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empereurs avaient fait asseoir avec eux la philosophie sur le trône. La force morale que les livres avaient créée luttait sans cesse contre cette force brutale des centurions dont s'indigne notre auteur1, et cherchait à arrêter une puissance illimitée. Elle effrayait les mauvais princes par les écrits vengeurs de ceux qui en avaient appelé des succès du crime à la conscience du genre humain 2; elle dictait d'heureux choix au despotisme et à la révolte elle-même3; quelquefois, elle relevait les esprits des peuples consternés par une longue tyrannie, et faisait espérer de nouveaux Antonins à la terre, quand des hommes comme Julien arrivaient au pouvoir. Julien est le dernier des empereurs philosophes; ses écrits rappellent Sénèque et Perse, comme ses exploits Jules César et Trajan; en lui finissent cette religion du stoïcisme et ces sentimens romains qui, ayant, pendant plusieurs siècles, tenu lieu à l'empire du monde de la liberté et de la foi, séparent les républiques de l'antiquité des monarchies modernes, et les fables du polythéisme du dogme des chrétiens.

1. Sat. III, v. 77-87; sat. v, v. 189-191; et passim.

2. Perse et Tacite sont à la tête de ces écrivains-là, qui furent très-nombreux.

3. Agricola, Tacite, Pline le Jeune, Dion Cassius, reçurent de grands commandemens, tout grands hommes qu'ils étaient; Gallus Probus, un descendant de Tacite aussi vertueux que lui, et Julien lui-même, furent salués empereurs par les légions révoltées.

4. Les Césars et le Misopogon, deux satires dans le genre de l'Apokolokyntose.

IV. Usage qu'ont fait les Pères de l'Église des livres des stoïciens
et de celui de Perse en particulier.

(A. de J.-C. de 64 à 560.)

Les croyances de la Judée furent apportées à Rome, comme toutes celles de l'Orient, après la conquête de l'Égypte et de la Syrie. Pendant longtemps, elles ne firent de progrès que dans le bas peuple, et le christianisme lui-même, confondu avec les superstitions judaïques, n'obtint que le mépris des philosophes et l'animadversion du gouvernement. On peut juger par les vers de Perse1 et de Juvenal2, aussi bien que par les Histoires de Tacite3 et la correspondance administrative de Pline le Jeune avec l'empereur Trajan, par quelles injurieuses rigueurs furent accueillis à leur origine les dogmes que nous adorons et ces premiers fidèles dont l'Église a consacré la mémoire. Les sectateurs du Christ furent proscrits par le despotisme militaire, comme l'avaient été ceux de Zénon, et trouvèrent, comme eux, dans les persécutions même, une énergie nouvelle. A la force qu'ils tenaient de leur maître immortel, insensiblement ils joignirent des secours plus humains, et firent des conquêtes avec les armes de ceux qui les avaient opprimés d'abord. Ainsi leurs prêtres empruntèrent au polythéisme plusieurs de ses cérémonies et de ses solennités ;

1. Sat. v, v. 180 et suiv.

2. Sat. 1, v. 155-157; sat. vi, v. 542-551; sat. xiv, v. 85 et suiv. 3. Annales, liv. xv, ch. 44; Hist., liv. v, ch. 1-14.

4. PLINE LE JEUNE, Lettres.

ainsi leurs écrivains puisèrent dans les divers systèmes de philosophie de quoi nourrir et populariser la doctrine. Le stoïcisme dominait; ce fut le stoïcisme qu'ils s'appliquèrent surtout à imiter et à remplacer. Ses dogmes tristes, mystérieux, terribles, se confondirent avec ceux qu'ils enseignaient; sa morale devint leur morale; il n'y a pas jusqu'au style de leurs écrits qui ne paraisse imité du style emblématique de l'école de Zénon. Les Pères de l'Église latine regardaient Sénèque comme un des leurs, et ils ont fait de Perse une étude particulière. Tertullien adopte sa doctrine sur la liberté; Lactance3 partage ses indignations contre les superstitions populaires, et l'enthousiasme qui le ravit aux célestes pensées; saint Augustin4 le cite et le commente dans tous ses ouvrages; saint Jérôme, admirateur de son éloquence, lui emprunte avec ses pensées, ses expressions même. Je ne sais où Bayle a pris ces traditions, qu'un Père de l'Église abandonna de dépit les Satires de Perse, en disant au livre: Reste là, puisque tu ne veux pas être entendu, et qu'un autre dit, en les jetant au feu : Brûlons-les pour les rendre claires. Saint Ambroise et saint Jérôme, à qui l'on attribue ces boutades, avaient trop

I. HIERONYM., de Scriptoribus ecclesiasticis.

2. In lib. de Resurrect.; in Apologetico, etc.

3. Lib. II, c. 2, 4; lib. vi, c. 1, 2.

6

4. Confess. lib. iv, c. 6; lib. vII, c. 10 et 11; de Civitate Dei, lib. v1; de Magistro, c. xx; Epist. LVI, ad Dioscor., etc.

