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Toutefois il m'a fallu un effort sur moi-même pour me résigner à rester enfermé dans ces cadres traditionnels, factices, impossibles à accommoder aux réalités, dont l'insuffisance m'apparaît de plus en plus, et qui sont une gêne aussi grande pour un linguiste que le serait l'alphabet pour un phonéticien, s'il devait se régler sur lui.

LIVRE V

LES FORMES GRAMMATICALES

CHAPITRE PREMIER

LES ARTICLES

Il semble, si on ne consulte que l'écriture, que les formes de l'article n'aient point été modifiées au xvn siècle. Et cependant sous cette apparence d'immobilité se dissimule un dernier changement, fort important. Le pluriel les cessa peu à peu de se prononcer læz, même devant voyelle. On dit désormais les amis, comme le(s) ponts, avec un e plus ou moins ouvert, la question sera longtemps débattue, mais toujours avec un e et jamais plus avec un æ. Et ainsi les eut la même voyelle que des, et qu'autrefois es.

Au contraire, au singulier, le, qui avait commencé à prendre comme pronom le même chemin, on disait souvent: donnez lé (= donnez le), garda sa voyelle œ1.

Il en résulta une unification des formes du pluriel, sauf au cas indirect: aux. Et d'autre part la forme la plus employée du pluriel les se trouva bien différente partout de la forme du singulier le. L'article y gagna plus de netteté dans une de ses fonctions essentielles celle de marquer le nombre2.

1. Les élisions devant consonnes sont toujours fréquentes su'l'mur, pou'l'roi. Mais peu à peu on les rejette de la langue littéraire.

à

2. Il importe du reste d'observer que, si les résultats définitifs furent finalement bien différents, depuis longtemps deux des cas obliques se distinguaient nécessairement:

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Au singulier, les formes étaient le résultat de la vocalisation de l.

Au pluriel, si on met à part aux, analogique du singulier au (et qui a remplacé as), il y avait eu crase.

ly

Histoire de la langue françcise. IV. 2.

1

CHAPITRE II

LES NOMS

ADAPTATION DES NOMS ÉTRANGERS

OBSERVATIONS GÉNÉRALES. Si cette Histoire pouvait prétendre à être complète, j'aurais à exposer ici comment on francisait les noms propres, particulièrement les noms anciens, et quelles furent, sur ce point, les hésitations des écrivains et des grammairiens. Je ne méconnais nullement l'intérêt d'une pareille étude, et je ne nie. point qu'elle ne se rapporte assez directement à l'évolution de notre langue et de notre art. Nos écrivains ont si souvent pris pour matière les choses et les hommes de l'antiquité, qu'un Achille, un Néron ou un Polyeucte sont des figures qui nous appartiennent. Leur vie ne fait pas partie de l'histoire de France, leur nom est inséparable de l'histoire de notre génie. On a vu de nos jours qu'il était impossible à qui que ce soit d'en changer la forme, fùt-ce pour restituer la véritable. Comment et pourquoi tel dieu ou tel personnage a habillé son nom à la française, quelle part les grandes œuvres, l'enseignement, la tradition ont eue dans cette naturalisation, c'est une histoire à faire, et qui ne serait point dépourvue d'intérêt. Pourquoi Sénèque et au contraire Scévola, Pénélope et non Circe, Didon et au contraire Sapho, Judas et Satan?

Les écrivains de la Renaissance, les seuls, semble-t-il, auxquels il faille ici remonter, ne s'étaient jamais accordés sur ce point. Tantôt ils francisaient les noms propres, tantôt ils les reproduisaient tels quels. Le Quintil reprochait déjà à Du Bellay d'avoir écrit Pytho, Erato, quoiqu'il eût pu dire Python, Eraton, comme Platon et Ciceron (éd. Chamard, 255, note 1).

