Obrázky na stránke
PDF
ePub

l'espérance de toute une famille, tantôt un monarque chér i qu'il précipite du trône presqu'aussitôt qu'il y est monté : quelquefois il arrache une jeune épouse du lit nuptial, et change la joie d'un doux hyménée en pompe funèbre. Souvent il épargne un vieillard caduc et goutteux, pour trancher les jours d'un jeune homme sain et robuste. Il ne laisse enfin tomber sa faulx meurtrière sur les vieillards qui l'environnent, que lorsque son bras, appesanti de lassitude, ne peut s'étendre au loin pour choisir ses victimes. Alors ils tombent, semblables aux feuilles jaunâtres que le souffle du rigoureux aquilon secoue des arbres sur la fin de l'au

tomne.

Tels sont les jeux cruels qui amusent le Temps, lorsque de sa faulx sanglante il frappe ses victimes. L'affreux contre-coup qui les livre à la Mort, empressée de les enlever, leur ouvre ces noires barrières qui servent de porte à l'éternité. C'est par-là que les ames entrent dans cet empire immense, d'où nul mortel ne peut revenir à la lumière. Son insatiable voracité ne se borne pas aux faibles mortels; empires, royaumes, républiques, villes, temples, palais, tout éprouve sa dent de fer. Les monuments respectables de l'art ne sont pas plus respectés que les chefs-d'œuvre s de la nature autour de lui sont entassés les débris des dignités et des grandeurs humaines, couronnes fracassées, sceptres brisés, trônes mis en poudre, et sur les ruines desquels il élève d'autres trônes qu'il renverse incontinent. Il se fit un jeu d'élever les quatre grands empires du monde, de les détruire tour à tour les uns par les autres, et d'en faire disparaître les nations. Devant lui passent rapidement toutes les générations, les vieillards poussés par les hommes d'un âge viril, et ceux-ci par des enfants. Tel est le Temps qui engloutit et dévore tout; mais à la fin des siècles, ce monstre, dévoré lui-même, expirera aux portes de l'éternité. DE LA BEAUME.

Le Culte du Feu.

C'est dans les climats où le froid exerce un long empire, où réside l'hiver accompagné de glaces perpétuelles et accumulées, que la découverte du feu a été une faveur du ciel, un bienfait pour l'humanité. L'homme qui sentait prêtes à se glacer les sources de la vie a dû croire que la vie lui était rendue. Le froid est un ennemi lui que suscitait la nature; le feu qui le combat, qui le force à disparaître, ne pouvait être qu'un Dieu bienfaisant et secourable. Vous imaginez combien l'essence même du feu a favorisé ces idées; le feu, remarquable par le mouvement le plus actif, par la puissance qu'il a de tout détruire! On lui a livré les troncs des arbres, les dépouilles mortes de la terre, et on lui a dit : « Consumez, vivez, pourvu «< que nous vivions. » En même temps le feu a présenté à l'homme attristé par l'absence du soleil, vivant dans la nuit, une lumière consolante ; il a éclairé les ténèbres ; d'une partie de l'année, il en a chassé l'ennui, la peur et toutes les chimères qui voltigent dans l'ombre. Il a donc réchauffé les corps glacés, et ranimé, égayé les imaginations devenues sombres comme la terre. Ces services valaient bien des autels. Mais ce feu produit par la foudre descendue des cieux, ou donné par le hasard, par le choc d'un caillou; ce feu, né au sein des glaces, et qui dut y paraître étranger, vous jugez comme il a dû être précieux! on craignit de le perdre et de ne pouvoir le retrouver. De là le soin de le conserver, ce soin sacré confié à des prêtres, à des vierges pures comme lui.

BAILLY. Lettres sur l'Atlantide.

La Jalousie.

Nous fùmes conduits, par un chemin de fleurs, au pied d'un rocher affreux; nous vîmes un antre obscur ; nous y entrâmes, croyant que c'était la demeure de quelque mortel. O Dieux! qui aurait pensé que ce lieu eût été si funeste? A peine y eus-je mis le pied que tout mon corps frémit; mes cheveux se dressèrent sur la tête: une main invisible m'entraînait dans ce fatal séjour; à mesure que mon cœur s'agitait, il cherchait à s'agiter encore. Ami, m'écriai-je entrons plus avant, dussions-nous voir augmenter nos peines. J'avance dans ce lieu, où jamais le soleil n'entra, et que les vents n'agitèrent jamais: j'y vis la Jalousie, son aspect était plus sombre que terrible; la Pâleur, la Tristesse, le Silence l'entouraient, et les Ennuis volaient autour d'elle. Elle souffla sur nous, elle nous mit la main sur cœur, elle nous frappa sur la tête, et nous ne vîmes, nous n'imaginâmes plus que des monstres. Entrez plus avant, nous dit-elle, malheureux mortels; allez trouver une Déesse plus puissante que moi. Nous vîmes une affreuse divinité à la lueur des langues enflammées des serpents qui sifflaient sur sa tête; c'était la Fureur. Elle détacha un de ses serpents, et le jeta sur moi : je voulus le prendre; déjà, sans que je l'eusse senti, il s'était glissé dans mon cœur. Je restai un moment comme stupide; mais dès que le poison se fut répandu dans mes veines, je crus être au milieu des enfers; mon ame fut embrasée, et dans sa violence tout mon corps la contenait à peine; j'étais si agité qu'il me semblait que je tournais sous le fouet des Furies.