5. Epist. iv, 81, etc., etc.

6. Voyez Dictionnaire de Bayle, article PERSE.

la patience des saints pour se les permettre, et il ne leur prenait pas, à ces esprits cultivés, des accès de cette manie de brûler, qui s'était emparé des néophytes grecs, après avoir entendu saint Paul, et qui, depuis, a livré aux flammes mieux encore que de bons livres.

V. Ce que devint le livre de Perse après l'établissement du christianisme et pendant le moyen âge.

(A. de J.-C. de 500 à 1450.)

Quoi qu'il en soit de ces anecdotes plus ou moius suspectes, toujours est-il certain qu'au temps où le christianisme devint la religion des empereurs romains, le livre des Satires tenait encore dans la littérature une place importante. Il devait la conserver aussi long-temps que se ferait sentir l'influence de cette philosophie stoïcienne qui avait préparé le règne de l'Évangile. On voit, par les écrits de Sidoine Apollinaire et de Boëce, que Perse et Sénèque servaient encore de modèles aux écrivains et d'autorités aux docteurs au commencement du sixième siècle; et l'on sait d'ailleurs que c'est avec les restes de la dialectique stoïcienne, comme avec celle d'Aristote, que Martian Capella et Cassiodore composèrent les résumés informes qui sont devenus les premiers manuels de l'enseignement scolastique'.

1. Voyez l'Histoire comparée des systèmes de philosophic, par M. de Gerando, tome 111; voyez l'Histoire de l'Université, par Bulœus, origine du trivium et du quatrivium.

Perse.

Après les Pères, après Boëce et Cassiodore, on perd, dans la nuit du moyen âge, les traces de diverses écoles philosophiques et littéraires de l'antiquité, et il n'est guère possible de suivre dans l'Occident, depuis cette époque, la destinée des ouvrages grecs et latins. Les recherches de la philologie et de la paléographie ne jettent là-dessus qu'une lumière douteuse. Si l'état matériel dans lequel ont été retrouvés les livres des anciens, était une mesure exacte de l'intérêt qu'ils ont excité chez les lecteurs du moyen âge, il faudrait croire que les quelques vers de Perse ont eu plus de prix à leurs yeux, que les grandes compositions des Tite-Live et des Salluste, des Tacite et des Dion Cassius; car, tandis que celles-ci ne nous sont parvenues qu'en lambeaux, le livre des satires nous a été conservé aussi intact qu'il l'était en sortant des mains du premier éditeur'. Une pareille prédilection serait

1. Notre Bibliothèque royale renferme une douzaine de manuscrits de Perse; les bibliothèques publiques des étrangers en renferment probablement un plus grand nombre, et l'on en trouve encore dans certaines collections particulières. Or, on sait que plusieurs ouvrages des anciens ne nous ont été conservés que par un seul manuscrit, et encore parfois tout mutilé, comme était celui de Velleius Paterculus. Plusieurs des manuscrits de Perse que j'ai eus entre les mains paraissent aussi anciens que les plus anciens des autres classiques. Par la diversité des parchemins et du papier, des écritures et des gloses, ils annonceraient des éditions ou publications différentes. La plupart sont en écriture onciale assez belle, quelques uns en écriture gothique, quelques-uns en cursive ordinaire. Ceux-ci sont évidemment les plus modernes et sont les moins corrects, les moins curieux; l'écriture gothique paraît être du quatorzième ou du treizième siècle; l'onciale remonte beaucoup plus loin. J'ai peine à me rendre à l'opinion des auteurs du Catalogue imprimé de la Bibliothèque royale, qui n'admet point qu'aucun de ses manuscrits soit d'une date antérieure au douzième siècle et à la fiu du onzième. C'est à la diplomatique à constater le

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