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circonstances de lieu et de temps qui se font apercevoir d'elles-mêmes, sans qu'on les exprime; comme, quand en France on dit, le Roi... ou quand on dit, donnez-moi le pain, le sel etc. car on sous-entend manifestement, le pain ou le sel que voici ou quelqu'autre particularité semblable. De même encore parlant des membres du corps ou des facultez de lame; on dit, j'ai la poitrine échauffée, vous avez mal à la tête, il a la mémoire foible : Car on voit assez que la poitrine, la tête, la mémoire est précisément celle de la personne désignée par le nominatif du verbe.

«La totalité spécifique se reconnoît quand le nom de la chose dont on parle (pris avec ses circonstances s'il en a) convient à toute l'espece.... Comme les vices, les vertus,... les Anges, les hommes, etc. ou ce qui revient au même, le vice, la vertu, l'Ange, l'homme, pris dans un sens général et universel: ou bien le vice triomphant, la vertu humiliée....... » (§ 323-324).

CHAPITRE II

L'ARTICLE DÉFINI

ARTICLE AVEC LES NOMS PROPRES

AVEC LES NOMS GÉOGRAPHIQUES.

L'absence de l'article défini avec

les noms de personnes est régulière. Mais pour les noms géographiques, et particulièrement ceux de pays et de fleuves, la discussion. n'est pas close encore. Suivant Bouhours, la règle commune veut « qu'on mette en devant les noms de province, ou de royaume... et qu'on mette à devant les noms de ville, ou de petit lieu, comme parlent les grammairiens » (Rem., 10).

Mais il y a des cas particuliers. « Les noms de pays du Nouveau Monde prennent l'article avec les verbes de mouvement: aller à la Chine, au Japon, au Méxique, à la Cayenne, à la Guinée, au Congo. Car pour les païs que nous connoissons depuis longtemps, il y en a peu qui ne suivent pas la régle generale excepté le Peloponése, le Maine, le Perche » (Id., Ib., 12-13)2.

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Cette théorie est à peu près exacte dans l'ensemble, si par grands lieux on veut entendre les pays et qu'on appelle les provinces petits lieux.

Bary critique la phrase: Nous sçavons bien ce qui s'est fait dans la France depuis cent ans. « Il ne faloit pas dire dans la France. L'article en cet endroit est inutile, et comme inusité » (Secrets, 154). Cf. cependant ces Tragédies qui étalent pompeusement sur nos theatres les Héros anciens avec toute la grandeur et la majesté qu'ils avoient autrefois dans la Grece et dans l'Italie (Fléch., Euv. mélées, 21).

1. Sauf le Canada: on dit aller en Canada.

2. Il y a des Fourmis dans la Chine et dans le Tonquin (Menagiana, II, 237).

Quand il n'y a pas mouvement, on trouve aussi à: Si cette nouvelle de la rüine des Jesuites à la Chine est vraye (Chap., Lett., II, 490).

3. Dans le texte de La Rochefoucauld, on voit de la Champagne et Lorraine corrigé en de Champagne et Lorraine (Préf. du Lexique, t. III, XXXII).

4. Richesource ne veut pas non plus d'article avec les noms de petits lieux : « Chassé de l'Alsace. Le, la, article definitif des noms impropres, comuns ou apellatifs, qui est utile dans les cas indirects, ensuite de nos de petit lieu, pour les distinguer des grāds lieux, est inutile au regard d'Alsace prise absolument, par ce qu'elle est un grand licu,

Mais c'est chez Buffier qu'on trouve un essai vigoureux pour faire une théorie complète : « Les noms propres de Province ou de Royaume dit-il, excepté quelques-uns qui tirent leur nom de leur ville capitale, comme Valence, ou ceux de quelques Iles comme Candie, prennent l'article défini au premier cas, la France, le Languedoc... ils le gardent aussi aux deux autres cas, quand les mots avec quoi ils sont joints ne signifient point à l'égard de ces pays-là demeure, venuë ou sortie. Ainsi on dira bien, la politesse de la France plait par tout.... On attribue à l'Alemagne l'invention de l'imprimerie. Mais on dira avec les mots qui marquent le lieu d'ou l'on vient: venir de France, mon départ d'Allemagne, etc. Avec les mots qui marquent le lieu où l'on demeure... on met ces mots sans article, précédez immédiatement de la préposition en demeurer en France, aller en Italie, venir en Bretagne.

« On met encore l'article indéfini du genitif aux noms de Provinces ou de Royaumes, quand ils servent à distinguer un nom substantif qui les précede immédiatement, en marquant son pays, comme Roi ou Royaume d'Espagne... modes de France: vin de Champagne.

