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Pirée, où il se manifesta d'abord; de là il se répandit avec fureur dans la ville, et sur-tout dans ces demeures obscures et malsaines, où les habitants de la campagne se trouvaient entassés.

Le mal attaquait successivement toutes les parties du corps les symptômes en étaient effrayants, les progrès rapides, les suites presque toujours mortelles. Dès les premières atteintes, l'ame perdait ses forces, le corps semblait en acquérir de nouvelles; et c'était un cruel supplice de résister à la maladie, sans pouvoir résister à la douleur. Les insomnies, les terreurs, des sanglots redoublés, des convulsions effrayantes, n'étaient pas les seuls tourments réservés aux malades. Une chaleur brûlante les dévorait intérieurement. Couverts d'ulcères et de taches livides, les yeux enflammés, la poitrine oppressée, les entrailles déchirées, exhalant une odeur fétide de leur bouche souillée d'un sang impur, on les voyait se traîner dans les rues, pour respirer plus librement; et ne pouvant éteindre la soif brûlante dont ils étaient consumés, se précipiter dans des puits ou dans des rivières couvertes de glaçons.

La plupart périssaient au septième ou au neuvième jour. S'ils prolongeaient leur vie au-delà de ces termes, ce n'était que pour éprouver une mort plus douloureuse et plus lente.

Ceux qui ne succombaient pas à la maladie n'en étaient presque jamais atteints une seconde fois. Faible consolation! car ils n'offraient plus aux yeux que les restes infortunés d'eux-mêmes. Les uns avaient perdu l'usage de plusieurs de leurs membres; les autres ne conservaient aucune idée du passé : heureux sans doute d'ignorer leur état; mais ils ne pouvaient reconnaître leurs amis.

Le même traitement produisait des effets tour à tour salutaires et nuisibles: la maladie semblait braver les

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règles de l'expérience. Comme elle infestait aussi plusieurs provinces de la Perse, le roi Artaxerxès résolut d'appeler à leur secours le célèbre Hippocrate, qui était alors dans l'ile de Cos: il fit briller à ses yeux de l'or et des dignités; mais le grand homme répondit au grand roi qu'il n'avait ni besoins ni désirs, et qu'il se devait aux Grecs plutôt qu'à leurs ennemis. Il vint ensuite offrir ses services aux Athéniens, qui le reçurent avec d'autant plus de reconnaissance, que la plupart de leurs médecins étaient morts victimes de leur zèle; il épuisa les ressources de son art, et exposa plusieurs fois sa vie. S'il n'obtint pas tout le succès que méritaient de si beaux sacrifices et de si grands talents, il donna du moins des consolations et des espérances. On dit que, pour purifier l'air, il fit allumer des feux dans les rues d'Athènes; d'autres prétendent que ce moyen fut employé, avec quelque succès, par un médecin d'Agrigente, nommé Acron.

On vit, dans les commencements, de grands exemples de piété filiale, d'amitié généreuse; mais comme ils furent presque toujours funestes à leurs auteurs, ils ne se renouvelèrent que rarement dans la suite. Alors les liens les plus respectables furent brisés ; les yeux près de se fermer, ne virent de toutes parts qu'une solitude profonde, et la mort ne fit plus couler de larmes.

Cet endurcissement produisit une licence effrénée. La perte de tant de gens de bien, confondus dans un même tombeau avec les scélérats; le renversement de tant de fortunes, devenues tout à coup le partage ou la proie des citoyens les plus obscurs, frappèrent vivement ceux qui n'ont d'autre principe que la crainte: persuadés que les Dieux ne prenaient plus d'intérêt à la vertu, et que vengeance des lois ne serait pas aussi prompte que la mort dont ils étaient menacés, ils crurent que la fragilité des choses humaines leur indiquait l'usage qu'ils en de-

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vaient faire ; et que, n'ayant plus que des moments à vivre, ils devaient du moins les passer dans le sein des plaisirs.

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Au bout de deux ans, la peste parut se calmer. Pendant ce repos, on s'aperçut plus d'une fois que le germe de la contagion n'était pas détruit il se développa dix-huit mois après; et dans le cours d'une année entière, il reproduisit les mêmes scènes de deuil et d'horreur. Sous. l'une et l'autre époque, il périt un très grand nombre de citoyens, parmi lesquels il faut compter près de cinq mille hommes en état de porter les armes. La perte la plus irréparable fut celle de Périclès, qui, dans la troisième année de la guerre, mourut des suites de la maladie (1).

BARTHÉLEMY. Voyage d'Anacharsis.

Passage des Alpes par François Ier.

