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elles profitent de leur expérience respective; il y a pénétration réciproque du droit conventionnel et du droit intérieur. Une administration qui a inauguré un service nouveau, qui a réalisé une amélioration, veut que le progrès se fasse sentir aussi dans ses rapports avec les autres pays et cherche à l'introduire dans l'Association. Il serait facile d'en signaler des exemples nombreux en ce qui concerne notamment le service postal.

Tant qu'on est dans le domaine administratif, l'entente est relativement facile, parce qu'on n'a guère à lutter que contre la tradition ou la routine et que l'accord est même souvent imposé par les nécessités pratiques. C'est ainsi que l'Union télégraphique a été la première conclue, d'une part, parce que l'entente préalable est absolument indispensable pour les communications, et, d'autre part, parce que les administrations n'avaient pas encore eu le temps de s'immobiliser dans des pratiques différentes.

Le règlement est plus difficile quand on entre dans le domaine du droit proprement dit, quand il s'agit de s'entendre sur des règles juridiques qui ne cadrent pas avec les principes de la législation de tel ou tel pays. Cependant on est arrivé à créer, en 1883, à Paris, une Union pour la protection de la propriété industrielle (brevets d'invention, dessins et modèles industriels, marques de fabrique, etc.) qui s'est agrandie notablement par l'adhésion récente de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie ; en 1887, à Berne, une Union pour la protection des œuvres littéraires et artistiques; en 1890, encore à Berne, une Union pour le transport des marchandises par chemins de fer. Il convient de remarquer que ces conventions laissent, dans une large mesure, subsister l'empire des législations nationales et, de plus, qu'elles concernent des domaines dans lesquels l'influence particulière des mœurs, de l'état social est restreinte. Aussi peut-on noter dans ces matières une tendance marquée vers l'unification; par exemple, il est probable que, dans un avenir pas trop éloigné,

les règles applicables au transport des marchandises par chemins de fer seront identiques dans presque tous les pays de l'Europe continentale, parce qu'elles doivent répondre à des besoins qui sont les mêmes partout.

La situation change quand il s'agit du droit civil proprement dit, de l'organisation de la famille, de la propriété ; cette partie de la législation reçoit l'empreinte de la race, du temps, des mœurs, de la religion, de l'organisation politique. Elle ne peut se transporter d'un pays dans un autre comme un règlement sur la lettre de change. Deux législations sur le mariage, la famille, les successions, peuvent différer beaucoup l'une de l'autre, sans que souvent il soit juste de dire que l'une est supérieure à l'autre ; elles peuvent être également bien adaptées aux besoins du peuple pour lequel elles sont faites. Le problème international qui se présente ici a donc un caractère tout particulier et il faut se rendre compte des circonstances de fait dans lesquelles il se pose.

Sous l'empire des facilités de communication dont j'ai parlé, un nombre de plus en plus grand de personnes se sont déplacées, sont allées voyager, séjourner ou même s'établir définitivement loin de leur patrie; ces personnes, dans leurs rapports avec des personnes de nationalité différente ou de même nationalité, sont-elles encore soumises aux lois de leur pays d'origine ou subissent elles les lois du pays où elles se trouvent de fait ? Peut-on poser une règle absolue ou n'y a-t-il pas des distinctions à faire? Pour prendre le cas le plus simple, je suppose que deux Français se marient à l'étranger devant les autorités étrangères. Deux lois entrent naturellement en jeu : la loi française, la loi du lieu de la célébration. Quelle est leur part respective d'influence pour la solution des diverses questions auxquelles donne lieu la célébration d'un mariage pour le fond ou la forme? L'hypothèse peut facilement se compliquer: il n'y a qu'à supposer un Français et une Anglaise se mariant en Italie; il faut alors

faire leur part à trois lois. Dans cet ordre d'idées, la pratique fournit des espèces plus compliquées que celles que peut imaginer un jurisconsulte.

Les questions nées ainsi de la divergence des législations civiles ont été en augmentant incessamment de nombre et d'importance, comme le prouvent les recueils de jurisprudence, surtout le précieux Journal du droit international privé et de la jurisprudence comparée, fondé par M. Clunet en 1874.

