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CHAPITRE VI

PLURIEL DES NOMS ET DES ADJECTIFS

LE PLURIEL RÉEL

PLURIEL EN AUX DES MOTS EN AL, AIL.

Il parait que Louis XIV, qui, « à l'exemple de César, au milieu de ses grandes occupations, se divertissoit quelquefois à examiner des questions de Grammaire », demanda un jour « à ceux de sa Cour qui avoient le plus de connoissance de nostre Langue, pourquoy on écrivoit ces mots de cette sorte ». Personne ne put lui en rendre raison 1. La règle n'en perdit rien du reste de sa solidité. Les Cahiers de l'Académie la posent ainsi : « La pluspart des mots en al et en ail ont aussi le pluriel en aux par x, comme cristal, cheval, animal, ail, travail, esmail, bail », qui font au pluriel « cristaux, chevaux, animaux, aux, travaux, esmaux, baux ». Exceptez : « bal, pal, esventail, espouventail, mail, camail, et tramail », qui font « bals, pals, éventails, espouventails, mails, camails et tramails » (89; cf. Regnier-Desm., 216). NOMS EN AL. Dans cette série, il n'y a plus hésitation que pour quelques mots cristal, Ménage est pour cristaux (O., I, 470; cf. d'Aisy, Gén., 91); madrigal, Ménage est pour madrigaux (Ib., I, 469; cf. d'Aisy, Ib., et Bouh., D., 126). On dit de même amiraux (Mén., Ib., I, 470; cf. d'Aisy, Ib., 92), arsenaux (Mén., Ib.; cf. Th. Corn., dans Vaug., II, 206) 2.

Au contraire le pluriel est en als dans bals (Mén., O., I, 469); pals (Id., Ib., I, 470; Cah. de l'A., 89); poitrals (Mén., Ib.); régals: qui lui tiendroit compte des réga's qu'il fait à Xanthe (La Bruy., I, 283, De la Ville). Cf. ce qui le charmoit en matiere de bonne chére, c'étoit ces regals interrompus (Dial. sur les Plais., 70).

NOMS EN AIL3. — Ont le pluriel en aux: bail, baux (Mén., O., I, 469-470; cf. d'Aisy, Gén., 91); bétail, bestiaux (A., dans Vaug., II,

1. Ménage (O., I, 238-239) nous rapporte le fait, et, comme on vint le consulter, il nous régale d'une longue dissertation pour laquelle il a compulsé les œuvres de ses prédécesseurs, sans y trouver du reste l'explication du phénomène.

2. Ménage croit d'ailleurs au triomphe de la forme arsenacs (O., I, 24-25).

3. Quelques noms hésitent déjà entre al et ail: Vers pour mettre dans le piedestail de la Figure de l'Amour (Perrault, Rec., 238).

18; Mén., O., I, 581)'; portaux est plus usité que portails (d'Aisy, Gén., 92).

J'ai donné, d'après l'Académie, la liste des pluriels en ails. Elle est identique chez Ménage. On voit que la forme traditionnelle n'est point menacée, ce qui n'empêche pas Regnier, et le fait mérite d'être noté à cause de la situation de l'auteur, de présenter comme exceptionnelle la forme en aux, qui appartient à ail, bai!, émail, souspirail, travail. Tous les autres ou bien ont ails ou se passent de pluriel comme égail, bestail (216).

ADJECTIFS EN AL. Pour les adjectifs, les théoriciens ne purent se décider à choisir entre les deux pluriels des adjectifs en al, et ils prirent finalement le parti de considérer certains d'entre eux comme n'ayant pas de pluriel masculin: frugales est bon, non frugals, ni frugaux (A. de B., Refl., 235). Chevreau étendit la règle à fatal et à naval (Euv. mesl., 485)3. Suivant Regnier, les adjectifs fatal, naval, paschal, austral, natal, litteral, boreal, jovial et trivia! n'ont aucun pluriel (216).

On admet au contraire martiaux (Mén., O., I, 470)* et pascals: des Cierges Paschals (A. de B., Refl., 364).

La règle en rimes fut mise .

1. On trouve encore au singulier bestial: je mis tout le reste de l'argent, que j'avois en bestial (d'Urfé, Astrée, 1615, 1, 231"); où le Bestial paist ordinairement (Jard. fr., 241). Suivant Regnier, il se dit « d'un nombre de bestes à quatre pieds, comme vaches, moutons et chéyres » (216). Mais la forme bestail est la plus commune.

2. Andry ne condamne pas ceux qui disent deux ails, trois ails. Il préfère cependant deux testes d'ail. Des ails est préférable à des aulx. Le mieux est de dire de l'ail (Refl., 41). Regnier accepte aux (216).

