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MANDEMENT

DE MONSEIGNEUR

L'ARCHEVÊQUE DE PARIS,

PORTANT CONDAMNATION D'UN LIVRE QUI A POUR TITRE:

ÉMILE, OU DE L'ÉDUCATION,

PAR J. J. ROUSSEAU, CITOYEN DE GENEY,

CHRISTOPHE DE BEAUMONT, par la miséricorde divine et par la grace du saint siège apostolique, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud, pair de France, commandeur de l'ordre du Saint-Esprit, proviseur de Sorbonne, etc.; à tous les fidèles de notre diocèse: salut et bénédiction:

I. Saint Paul a prédit, M. T. C. F., qu'il viendroit « des jours périlleux où il y auroit des gens amateurs « d'eux-mêmes, fiers, superbes, blasphémateurs, impies, calomniateurs, enflés d'orgueil, amateurs des voluptés plutôt que de Dieu, des hommes d'un es« prit corrompu, et pervertis dans la foi'. » Et dans

<< In novissimis diebus instabunt tempora periculosa; erunt ho« mines seipsos amantes.... elati, superbi, blasphemi.... scelesti.... «criminatores.... tumidi, et voluptatum amatores magis quàm Dei... << homines corrupti mente et reprobi circa fidem. » II. Tim., c. 111, vers. 1, 4, 8.

quels temps malheureux cette prédiction s'est-elle accomplie plus à la lettre que dans les nôtres! L'incrédulité, enhardie par toutes les passions, se présente sous toutes les formes, afin de se proportionner en quelque sorte à tous les âges, à tous les caractères, à tous les états. Tantôt pour s'insinuer dans des esprits qu'elle trouve déja ensorcelés par la bagatelle', elle emprunte un style léger, agréable et frivole: de là tant de romans, également obscènes et impies, dont le but est d'amuser l'imagination pour séduire l'esprit et corrompre le coeur. Tantôt, affectant un air de profondeur et de sublimité dans ses vues, elle feint de remonter aux premiers principes de nos connoissances, et prétend sien autoriser pour secouer un joug qui, selon elle, déshonore l'humanité, la Divinité même. Tantôt elle déclame en furieuse contre le zèle de la religion, et prêche la tolérance universelle avec emportement. Tantôt, enfin, réunissant tous ces divers langages, elle mêle le sérieux à l'enjouement, des maximes pures à des obscénités, de grandes vérités à de grandes erreurs, la foi au blasphème; elle entreprend en un mot d'accorder les lumières avec les ténèbres, Jésus-Christ avec Bélial. Et tel est spécialement, M. T. C. F., l'objet qu'on paroît s'être proposé dans un ouvrage récent, qui a pour titre, ÉMILE OU DE L'ÉDUCATION. Du sein de l'erreur il s'est élevé un homme plein du langage de la philosophie, sans être véritablement philosophe; esprit doué d'une multitude de connoissances qui ne l'ont pas éclairé, et qui ont répandu des ténèbres dans les

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Fascinatio nugacitatis obscurat bona. » Sap., cap. IV, v. 12.

autres esprits; caractère livré aux paradoxes d'opinions et de conduite, alliant la simplicité des mœurs avec le faste des pensées, le zèle des maximes antiques avec la fureur d'établir des nouveautés, l'obscurité de la retraite avec le desir d'être connu de tout le monde : on l'a vu invectiver contre les sciences qu'il cultivoit, préconiser l'excellence de l'Évangile dont il détruisoit les dogmes, peindre la beauté des vertus qu'il éteignoit dans l'ame de ses lecteurs. Il s'est fait le précepteur du genre humain pour le tromper, le moniteur public pour égarer tout le monde, l'oracle du siècle pour achever de le perdre. Dans un ouvrage sur l'Inégalité des conditions il avoit abaissé l'homme jusqu'au rang des bêtes; dans une autre production plus récente il avoit insinué le poison de la volupté en paroissant le proscrire: dans celui-ci, il s'empare des premiers moments de l'homme afin d'établir l'empire de l'irréligion.

II. Quelle entreprise, M. T. C. F.! L'éducation de la jeunesse est un des objets les plus importants de la sollicitude et du zèle des pasteurs. Nous savons que, pour réformer le monde, autant que le permettent la foiblesse et la corruption de notre nature, il suffiroit d'observer, sous la direction et l'impression de la grace, les premiers rayons de la raison humaine, de les saisir avec soin et de les diriger vers la route qui conduit à la vérité. Par-là ces esprits, encore exempts de préjugés, seroient pour toujours en garde contre l'erreur; ces cœurs, encore exempts de grandes passions, prendroient les impressions de toutes les vertus. Mais à qui convient-il mieux qu'à nous et à nos coopérateurs dans le saint ministère de veiller ainsi sur les

premiers moments de la jeunesse chrétienne; de lui distribuer le lait spirituel de la religion, afin qu'elle croisse pour le salut'; de préparer de bonne heure par de salutaires leçons des adorateurs sincères au vrai Dieu, des sujets fidèles au souverain, des hommes dignes d'être la ressource et l'ornement de la patrie?

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III. Or, M. T. C. F., l'auteur d'Émile propose un plan d'éducation qui, loin de s'accorder avec le christianisme, n'est pas même propre à former des citoyens ni des hommes. Sous le vain prétexte de rendre l'homme à lui-même et de faire de son élève l'élève de la nature, il met en principe une assertion démentie, non seulement par la religion, mais encore par l'expérience de tous les peuples et de tous les temps. « Posons, dit-il, « pour maxime incontestable, que les premiers mou«<vements de la nature sont toujours droits; il n'y a point de perversité originelle dans le cœur humain. » A ce langage on ne reconnoît point la doctrine des saintes Écritures et de l'Église touchant la révolution qui s'est faite dans notre nature; on perd de vue le rayon de lumière qui nous fait connoître le mystère de notre propre cœur. Oui, M. T. C. F., il se trouve en nous un mélange frappant de grandeur et de bassesse, d'ardeur pour la vérité et de goût pour l'erreur, d'inclination pour la vertu et de penchant pour le vice. Étonnant contraste, qui, en déconcertant la philosophie païenne, la laisse errer dans de vaines spéculations! contraste dont la révélation nous découvre la source dans la chute déplorable de notre premier père!

H

Sicut modo geniti infantes, rationabile sine dolo lac concupiscite, ut in co crescatis in salutem. » I. Pet., cap. 11.

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