Obrázky na stránke
PDF
ePub

a

ct

et des sottises. Il a si peu d'égard au temps,"âux pers sonnes, aux bienséances, que chacun a son fait sans qu'il ait eu intention de le lui donner; il n'est pas encore assis qu'il a, à son insçu, désobligé toute l'assemblée. A-t-on servi? il se met le premier à table, et dans la première place; les femmes sont à sa droite et à sa gauche il mange, il boit, il conte, il plaisante; il interrompt tout à la1 fois : il n'a nul discernement des personnes, ni du maître, ni des conviés; il abuse de la folle déférence qu'on a pour lui. Est-ce lui, est-ce Euthydême qui donne le repas? il rappelle à soi toute l'autorité de la table, et il y a un moindre inconvénient à la lui laisser entière qu'à la lui disputer: le vin et les viandes n'ajoutent rien à son caractère. Si l'on joue, il gagne au jeu: il veut railler celui qui perd, et il l'offense. Les rieurs sont pour lui: il n'y a sorte de fatuité qu'on ne lui passe. Je cède enfin, et je disparais, incapable de souffrir plus long-temps Théodecte et ceux' qui le souffrent.

Gnathon, ou l'Égoïste.

va

[ocr errors]
[ocr errors]

91002

Le même.

[ocr errors][ocr errors]

lui et

Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient point. Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle de deux autres: il oublie le que repas est pour pour toute la compagnie ; il se rend maître du plat, et fait son propre de chaque service : il ne s'attache à aucun des mets qu'il n'ait achevé d'essayer de tous; il voudrait pouvoir les savourer tous tout à la fois : il ne se sert à table que de ses mains, il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu'il faut que les conviés, s'ils veulent manger, mangent ses restes; il ne leur épargne aucune de ses malpropretés dégoutantes, capables d'ôter

l'appétit aux plus affamés : le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe: s'il enlève un ragoût de

[ocr errors]
[ocr errors]

et tombe en

dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et sur la nappe, on le suit à la trace: il mange haut et avec grand bruit, il roule les yeux en mangeant, la table est pour lui un ratelier: il écure ses dents, et il continue à manger. Il se fait, quelque part où il se trouve, une manière d'établissement, et ne souffre pas d'être plus pressé au sermon ou au théâtre que dans sa chambre. Il n'y a, dans un carrosse, que les places du fond qui lui conviennent dans toute autre, si on veut l'en croire, il pâlit en faiblesse. S'il fait un voyage avec plusieurs, il les prévient dans les hôtelleries, et il sait toujours se condans la meilleure chambre, le meilleur lit. Il tourne tout à son usage ses valets, ceux d'autrui courent dans le même temps pour son service: tout ce qu'il trouve sous sa main lui est propre, hardes, équipages: il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion et sa bile; ne pleure point la mort des autres, n'appré-hende que la sienne, qu'il rachèterait volontiers de l'extinction du genre humain.

server, gauer

[ocr errors][ocr errors][merged small]

Cliton, ou l'Homme né pour la Digestion.

Cliton n'a jamais eu en toute sa vie que deux affaires, qui sont de dîner le matin, et de souper le soir; il ne semble né que pour la digestion; il n'a de même qu'un entretien ; il dit les entrées qui ont été servies au dernier repas où il s'est trouvé; il dit combien il y a eu de potages, et quels potages; il place ensuite le rôt et les entre-mets; il se souvient exactement de quels plats on a relevé le premier service; il n'oublie pas les hors-d'œuvres, le fruit et les

assiettes: il nomme tous les vins et toutes les liqueurs dont il a bu; il possède le langage des cuisines autant qu'il peut s'étendre, et il me fait envie de manger à une bonne table où il ne soit point: il a sur-tout un palais sûr, qui ne prend point le change, et il ne s'est jamais vu exposé à l'horriblė inconvénient de manger un mauvais ragoût, ou de boire d'un vin médiocre. C'est un personnage illustre dans son genre, et qui a porté le talent de se bien nourrir jusques où il pouvait aller: on ne reverra plus un homme qui mange tant, et qui mange si bien; aussi est-il l'arbitre des bons morceaux, et il n'est guère permis d'avoir du goût pour ce qu'il désapprouve. Mais il n'est plus, 'il s'est fait du moins porter à table jusqu'au dernier soupir: il donnait à manger le jour qu'il est mort. Quelque part où il soit, mange; et s'il revient au monde, c'est pour manger.