3. « On ne dit point des combats navaux, mais de vaisseaux et de mer; et l'on dit fort bien des Armées Navales: des avantures fatales, non pas des accidens falaux, quoique parmi les OEuvres du Ministre Jean d'Espagne, il y ait un petit Traité qui a pour titre: Exemples des jours qui ont été fataux en bien, ou en mal ». Mme de Sévigné aussi avait dit : il n'y a plus de combats navaux, ni de batailles qui décident depuis celle d'Actium (IX, 193). 4. Cf. joviaux qui est de la même série: Vous estes bons, beaux, gracieux, joviaux, courtois, liberaux (Scarr., OEuv., 1, 424). Ménage sait que royaux a été des deux genres, Donc Lettres Royaux, Ordonnances Royaux sont des formes régulières (O., II, 81 ; cf. t. III, 276). Boileau s'en doutait-il quand il écrivait : « ordonnances royales, ou plutôt royaux; car tel est le plaisir de ces lettres et de ces ordonnances de vouloir être masculins, dérogeant en cela à toutes les règles de la grammaire » (Lett. à Chapelle, 1703, éd B. S. P., IV, 104).

5.

J'étois sur un Vaisseau quand Ruyter fut tué;
Et j'ai même à sa mort le plus contribué :
Je fus chercher le feu que l'on mit à l'amorce
Du canon, qui lui fit rendre l'ame par force.
Lui mort, les Hollandois souffrirent bien des mals!
On fit couler à fond les deux Vice-Amirals.

Il faut dire des maux, Vice-Amiraux. C'est l'ordre.
Les Vice-Amiraux donc ne pouvant plus nous mordre,

Nos coups aux ennemis furent des coups fataux,

Nous gagnames sur eux quatre combats navaux.

Il faut dire fatals, et navals. C'est la règle.
Les Hollandois réduits à du biscuit de scigle,

LES MOTS EN EUL. J'ai montré au tome III, 282, que aïeux était la forme usuelle du pluriel jusqu'en 1660. Ménage ne voit plus là qu'une licence que se sont permise les poètes. On prononce aïeuls, et c'est ainsi qu'on doit dire en prose (O., I, 422; cf. Rem. s. Malh., II, 217)'. Alemand combattit longuement cette opinion (Guer. civ., 210-212), tout en reconnaissant que Ménage n'était pas seul de son avis. Ainsi s'annonçait la règle ultérieure.

Aieuls est commun: il est seigneur de la paroisse où ses aïeuls payoient la taille (La Bruy., I, 251, Des biens de fort.); ils ont des aïeuls (Id., I, 380, Du souv.); Ils ne nomment jamais une personne par son nom, mais par celui de l'ayeul de ses ayeuls (Lamy, Rhétor., 101).

Toutefois aïeur est très souvent attesté par la rime: Vous êtes fort bien fait, on ne peut l'étre mieux. Pourriez-vous, en paiant, me faire des Ayeux? (Poiss., Com. s. tit., act. I, sc. 2); Le ciel, tout l'univers est plein de mes aïeux (Rac., III, 376, Phèd., v. 1276).

EMPLOI DES FORMES EN L ET DES FORMES EN U ET UX AU SINGULIER. La règle de Vaugelas sur beau est acquise (cf. t. III, 281).

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Il faut dire Régals et Carnavals. — Oh! Dame;
M'interrompre à tous coups, c'est me chiffonner l'ame.
Franchement. Parlez bien On ne dit point navaux,
Ni falaux, ni Régaux, non plus que Carnavaux.
Vouloir parler ainsi, c'est faire une sottise.

Eh! mordié; comment donc voulez-vous que je dise?
Si vous me reprenez lorsque je dis des mals,

Inégals, principals, et des Vice-Amirals;

Lorsqu'un moment après pour mieux me faire entendre,
Je dis falaux, navaux, devez-vous me reprendre?
J'enrage de bon cœur quand je trouve un trigaut,
Qui soufle tout ensemble et le froid et le chaud.

J'ai la raison pour moi qui me fait vous reprendre,
Et je vais clairement vous le faire comprendre.
Al est un singulier dont le pluriel fait Aux.
On dit, c'est mon égal. et ce sont mes égaux.

Par conséquent on voit par cette raison scule...
J'ai des demangeaisons de te casser la gueule.

Adieu, Pays. C'est moi qu'on nomme la Rissole.
Ces bras te deviendront ou fatals ou fataux.

Adieu, Guerrier fameux par tes Combats navaux.

(Boursault, Com. s. tit.. act. IV, sc. 6).

Mon professeur de huitième m'a encore fait apprendre cette rhapsodie

1. L'Apotheose, pour prouver que le pluriel est ayeuls, soutient que sans cela il faudrait dire au féminin ayeuses (130-131; cf. encore Regnier, 216).

Mais on raffine encore sur des cas particuliers. Si bel ne se met que devant un substantif commençant par voyelle, on dit néanmoins bel et bon (Th. Corn., dans Vaug., II, 4-5; A., Ib.)'.

Au sujet de vieil, Ménage hésita quelque temps. Au tome I de ses Observations (13), il rappelle que Marolles s'est aussi prononcé contre Vaugelas, dans sa lettre sur la Traduction à M. d'Andilly; il cite Balzac, Maynard, et croit que, sauf dans les locutions dépouiller le vieil homme, dépoüiller le vieil Adam, on dit vieux partout. Richelet était du même avis. Mais Th. Corneille ne se laissa pas convaincre, et l'Académie confirma la règle de Vaugelas (Vaug., II, 86-87; cf. Alc. de S'-Maur., 46; A. de B., Refl., 704)2.

