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de l'Europe; si l'on a quelquefois vu parmi nous des crimes odieux, ils ont disparu plutôt par le caractère national que par la sévérité des lois.

DUCLOS. Considérations sur les Maurs.

Les Mémes.

Voyagez beaucoup, et vous ne trouverez pas de peuple aussi doux, aussi affable, aussi franc, aussi poli, aussi spirituel, aussi galant que le Français, il l'est quelquefois trop, mais ce défaut est-il donc si grand? Il s'affecte avec vivacité et promptitude, et quelquefois pour des choses très frivoles, tandis que des objets importants, ou le touchent peu, ou n'excitent que sa plaisanterie. Le ridicule est son arme favorite, et la plus redoutable pour les autres et pour lui-même. Il passe rapidement du plaisir à la peine, et de la peine au plaisir. Le même bonheur le fatigue. Il n'éprouve guère de sensations profondes. Il s'engoue, mais il n'est ni fantasque, ni intolérant, ni enthousiaste. Il ne se mėle jamais d'affaire d'État que pour chansonner ou dire son épigramme sur les ministres. Cette légèreté est la source d'une espèce d'égalité dont il n'existe aucune trace ailleurs; elle met de temps en temps l'homme du commun qui a de l'esprit au niveau du grand seigneur; c'est en quelque sorte un peuple de femmes: car c'est parmi les femmes qu'on découvre, qu'on entend, qu'on aperçoit à côté de l'inconséquence, de la folie et du caprice, un mouvement, un mot, une action forte et sublime. Il a le tact exquis, le goût très fin; ce qui tient au sentiment de l'honneur, dont la nuance se répand sur toutes les conditions et sur tous les objets. Il est brave. Il est plutôt indiscret que confiant, et plus libertin que voluptueux. La sociabilité qui le rassemble en cercle nombreux, et qui le promène en un jour

en vingt cercles différents, use tout pour lui en un clin d'œil, ouvrages, nouvelles, modes, vices, vertus. Chaque semaine a son héros en bien comme en mal; c'est la contrée où il est le plus facile de faire parler de soi, et le plus difficile d'en faire parler long-temps. Il aime les talents en tout genre; et c'est moins par les récompenses du gouvernement que par la considération populaire qu'ils se soutiennent dans son pays. Il honore le génie, il se familiarise trop aisément ; ce qui n'est pas sans inconvénient pour luimême, et pour ceux qui veulent se faire respecter. Le Français est avec vous ce que vous désirez qu'il soit ; mais il faut se tenir avec lui sur ses gardes. Il perfectionne tout ce que les autres inventent. Tels sont les traits dont il porte l'empreinte, plus ou moins marquée, dans les contrées qu'il visite plutôt pour satisfaire sa curiosité, que pour ajouter à son instruction; aussi n'en rapporte-t-il que des prétentions. Il est plus fait pour l'amusement que pour l'amitié. Il a des connaissances sans nombre, et souvent il meurt seul. C'est l'être de la terre qui a le plus de jouissances et le moins de regrets. Comme il ne s'attache à rien fortement, il a bientôt oublié ce qu'il a perdu. Il possède supérieurement l'art de remplacer, et il est secondé dans cet art par tout ce qui l'environne. Si vous en exceptez cette prédilection offensante qu'il a pour sa nation, et qu'il n'est pas en lui de dissimuler, il me semble que le jeune Français, gai, léger, plaisant et frivole, est l'homme aimable de sa nation; et que le Français mûr, instruit et sage, qui a conservé les agréments de sa jeunesse, est l'homme aimable et estimable de tous les pays.

RAYNAL.

Les Arabes.

Les Arabes, avec une petite taille, un corps maigre,

une voix grêle, ont un tempérament robuste, le poil brun, le visage basané, les yeux noirs et vifs, une physionomie ingénieuse, mais rarement agréable. Ce contraste de traits et de qualités qui paraissent incompatibles semble s'être réuni dans cette race d'hommes pour en faire une nation singulière, dont la figure et le caractère tranchent assez fortement entre les Turcs, les Africains et les Persans, dont ils sont environnés. Graves et sérieux, ils attachent de la dignité à leur longue barbe, parlent peu, sans gestes, sans s'interrompre, sans se choquer dans leurs expressions. Ils se piquent entre eux de la plus exacte probité, par une suite de cet amour-propre et de cet esprit patriotique qui, joints ensemble, font qu'une nation, une horde, un corps s'estime, se ménage, se préfère à tout le reste de la terre. Plus ils conservent leur caractère flegmatique, plus ils sont redoutables dans la colère qui les en a fait sortir. Ce peuple a de l'intelligence et même de l'ouverture pour les sciences; mais il les cultive peu, soit défaut de secours ou même de besoins, aimant mieux souffrir sans doute les maux de la nature que les peines du travail. Les Arabes de nos jours n'ont aucun monument de génie, aucune production de leur industrie, qui les rende recommandables dans l'histoire de l'esprit humain....

