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dévoûment! Grâce aux causeries d'Enobarbus, Agrippa et Mécène savaient d'avance, et à n'en plus douter, qu'Antoine avec sa Cléopâtre était un homme perdu (18). Quand la troisième colonne de l'univers se transformait en jouet d'une prostituée *; pouvait-on bâtir dessus? Non, certes:

« Vis consili expers mole ruit sua **. >>>

Et cependant, l'édifice social penche vers sa ruine. Comment le soutenir? Quel dieu invoquer? Le ciel est sourd; Vesta n'entend plus la prière des saintes vierges qui l'implorent. A qui Jupiter donnerat-il mission de réparer le mal? A qui? Si ce n'est à l'élu des Augures; si ce n'est au fils d'Apollon :

« Quem vocet Divum populus ruentis
« Imperi rebus? Prece qua fatigent
« Virgines sanctæ minus audientem
« Carmina Vestam?

« Cui dabit partes scelus expiandi
« Jupiter? Tandem venias, precamur,
« Nube candentes humeros amictus,
« Augur Apollo ***! »

Donc pour une réédification il n'y a plus qu'Oc

tave; Octave, paraît le seul sur qui Rome puisse

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faire fond, sur qui l'empire puisse s'appuyer; il est la dernière colonne, l'unique :

« O tutela præsens

« Italiæ dominæque Romæ * !

Frêle, en apparence, Octave, à bien l'examiner, avait des élémens de force et de durée. D'abord, son titre de fils adoptif de César **; qui, pour le peuple, promet un soutien des idées victorieuses à Fharsale; puis ses qualités personnelles : une insigne piété, un grand amour de la paix et de l'agriculture; c'est là de quoi rassurer les patriciens un chef pieux, doit résister aux doctrines nouvelles; subversives; la paix, calme les esprits; l'agriculture, aide à les régir; car, dit fort bien Plutarque Ceux qui vivent du labour de la terre, portent plus patiemment le gouvernement de la noblesse ***. » Avec le pouvoir monar

• Horat. od. XIV, lib. IV.

** On voit dans Plutarque la valeur de ce titre : « La gloire « de César soutint et remit sus ses amis encore après qu'il fût « mort, et son nom eut tant d'efficace, qu'un jeune enfant qui « n'avait aucun moyen, ni aucun pouvoir de soi, il en fit in• continent le premier homme des Romains, et en usa-t-on « comme d'un REMÈDE ou d'un CONTREPOISON contre la haine,

⚫ — malveillance, et puissance d'Antoine.» Parall. de Dion et de M. Brutus.

*** Themistocle, XXXVIII.

chique d'Octave, l'ordre public renaîtra; plus d'émeutes à craindre; plus de pillage, ni d'assassinats :

« Ego nec tumultum,

Nec mori per vim metuam, tenente
Cæsare terras *. >>>

Aussi long-temps qu'Octave-César sera là pour empêcher le renversement des choses, on ne verra plus de guerres civiles; les honnêtes gens pourront vivre en repos; et l'esprit de haine, de vengeance, qui met aux hommes le fer à la main, ne fera plus, pour leur malheur, se soulever les villes contre les villes : « Custode rerum Cæsare, non furor Civilis aut vis eximet otium,

Non ira, quæ procudit enses,
Et miseras inimicat urbes **. »

Ces considérations militaient, je pense, en faveur d'Octave auprès de l'Aristocratie; qui, d'abord, l'avait dédaigneusement repoussé (19); mais qui, depuis, voyant la fortune de son côté, mieux avisée finissait par venir à lui, par comprendre qu'au milieu du tourbillon démocratique elle n'avait d'autre voie de salut que la monarchie; et que le jeune héritier de César était, après tout, le dernier es

* Horat. od. XIV, lib. III. ** Idem, od. xv, lib. tv.

poir de la patrie; le seul chef en position de rétablir le principe d'ordre et d'autorité; enfin, pour me servir ici du langage de Corneille, plus propre que tout autre à reproduire la pensée de Virgile, le seul homme qui pùt prêter l'épaule au monde chancelant *; »>

soclo.

«

everso succurrere

Que si, du côté de la naissance, le jeune Octavius Thurinus laisse quelque chose à désirer; s'il manque encore de ce prestige, de cette majesté qui appartient à la souveraine puissance; cela viendra; patience; que Virgile ait le temps de composer l'Enéide; et l'on verra de qui descend le vainqueur d'Actium; s'il est d'antique et noble race: « Et mi genus ab Jove summo **!- Et moi aussi, Quirites, fiers patriciens, dieux de la terre, et moi aussi je

Pompée, act. I, Sc. I.

** Æneid. VI, 124, puis v, 569 :

«

« Alter Atys, genus unde Atti duxere Latini;

« Parvus Atys, pueroque puer dilectus Iulo. »>

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Virgile a grand soin de jouer sur le nom d'Atys, et en fait l'auteur de la famille Atia; cela donnait à Auguste des aïeux dans l'Énéide. » M. de Golbery, note 15, en sa traduction de Suétone, Octav. -Aug. IV. Les deux familles des Jules et des Atiens se trouvaient réunies dans Auguste. M. Attius Balbus avait épousé Julie, sœur de Jules-César, et de ce mariage était née Atia, mère d'Octave.

suis des vôtres; car je remonte à Jupiter; et j'ai droit au souverain empire.

Que!que importante que fût pour le petit Octave de Thurium la question de naissance, d'être riche en aïeux, de remonter à Jupiter, et, ainsi, d'avoir droit au souverain empire; elle n'était cependant, cette importante question, que secondaire; et l'Eneide ne devait venir qu'après les Géorgiques; car avant de s'approprier la chose Romaine, et de pouvoir la régir souverainement, il fallait d'abord la sauver, la conserver à l'empereur il fallait un empire. Or, le premier obstacle à l'établissement de l'Empire était la misère de l'Italie, et, par suite, chez un grand nombre, la pensée de l'abandonner, d'émigrer, d'aller sous un autre ciel chercher une meilleure patrie. Chose étrange! incroyable d'abord, mais réelle cependant le peuple romain n'avait pas l'amour du sol; non; son territoire sacré, sa Ville Éternelle, batie par les Dieux pour devenir la reine du monde, il n'y tenait en réalité que fort peu, il n'y tenait pas du tout. Combien de fois il manifeste l'envie de les quitter! Toujours mécontent, toujours indisposé contre une ingrate patrie qui ne laisse à ses défenseurs, pour prix de leurs services, que l'indigence, les fers, et l'esclavage; tantôt il se retire sur une montagne, d'où ses chefs ont grand'

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