L'ALLONGEMENT COMPENSATOIRE.

Pour les pluriels qui ne donnaient pas lieu à des observations particulières, peut-être y a-t-il lieu de répéter ici ce que j'ai observé déjà. Dans la prononciation, les noms et les adjectifs n'avaient plus de pluriel en s. Mais ils gardaient néanmoins un pluriel. A ce nombre, les voyelles s'allongent. « Quand on dit que l's finale ne se fait point sentir devant une consonne; c'estadire qu'on ne la siffle pas : car elle se fait sentir en fesant la syllabe longue, Les Dieux sont bons » (Mén., O., I, 408; cf. t. III, 281). Hindret, loin de contester cette règle, la précise par des distinctions: fiefs au pluriel a e long, comme les noms où f se fait entendre au singulier, clef a e bref, parce qu'il n'y a pas d'f qui sonne au singulier; civi(s) a ī; alambics, syndics, ducs, dont le c se prononce, ont aussi des voyelles longues (236-238).

Il existait donc encore un pluriel pour l'oreille, et sans doute assez sensible. Sans aller peut-être jusqu'à changer le timbre de la voyelle, il l'influençait cependant. Les différences, dont il est facile de se rendre compte théoriquement, devaient être sans doute analogues à celles qu'on entend encore dans le Berry, par exemple.

1. On connaît le célèbre exemple de La Fontaine : J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon (II, 152, v. 18). Il y a de nombreux exemples analogues: Tout ce qu'on fait est toujours bel et bon (Mol., IV, 362, Amph., v. 129); il faudrait en rapprocher l'adverbe bel et bien: A ces mots, sur un arbre il grimpa bel et bien (La Font., II, 428, v. 24).

2. On ne serait pas embarrassé de citer des exemples de vieil devant consonne. Il est dans Pascal, Pens., éd. Hav., I, 30 et 84. Cf. Linge vieil, vieux drapeaux, drilles et pattes, sortant par les Provinces (Tarif de sortie, 18 sept. 1664). Racine écrit encore le vieil Wit (V, 72, Notes hist.; considère-t-il W comme égal à ou?). La Bruyère a dit d'Antagoras vieil meuble de ruelle (II, 60); mais le barbon en question est un vieux procédurier, qui a le style du Palais.

On trouve nouvel devant héros. It (Racine) est assez occupé à faire voir, sur le grand Theatre de l'Univers, un nouvel Heros qui effacera la gloire de tous ces anciens maîtres de la Terre (Fur., Fact., I, 212).

COMMENCEMENT DE RESTITUTION DE L'S DU PLURIEL.

S EN LIAISON.

Les des noms ou des adjectifs ne s'entendait plus à la pause. Il ne s'était jamais entendu devant consonne. Restait le cas où il se trouvait devant voyelle. Longtemps les liaisons avaient été très irrégulières (voir tome IV, 1re partie, 213 et suiv.).

Toutefois l'influence de l'orthographe et de la rhytmique amena un commencement de restitution de final (écrit s), dont je reparlerai à propos des désinences verbales. Le meilleur observateur de la prononciation du temps, Hindret, prescrit d'articuler s en vers, que les mots suivants soient régis ou non par les mots qui précèdent, lorsque ceux-ci sont terminés en s

Les Nimphes d'alentour tremblantes, eperdües.
Vont porter leur frayeur aux rives inconnües.

Par des traits éclatans faire mourir l'envie,

Mais sitost qu'aux humains faciles à séduire.

Ce qui prouve qu'il ne s'agit point dans l'esprit de l'auteur d'une règle morphologique, c'est qu'elle s'applique aussi bien à des singuliers Son bras a foudroyé les monstres de l'Afrique (213-214 ; cf. 238). Elle n'en a pas moins eu une influence considérable en morphologie. Elle a fait reparaître par intermittences un pluriel sensible à l'oreille. Les grammairiens ne s'en rendaient pas compte et ne pouvaient guère s'en rendre compte. A distance seulement on aperçoit l'importance d'une semblable prescription.

LE PLURIEL ÉCRIT

D'après ce qui vient d'être dit, on se représente ce qu'a été pour les théoriciens de cette époque la question du pluriel. Ce fut surtout une question d'écriture, dont ils ne firent pas du reste, comme leurs successeurs, une affaire capitale.

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APPAS, APPATS.

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PLURIEL DES MOTS SIMPLES1. Appast faisait normalement en vieux français appaz, comme ost: oz, comme fust: fuz, obéissant à la loi phonétique st+s=z (ts). Quand ts fut passé

1. Le 14 Janvier 1679, l'Académie avait « resolu apres une meure deliberation >> de mettre t partout, dans les mots en ant, ent, à l'exception de gens (Reg., IV, 98).

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