le

MONTESQUIEU,

La Mort et son cortège au pied du trône de Pluton.

Au pied du trône était la Mort pâle et dévorante, avec sa faulx tranchante, qu'elle aiguisait sans cesse. Autour d'elle volaient les noirs Soucis, les cruelles Défiances, les Vengeances toutes dégouttantes de sang, et couvertes de plaies; les Haines injustes; l'Avarice qui se ronge ellemême; le Désespoir qui se déchire de ses propres mains; l'Ambition forcenée qui renverse tout; la Trahison qui veut se repaître de sang, et qui ne peut jouir des maux qu'elle a faits; l'Envie qui verse son venin mortel autour d'elle, et qui se tourne en rage, dans l'impuissance où elle est de nuire ; l'Impiété qui se creuse elle-même un abîme sans fond, où elle se précipite sans espérance; les Spectres hideux, les Fantômes qui représentent les morts pour épouvanter les vivants; les Songes affreux, les Insomnies aussi cruelles que les tristes Songes : toutes ces images funestes environnaient le fier Pluton, et remplissaient le palais où il habite.

FENELON. Télémaque.

Les Génies.

Le moment du départ étant arrivé, je sentis mon ame se dégager des liens qui l'attachaient au corps, et je me trouvai au milieu d'un nouveau monde de substances animées, bonnes ou malfaisantes, gaies ou tristes, prudentes ou étourdies; nous les suivîmes pendant quelque temps, et je crus reconnaître qu'elles dirigent les intérêts des états et ceux des particuliers, les recherches des sages et les opinions de la multitude.

Bientôt une femme de taille gigantesque étendit ses crêpes noirs sous la voûte des cieux; et étant descendue

lentement sur la terre, elle donna ses ordres au cortège dont elle était accompagnée. Nous nous glissâmes dans plusieurs maisons; le Sommeil et ses ministres y répandaient des pavots à pleines mains; et, tandis que le Silence et la Paix s'asseyaient doucement auprès de l'homme vertueux, les Remords et les Spectres effrayants secouaient avec violence le lit du scélérat. Platon écrivait sous la dictée du Génie d'Homère, et des Songes agréables voltigeaient autour de la jeune Lycoris.

« L'Aurore et les Heures ouvrent les barrières du Jour, me dit mon conducteur ; il est temps de nous élever dans les airs. Voyez les Génies tutélaires d'Athènes, de Corinthe, de Lacédémone, planer circulairement au-dessus de ces villes ; ils en écartent, autant qu'il est possible, les maux dont elles sont menacées. Cependant leurs campagnes vont être dévastées; car les Génies du Midi, enveloppés de nuages sombres, s'avancent en grondant contre ceux du Nord. Les guerres sont aussi fréquentes dans ces régions que dans les vôtres, et le combat des Titans et des Typhons ne fut que celui de deux peuplades de Génies.

« Observez maintenant ces agents empressés qui, d'un vol aussi rapide, aussi inquiet que celui de l'hirondelle, rasent la terre, et portent de tous côtés des regards avides et perçants: ce sont les inspecteurs des choses humaines; les uns répandent leurs douces influences sur les mortels qu'ils protègent; les autres détachent contre les forfaits l'implacable Némésis. Voyez ces médiateurs, ces interprètes, qui montent et descendent sans cesse ; ils portent aux Dieux vos vœux et vos offrandes; ils vous rapportent les songes heureux ou funestes et les secrets de l'avenir, qui vous sont ensuite révélés par la bouche des Oracles. »

« O mon protecteur ! m'écriai-je tout à coup, voici des êtres dont la taille et l'air sinistre inspirent la terreur; ils viennent à nous. »> « Fuyons, me dit-il, ils sont malheu

« PredošláPokračovať »