C'était là, pour ce pédant, du pédantisme inutile. Meigret, de même, jugeait qu'il était « en la puissance de l'usage » d'emprunter ce que bon lui semblait du vocable Aristoteles, et de laisser le reste (26 vo). Abel Mathieu au contraire, si grand ennemi du latinisme, voulait les Manlius, les Epaminondas, et non les Epaminondes (Sec.

Dev., 1560, 15 vo). Était-ce pour laisser à ces métèques la marque de leur origine?

Les procédés de francisation, quand on en usait, étaient fort divers:

1o On remplaçait la désinence latine par e muet: Etne, Arachne, Cadme, Herme, Teucre, et ainsi tous les noms, quelle que fût leur désinence originelle, prenaient la même en français.

2o On retranchait toute désinence: Adon, Neptun, Vulcan.

3o On forgeait par analogie des formes que la déclinaison ignorait dans la langue originelle: Echon, Calypson.

4o On traduisait, en quelque sorte, par des approchants français: Laches > Lachet; Phedria > Fedri; Cherea > Chereau ; Chremes> Cremet (Baïf, IV, 452, n. 2, M.-L.)1.

De pareils déguisements, possibles en poésie, où l'identité des personnages importe parfois assez peu, étaient ridicules en histoire, où ils risquaient d'amener des erreurs sur la personne. Amyot conserva les noms tels quels. Montaigne avouait qu'au commencement cela lui paraissait un peu rude, mais le succès du Plutarque accoutuma à cette étrangeté, si bien que Montaigne lui-même sut gré au novateur de son audace (Ess., I, XLVI).

Aucun usage général n'était parvenu à s'établir quand s'ouvrit le XVII siècle. C'est à peine si, dans certains genres, il y avait une tradition. On a pu remarquer que Corneille par exemple suit, avec des libertés, la façon de faire des tragiques ses prédécesseurs, particulièrement de Garnier (cf. M.-L., Introd. du Lex. de Corn., XXVIII, n. 1). Mais en général la confusion est extrême 2

Dans le roman en particulier on constate un mélange de formes, les unes francisées, les autres antiques.

1. Cf. Laumonier, Ronsard poète lyrique, 409, note.

2. Voici des formes toutes latines: rapportée par M. Seneca (Cam., Div., 288 vo); Menippus (R. Franç., Merv. de Nat., 549); Mecenas mourut sans lignée (Scudéry, Po., Muse guer., 297); les exemples d'Octavia et de Livia (Lett. de Phyll., 1re part., 202). Au contraire: Chaque Amarille a son Tityre (Malh., I, 215); sous les Mirthes d'Élise (Mayn., Po., I, 166); Tertullian, discourăt de l'effigie de l'ame (Forn., Or. de l'âme, er disc., 61); Les Empedocles, les Democrites, les Aristotes, les Zenons ont tout corrompu (Cotin, Théocl., 1re part., 14); Vitellie, Gordian. Pertinax, Macrin, Probe, Aurelie (Rotrou, St-Gen., act. I, sc. 4, Th. franç., I, 240); les Chrestiens qui ont enduré à Sens soubs Rictie Vare, ou à Valence soubs le Prefect Saprice (Gar., Rab. ref., 85).

:

3. Zeuxide (Astr., 2o part., 233); Sylvandre (lb., 497). Au contraire: Lycidas (Ib., 497; cf. Clélie, 2° part., liv. III, 1081); Au sortir de la Chambre d'Hermilie, Brutus, Amilcar, Herminius, Zenocrate, et Celere, furent retrouver Aronce; La première Attaque estoit commandée par le Prince Thrasibule: la seconde par Hidaspe et la troisiesme par Aglatidas: car pour Cyrus il voulut... (Cyrus, 3o part., liv. II, 644); A celuy-là succedoit Persode ou Hidaspe à ceux-cy Artibie ou Adusius: Enfin, soit par Aglatidas, par Thimoerate, par Philocles, par Gobrias, par Gadate, par Thrasibule, par Madate. ou par Artucas, le Nom d'Artamene estoit continuellement prononcé (Ib., 2e part., liv. III,

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