Cette matière du Conflit des lois ou du droit international privé, pour lui donner les dénominations usuelles, a toujours passé pour difficile. Elle avait une très grande importance dans l'intérieur de notre ancienne France, à raison de la diversité des coutumes, et elle avait donné lieu à des travaux considérables. Le judicieux président Bouhier, au début du XXIII chapitre de ses Observations sur la coutume du duché de Bourgogne, consacré à l'étude de ces conflits, disait : « De toutes les difficultés que la diversité des statuts a introduites dans la jurisprudence, il n'y en a aucunes qui soient plus intriguées et plus épineuses que celles dont je vais parler. » Si donc, comme le dit un jurisconsulte contemporain (1), le droit international a la réputation de « science à broussailles », les jurisconsulles de nos jours qui se sont occupés de ces matières n'en sont pas entièrement responsables, comme vou draient le faire croire quelques-uns, et, si on était équitable, on devrait reconnaître, au contraire, qu'ils ont fait une besogne utile en commençant à défricher la brousse. L'oeuvre est d'autant plus méritoire qu'elle est plus malaisée et, en définitive, il n'y a pas si longtemps qu'on s'en occupe sérieusement sous son aspect nouveau de règlement des rapports internationaux au lieu du règlement des rapports entre les provinces d'un même Etat. Sans doute, il y a en cette matière

(1) Thaller, Des faillites en droit comparé, II, no 234 (ouvrage couronné par l'Académie).

des théories très divergentes et on ne doit pas s'en étonner, puisque le problème est délicat en lui-même et que le législateur français s'est presque entièremenl effacé. La disposition principale de notre Code civil dans cet ordre d'idées, l'article 3 marque, comme on l'a très bien dit, plutôt la place d'une législation absente qu'elle ne constitue une législation sur le conflit des lois (1). Nous y trouvons seulement deux règles sur certaines lois françaises qui s'appliquent aux étrangers en France, une règle sur les lois françaises qui s'appliquent aux Français en pays étranger; il n'y a rien sur l'observation en France des lois étrangères et de brèves allusions sont faites dans le reste du Code aux lois étrangères à prendre en considération pour des actes intervenus en pays étranger (art. 47, 170, 999). Cette insuffisance du Code civil s'explique, si on se reporte à sa date et à l'état des relations internationales d'alors. On n'était plus sous l'empire des idées généreuses et un peu naïves, peut-être, qui avaient signalé le début de la Révolution et amené de profondes réformes dans la condition des étrangers. On avait été en guerre avec presque toute l'Europe et si, dans une accalmie, Portalis, présentant le titre préliminaire du Code civil, déclarait que « les différents peuples, depuis les progrès du commerce et de la civilisation, ont plus de rapports entre eux qu'ils n'en avaient autrefois, les dispositions adoptées ne témoignaient ni d'une grande sympathie pour les étrangers ni d'une grande confiance dans leurs institutions judiciaires.

Nos magistrats, nos jurisconsultes n'ont donc eu à leur disposition que des textes bien insuffisants pour résoudre les innombrables questions soulevées par la pratique des affaires et il ne faut pas trop s'étonner des incertitudes, de la divergence et même de la contradiction des décisions et des opinions.

Les Codes postérieurs au nôtre ont pu naturellement être plus explicites. Il faut citer tout d'abord le Code civil ita

(1) Lainé, Etude sur le projet de revision du Code civil belge, p. 5.

lien de 1865 qui, dans ses Dispositions préliminaires, contient sur le conflit des lois quelques règles vraiment libérales, en ce qu'elles déterminent la loi rationnellement applicable sans donner en principe la prépondérance à la loi italienne; le Code espagnol de 1889 inspiré en partie par le Code italien. Les lois les plus récentes sont le Décret congolais sur le conflit des lois du 20 février 1891 (vraiment remarquable), la loi japonaise du 15 juin 1898 et la loi d'introduction au Code civil allemand en vigueur depuis le 1er janvier 1900. On pourrait croire que cette loi venant la dernière, résultant d'une lente élaboration par des jurisconsultes de premier ordre, nous a donné le travail législatif le plus achevé en cette matière. Il n'en est rien: des jurisconsultes allemands trouvent eux-mêmes que l'œuvre est imparfaite et incomplète, ne répondant pas à des vues scientifiques et se préoccupant trop d'assurer, même sans raisons décisives, la prépondérance à la loi allemande. Les Japonais n'en ont pas moins cru que cette loi allemande devait exprimer le dernier mot de la science européenne et s'en sont trop largement inspirés pour leur propre loi.

Jusqu'à présent, ce qu'il y a certainement de mieux au point de vue législatif, c'est le projet du titre préliminaire du Code civil belge (1), malheureusement laissé sans suite, la machine législative ne fonctionnant pas plus aisément en Belgique que dans d'autres pays à régime parlementaire.

Il n'est pas sans intérêt de signaler aussi la loi fédérale suisse du 25 juin 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (2). Sous ce titre un peu singulier pour nous, cette loi s'occupe à la fois des conflits entre les lois des divers cantons suisses et des conflits entre les lois suisses (cantonales ou fédérales) et les lois étrangères, c'est

(1) V. la remarquable étude de M. Lainé publiée en 1890 (Pichon, éditeur).

(2) V. l'étude de M. Lainé, Paris, 1894.

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