Obrázky na stránke
PDF
ePub

flancs du cheval de Troie : ils sont neuf *. Enfin, le Styx enveloppe neuf fois de ses replis le royaume des ombres : « Novics Styx interfusa coercet **. »

Nous croirons donc que l'épitaphe de Virgile pouvait bien, dans sa forme, avoir quelque chose de mystique. Au fond, elle contient le secret de sa personne, et de ses écrits.

Il était fils de Mantoue! Donc en ses veines coulait du sang étrusque; car Mantoue, elle-même, était fille de l'Étrurie; de cette mère-patrie robuste qui eut en Italic de nombreux rejetons : « Fortis Etruria crevit *** »

Un bon fils de Mantoue devait retenir et conserver le génie étrusque; partant, être religieux; et même superstitieux; croire à la divination, révérer l'art des aruspices et des augures; l'étudier; et, au besoin, le pratiquer ****; il devait reconnaître à la terre un caractère divin; l'aimer et l'honorer; parler d'elle et de son culte avec enthou

Voyez Énéide, liv. 11, 263-265.

Georgic. IV, 481; et Æneid. VI, 440. ***Georgic. II, 534.

**** Si bien qu'il passera pour magicien. « Il n'y a rien de plus ridicule que ce que l'on conte de sa magie, et des prétendus prodiges qu'il fit voir aux Napolitains. » Bayle, Dict. Histor., VIRGILE.

siasme : « Divini gloria ruris*! » Il devait, enfin, avoir dans le cœur le respect des aïeux, de la famille; l'amour du patriciat, de l'aristocratie: Mantua dives avis ** ! » — Tel fut en effet Virgile.

Lorsque après Homère, Hésiode, et Théocrite, Virgile se prend à chanter la vie pastorale, le labour, et les chefs; duces; ceux qui conduisent; qui, en paix ou en guerre, marchent à la tête des peuples dans les voies de la civilisation; proprement, l'aristocratie ***; c'est du génie étrusque qu'il reçoit l'influence secrète; c'est à lui qu'il doit sa force et son originalité: « Tusco de sanguine vires ****. »

Avec leur tournure et leur physionomie grecque, les Bucoliques, les Géorgiques, et l'Eneide, sont des créations essentiellement Latines; qui, toutes trois, conçues par amour du Latium, rappellent la triple nationalité du peuple Latin : pâtre, laboureur, guerrier. Jamais poésie ne fut plus nationale. Jamais

Georg. 1, 169.

[ocr errors]

** Eneid. x, 204. « Les Étrusques, peuple aristocratique entre tous. » Michelet, Histoire Romaine, t. I, chap. III.

« Les grands, nommés Spartes à Thèbes, Eupatrides à Athènes, chefs et rois dans d'autres États, forment l'aristocratie qui existe partout où les hommes se réunissent en société. Précis de l'Histoire Ancienne par MM. Poirson et Cayx; Introduction, p. iij.

Æneid. X, 206.

poète n'entreprit avec plus de zèle, ni dans des circonstances plus critiques, de venir en aide à son pays: vers la fin de la République, il n'y avait plus d'ordre social; plus de religion; les oracles, méprisés, depuis long-temps se taisaient *; on se moquait ouvertement des augures; enfin, toute la chose Romaine périssait : ce que Virgile fit pour la conserver, est admirable.

Il mérita bien d'elle, assurément! Et si les Dieux par qui cette chose avait été fondée, soutenue : « Di quibus imperium hoc steterat **; si Romulus et Vesta, Jupiter et Junon, Mars et Vénus, Apollon et Minerve, et autres divinités eussent pu régir encore les mortels; il eût, ce divin poète, ce digne fils d'Apollon, il eût raffermi leur empire; mais le Polythéisme à bout n'en pouvait plus; désormais, ni les images vives de la pensée, ni les fictions les plus brillantes, ni le charme des vers; aucun philtre, aucune magie, n'étaient plus capables de rendre la chaleur à ses mythes surannés; et il lui fallait mourir. L'heure approchait où le monde

« Cur isto modo jam Oracula Delphis non eduntur, non modo nostra ætate, sed jamdiu, ut nihil possit esse contemptius. » Cicer. De Divinat. II, 57. Voyez Montaigne, Essais, chap. XI.

Eneid. VI, 663.

en travail devait « enfanter son sauveur ; les cieux déjà répandaient leur rosée * » un peu de temps encore; que l'auteur de l'Énéide vécût quelques années de plus; et lui-même eût pu voir le berceau de Jésus-Christ **.

L'histoire a consigné que le jour où mourait Lucrèce, Virgile prenait la robe virile. Ces deux faits, ainsi rapprochés, parlent aux yeux. Et toute réelle que puisse être leur coïncidence, on est tenté de la croire une allégorie, faite pour exprimer qu'après la Philosophie, la Religion reprend la parole. En effet on voit, ainsi, d'un coup-d'œil comme au poète libre-penseur et mécréant succède un poète sage, religieux. L'un est, en quelque sorte, relevé par l'autre. Cette fois, le parti Latinconservateur dut se rassurer: il avait un homme imbu des croyances antiques, véritablement pieux; qui, par son caractère, donnant à ses écrits de l'autorité, pouvait commander aux esprits, les ramener, les rattacher, resserrer les liens défaits par la Nature des Choses; enfin l'anti-Lucrèce.

[ocr errors]

Avec son zèle et sa piété de commande, Catulle,

Racine, Athalie, act. III, sc. VII.

Virgile meurt, âgé de cinquante-deux ans, l'an de Rome 734; et, seulement vingt ans après, Jésus-Christ naît; l'an de Rome 754.

en dernière analyse, n'avait opposé rien de solide à la Nature des Choses: une hymne à Diane, sainte patronne de la race de Romulus et d'Ancus; des invocations au dieu Hymen, conservateur des nobles familles, et protecteur des gens de bien; quelques regrets aux héros des premiers âges, mortels issus des Dieux, et dignes de leur naissance, chers aux Nymphes, admis dans la couche des Déesses; un grand fond de respect pour la propriété, base sacrée du patriciat; des leçons d'amour et de chasteté données aux jeunes vierges assez heureuses pour voir briller à leurs noces le flambeau d'Hyménée; cela, sans doute, était de nature à toucher l'Aristocratie; mais cela ne parlait guère au peuple. Pourtant, le peuple, il importait de l'instruire. Les discours de Lucrèce n'étaient que trop à sa portée! On s'en apercevait aux progrès de l'incrédulité. Grâces au ciel, voici que Virgile venait donner à tous de religieux enseignemens. Il y avait lieu d'en attendre de bons effets: après de longs orages, le calme commençait à renaître; la société, avide de repos, ressentait le besoin d'être restaurée; nul doute qu'elle voulût s'amender, revenir à ses premières institutions; on devait donc voir la piété reparaître; la religion reprendre son empire; et le pouvoir se consolider.

« PredošláPokračovať »