Indépendamment de cette ressource (le pillage des caravanes), les Arabes de la partie du désert qui est le plus au nord en ont cherché une autre dans leurs brigandages. Ces hommes si humains, si fidèles, si désintéressés entre eux, sont féroces et avides avec les nations étrangères. Hôtes bienfaisants et généreux sous leurs tentes, ils dévastent habituellement les bourgades et les petites villes de leur voisinage. On les trouve bons pères, bons maris, bons maîtres; mais tout ce qui n'est pas de leur famille, est leur ennemi. Leurs courses s'étendent souvent fort

loin; et il n'est pas rare que la Syrie, la Mésopotamie, la Perse en soient le théâtre.

Les Arabes fixés sur l'Océan indien et sur la mer Rouge, ceux qui habitent ce qu'on appelle l'Arabie heureuse, étaient autrefois un peuple doux, amoureux de la liberté, content de son indépendance, sans songer à faire des conquétes. Ils étaient trop attachés au beau ciel sous lequel ils vivaient, à une terre qui fournissait, presque sans culture, à leurs besoins, pour être tentés de dominer sous un autre climat, dans d'autres campagnes. Mahomet changea leurs idées; mais il ne leur reste plus rien de l'impulsion qu'il leur avait donnée. Leur vie se passe à fumer, à prendre du café, de l'opium, du sorbet, à faire brûler des parfums exquis, dont ils reçoivent la fumée dans leurs habits légèrement imprégnés d'une aspersion d'eau rose. Ces plaisirs sont souvent suivis ou précédés de vers galants ou

amoureux.

Leurs compositions sont d'une grace, d'une mollesse, d'un raffinement, soit d'expression, soit de sentiment, dont n'approche aucun peuple ancien ou moderne. La langue qu'ils parlent dans ce monde à leur maîtresse semble être celle qu'ils parleront dans l'autre à leurs houris. C'est une espèce de musique si touchante, si fine; c'est un murmure si doux; ce sont des comparaisons si riántes et si fraîches: je dirais presque que leur poésie est parfumée comme leur contrée. Ce qu'est l'honneur dans les mœurs de nos paladins, les imitations de la nature le sont dans les poëmes arabes: là, c'est une quintessence de vertu ; ici, c'est une quintessence de volupté. On les voit abattus sous les ardeurs de leurs passions et de leur climat, ayant à peine la force de respirer. Ils s'abandonnent sans réserve à une langueur délicieuse, qu'ils n'éprouveraient pas peut-être sous un autre ciel.

RAYNAL.

Plutarque (1).

Évoque devant moi les grands hommes; je veux les voir et converser avec eux, disait un jeune prince plein d'imagination et d'enthousiasme, à une pythonisse célèbre qui passait dans l'Orient pour évoquer les morts. Un sage qui n'était pas loin de là, et qui passait sa vie dans la retraite, approcha, et lui dit : Je vais exécuter ce que tu demandes tiens, prends ce livre ; parcours avec attention les caractères qui le composent ; à mesure que tu liras tu verras s'élever autour de toi les ombres des grands hommes, et elles ne te quitteront plus. Ce livre était les Hommes illustres du philosophe de Chéronée. C'est là en effet que toute l'antiquité toute l'antiquité se trouve. Là, chaque homme paraît tour à tour avec son génie, et les talents ou les vertus qui ont influé sur le sort des peuples. Naissance, éducation, mœurs, principes, ou qui tiennent au caractère, ou qui le combattent; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant; grands hommes isolés, et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur; lutte d'un grand caractère contre les mœurs avilies d'un peuple qui tombe; développement rapide d'un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l'éloquence grandes vertus, toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes

(1) Le portrait de Plutarque, comme peintre des grands hommes, et modèle de ce genre, nous a paru devoir assez naturellement précéder ceux qui suivent. Ainsi placé, il dicte à la fois les règles de l'art, et renouvelle, pour ainsi dire, l'évocation sublime énoncée dans les premières lignes de ce morceau.

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