On part; un détachement reste et se fait voir sur le Mont-Cénis et sur le Mont-Genèvre, pour inquiéter les Suisses et leur faire craindre une attaque. Le reste de l'armée passe à gué la Durance, et s'engage dans les montagnes, du côté de Guillestre; trois mille pionniers la précèdent. Le fer et le feu lui ouvrent une route difficile et périlleuse à travers des rochers; on remplit des vides immenses avec des fascines et de gros arbres; on bâtit des ponts de communication; on traîne, à force d'épaules et de bras, l'artillerie dans quelques endroits inaccessibles aux bêtes de somme : les soldats aident les pionniers; les officiers aident les soldats; tous indistinctement manient la pioche et la coignée, poussent aux roues, tirent les cordages; on gravit sur les montagnes; on fait des efforts

(1) Narrations, en vers, deux morceaux de ce genre.

plus qu'humains; on brave la mort qui semble ouvrir mille tombeaux dans ces vallées profondes que l'Argentière arrose, et où des torrents de glaces et de neiges fondues par le soleil se précipitent avec un fracas épouvantable. On ose à peine les regarder de la cime des rochers sur lesquels on marche en tremblant par des sentiers étroits, glissants et raboteux, où chaque faux pas entraîne une chute, et d'où l'on voit souvent rouler au fond des abîmes et les hommes et les bêtes avec toute leur charge. Le bruit des torrents, les cris des mourants, les hennissements des chevaux fatigués et effrayés, étaient horriblement répétés par tous les échos des bois et des montagnes, et venaient redoubler la terreur et le tumulte. On arriva enfin à une dernière montagne où l'on vit avec douleur tant de travaux et tant d'efforts prêts à échouer. La sape et la mine avaient renversé tous les rochers qu'on avait pu aborder et entamer; mais que pouvaient-elles contre une seule roche vive, escarpée de tous côtés, impénétrable au fer, presque inaccessible aux hommes ? Navarre, qui l'avait plusieurs fois sondée, commençait à désespérer du succès, lorsque des recherches plus heureuses lui découvrirent une veine plus tendre qu'il suivit avec la dernière précision; le rocher fut entamé par le milieu ; et l'armée, introduite au bout de huit jours dans le marquisat de Saluces, admira ce qué peuvent l'industrie, l'audace et la persévérance. GAILLARD. Histoire de Francois Ier.

La Mort de Socrate.

Les onze magistrats qui veillent à l'exécution des criminels se rendirent de bonne heure à la prison, pour le délivrer de ses fers, et lui annoncer le moment de son trẻ

pas. Plusieurs de ses disciples entrèrent ensuite; ils étaient à peu près au nombre de vingt : ils trouvèrent auprès de lui Xantippe, son épouse, tenant le plus jeune de ses enfants entre ses bras. Dès qu'elle les aperçut, ellè s'écria d'une voix entrecoupée de sanglots : «Ah! voilà vos amis, et c'est pour la dernière fois ! » Socrate ayant prié Criton de la faire remener chez elle, on l'arracha de ce lieu, jetant des cris douloureux, et se meurtrissant le visage.

Jamais il ne s'était montré à ses disciples avec tant de patience et de courage; ils ne pouvaient le voir sans être oppressés par la douleur, l'écouter sans être pénétrés de plaisir. Dans son dernier entretien, il leur dit qu'il n'était permis à personne d'attenter à ses jours, parceque, placés sur la terre comme dans un poste, nous ne devons le quitter que par la permission des Dieux; que pour lui, résigné à leur volonté, il soupirait après le moment qui le mettrait en possession du bonheur qu'il avait tâché de mériter par sa conduite. De là, passant au dogme de l'immortalité de l'ame, il l'établit par une foule de preuves qui justifiaient ses espérances. «Et quand même, disait-il, ces espérances ne seraient pas fondées, outre que les sacrifices qu'elles exigeaient ne m'ont pas empêché d'être le plus heureux des hommes, elles écartent loin de moi les amertumes de la mort, et répandent sur mes derniers moments une joie pure et délicieuse.

«< Ainsi, ajouta-t-il, tout homme qui, renonçant aux voluptés, a pris soin d'embellir son ame, non d'ornements étrangers, mais des ornements qui lui sont propres, tels que la justice, la tempérance et les autres vertus, doit être plein d'une entière confiance, et attendre paisiblement l'heure de son trépas. Vous me suivrez quand la vôtre sera venue; la mienne approche, et, pour me servir de l'expression d'un de nos poëtes, j'entends déjà sa voix qui m'appelle. »>

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