l'esprit, le savoir, la prudence, autant d'indices respectables, dont la réunion, quand rien ne s'y dément, forme une preuve complète en leur faveur, et dit qu'ils sont plus que des hommes. Ceci est le signe qui frappe par préférence les gens bons et droits, qui voient la vérité par-tout où ils voient la justice, et n'entendent la voix de Dieu que dans la bouche de la vertu. Ce caractère a sa certitude encore, mais il n'est pas impossible qu'il trompe; et ce n'est pas un prodige qu'un imposteur abuse les

sûr, toujours vrai, toujours unique, et toujours semblable à lui

même.

gens de bien, ni qu'un homme de bien s'abuse lui-même, entraîné par l'ardeur d'un saint zéle qu'il prendra pour de l'inspiration.

Le troisième caractère des envoyés de Dieu est une émanation de la puissance divine, qui peut interrompre et changer le cours de la nature à la volonté de ceux qui reçoivent cette émanation. Ce caractère est, sans contredit, le plus brillant des trois, le plus frappant, le plus prompt à sauter aux yeux; celui qui, se marquant par un effet subit et sensible, semble exiger le moins d'examen et de discussion: par-là ce caractère est aussi celui qui saisit spécialement le peuple, incapable de raisonnements suivis, d'observations lentes et sûres, et en toute chose esclave de ses sens: mais c'est ce qui rend ce même caractère équivoque, comme il sera prouvé ci-après; et en effet, pourvu qu'il frappe ceux auxquels il est destiné, qu'importe qu'il soit apparent ou réel? C'est une distinction qu'ils sont hors d'état de faire; ce qui montre qu'il n'y a de signe vraiment certain que celui qui se tire de la doctrine, et qu'il n'y a par conséquent que les bons raisonneurs qui puissent avoir une foi solide et sûre: mais la bonté divine se prête aux foiblesses du vulgaire, et veut bien lui donner des preuves qui fassent pour lui.

Je m'arrête ici sans rechercher si ce dénombrement peut aller plus loin: c'est une discussion in

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utile à la nôtre; car il est clair que quand tous ces signes se trouvent réunis, c'en est assez pour persuader tous les hommes, les sages, les bons, et le peuple; tous, excepté les fous, incapables de raison, et les méchants, qui ne veulent être convaincus de rien.

Ces caractères sont des preuves de l'autorité de ceux en qui ils résident; ce sont les raisons sur lesquelles on est obligé de les croire. Quand tout cela est fait, la vérité de leur mission est établie; ils peuvent alors agir avec droit et puissance en qualité d'envoyés de Dieu. Les preuves sont les moyens; la foi due à la doctrine est la fin. Pourvu qu'on admette la doctrine, c'est la chose la plus vaine de disputer sur le nombre et le choix des preuves; et si une seule me persuade, vouloir m'en faire adopter d'autres est un soin perdu. Il seroit du moins bien ridicule de soutenir qu'un homme ne croit pas ce qu'il dit croire, parcequ'il ne le croit pas précisément par les mêmes raisons que nous disons avoir de le croire aussi.

Voilà, ce me semble, des principes clairs et incontestables: venons à l'application. Je me déclare chrétien; mes persécuteurs disent que je ne le suis pas. Ils prouvent que je ne suis pas chrétien, parceque je rejette la révélation; et ils prouvent que je rejette la révélation parceque je ne crois pas aux miracles.

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