[ocr errors][merged small][merged small]

Giton et Phédon, ou le Riche et le Pauvre.

il

Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'œil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée: il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l'entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu'il lui dit : il déploie un ample mouchoir, et se mouche avec grand bruit; il crache fort loin, et il éternue fort haut; il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à table et à la promenade plus de place qu'un autre ; il tient le milieu en se promenant avec ses égaux; il s'arrête, et l'on s'arrête; il continue de marcher, et l'on marche; tous se règlent sur lui: il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole on ne l'interrompt pas, on l'écoute aussi longtemps qu'il veut parler, on est de son avis; on croit les nouvelles qu'il débite. S'il s'assied, vous le voyez s'enfoncer

dans un fauteuil, croiser les jambes l'une sur l'autre, roncer le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne your personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté, ou par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les affaires du temps: il se croit des talents et de l'esprit; il est riche.

[ocr errors]

Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre: il dort peu, et d'un sommeil fort léger: il est abstrait, rêveur, et il a, avec de l'esprit, l'air d'un stupide: il oublie de diré ce qu'il sait, ou de parler d'évènements qui lui sont connus; et, s'il le fait quelquefois, il s'en tire mal; il croit peser à ceux à qui il parle : il conte brièvement, mais froidement; il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire : il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent, il est de leur avis, il court, il vole pour leur rendre de petits services: il est complaisant, flatteur, empressé il est mystérieux sur ses affaires, quelquefois menteur; il est superstitieux, scrupuleux, timide il marche doucement et légèrement, il semble craindre de fouler la terre il marche les baissés, yeux

et il n'ose les lever sur ceux qui passent. Il n'est jamais du nombre de ceux qui forment un cercle pour discourir il se met derrière celui qui parle, recueille furtivement ce qui se dit, et se retire si on le regarde. Il n'occupe point de lieu, il ne tient point de place, il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux pour n'être point vu, il se replie, et se renferme dans son manteau : il n'y a point de galeries si embarrassées et si remplies de monde où il ne trouve moyen de passer sans effort, et de se couler sans être aperçu. Si on le prie de s'asseoir, il se met à peine sur le bord d'un siège : il parle bas dans la conversation, et il articule mal: libre néanmoins sur les affaires publiques, chagrin contre le siècle, médiocrement prévenu

des ministres et du ministère. Il n'ouvre la bouche que
pour répondre : il tousse, il se mouche sous son chapeau,
il crache presque sur soi, et il attend qu'il soit seul pour
éternuer; ou si cela lui arrive, c'est à l'insçu de la com-
pagnie, il n'en coûte à personne ni salut, ni compliment;
il est pauvre.
Le méme.

Le Courtisan.

N'espérez plus de candeur, de franchise, d'équité, de bons offices, de service, de bienveillance, de générosité, de fermeté dans un homme qui s'est depuis quelque temps livré à la cour, et qui secrètement veut sa fortune. Le reconnaissez-vous à son visage, à ses entretiens? Il ne nomme plus chaque chose par son nom : il n'y a plus pour lui de fripons, de fourbes, de sots et d'impertinents. Celui dont il lui échapperait de dire ce qu'il en pense est celui-là même qui, venant à le savoir, l'empêcherait de cheminer. Pensant mal de tout le monde, il n'en dit de personne; ne voulant du bien qu'à lui seul, il veut persuader qu'il en veut à tous, afin que tous lui en fassent, ou que nul du moins ne lui soit contraire. Non content de n'être pas sincère, il ne souffre pas que personne le

:

soit la vérité blesse son oreille : il est froid et indifférent sur les observations que l'on fait sur la cour et sur le courtisan; et parcequ'il les a entendues, il s'en croit complice et responsable. Tyran de la société et martyr de son ambition, il a une triste circonspection dans sa conduite et dans ses discours, une raillerie innocente, mais froide et contrainte, un ris forcé, des caresses contrefaites, une conversation interrompue et des distractions fréquentes : il a une profusion, le dirai-je, des torrents de louanges pour ce qu'a fait ou ce qu'a dit un homme placé et qui est

« PredošláPokračovať »