« Du reste ce qui regarde les noms propres de quelques régions est si bizare... que quelques-uns de ces noms gardent l'article défini en tous leurs cas: ...La Chine, le Japon,... le Milanès,... le Mans... >> (§ 331-332).

Pour les noms de rivières et de fleuves, le texte le plus explicite est dans Ménage. Lorsqu'ils sont du masculin, l'article est, affirmet-il, obligatoire: «On dit, les rives du Pó, du Tibre, du Rhosne.... Les bords de l'Eridan, de l'Euphrate. Malherbe est inexcusable d'avoir dit les rives de Caïstre: car Caïstre est du genre masculin. Pour ce qui est des féminins, l'emploi de l'article n'est que facultatif: on dit les rives de Seine, et de la Seine: les bords de Loire et de la Loire.... Font exception quelques noms comme Moselle, Meuse, devant lesquels on ne peut se dispenser de l'exprimer » (O., I, 530532; cf. Samf., Mén., 355 et suiv.). Il semble que Ménage soit particulièrement rigoureux quand le nom de fleuve est précédé d'une préposition: il blame chez Malherbe l'expression dans Seine et Marne pour dans la Seine et dans la Marne. Chevreau est du même avis (Rem. s. Malh., I, 250)'. On peut dire la riviére de Seine, jamais le fleuve de la Seine (Buff., § 1003).

ainsi nous disons, France, Espagne, Italie, Allemagne et Alsace, etc. » (Prise de Fribourg, 65) Regnier-Desmarais a bien soin d'observer qu'il faut distinguer les cas. Il ne le fait pas toutefois sans une certaine confusion (164).

4. « Avec tout cela, nous disons, selon l'usage: Du vin de Rhin; du vin de Moselle ; Chalons sur Marne. J'ay entendu dire à des personnes de qualité, Nos carpes de Seine: et, dans nos Relations ordinaires, on lit toujours Entre Sambre et Meuse. Peut-être

Une discussion s'est élevée entre Boileau et Brossette à propos du vers de l'Art poétique: De Stix et d'Acheron peindre les noirs tor

rens1.

Il ressort de tout cela qu'avec les noms masculins l'article était désormais nécessaire en prose.

ARTICLE AVEC LES NOMS COMMUNS

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OBSERVATIONS GÉNÉRALES. Avec les noms concrets, l'usage de l'article est devenu tout à fait général. On en trouverait déjà une bonne preuve dans l'affectation que mettent les auteurs archaïsants, comme La Fontaine, à ne pas l'employer:

Chapitre donc, puisque chapitre y a, Fut assemblé (La Font., V, 416, v. 77-78); Défunt marquis s'en alloit, sans valets (Id., ib., 164, v. 95); Grenouilles, à mon sens, ne raisonnoient pas mal (Id., II, 39, v. 17); coups de poing trottoient (Id., I, 96, v. 3); J'avois pour moi raison, justice, nécessité, et un parti ferme et bien organisé (S-Sim., II, 83). Ce serait, suivant moi, considérer la syntaxe de l'auteur avec un peu trop de rigueur que d'attribuer ici l'ellipse à l'énumération.

L'emploi de l'article ne fait plus guère question qu'avec des substantifs comme Christ, Enfer2, Diable, qui, tout en étant communs, désignent par excellence tel ou tel être ou objet particulier, et, rentrant ainsi parmi les noms propres, peuvent se passer d'un déterminant: Que Christ soit notre pain céleste (Rac., IV, 110, Poés. div., v. 21); Le regne de Christ (Boss., Rec. Or. fun., Reine d'Angl., 49).

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ARTICLE AVEC UN NOM SUIVI D'UN DÉTERMINATIF. En général la règle est observée. Bouhours la voudrait plus stricte encore. Suivant

meme qu'il est plus Poëtique d'oublier l'article; mais je n'ozerois prendre cette liberté à moins que l'Usage ne me le permette » (Chevr., Ms. Niort. 67, dans Boiss.).

1. « Je vois que l'on met ordinairement l'article défini du ou de la devant les noms de Fleuves, par exemple, du Rhône, du Danube, du Rhin, de la Seine, de la Loire, de l'Escaut, etc., et, suivant cette Règle, il semble qu'on doive dire du Styx, de l'Achéron, etc. Nous avons pourtant en France quelques expressions semblables à la vôtre, mais il ne me paroit pas que les exemples en soient fréquens » (Corr.. CXLV, 268). Boileau répond qu'un homme vraiment poète ne lui ferait jamais cette difficulté. De Styx et d'Acheron est « beaucoup plus soutenu » (Ib., CLIV, 284). Brossette revient à la charge: il a remarqué qu'on ne met jamais que l'article défini devant les noms de fleuves masculins. A Lyon on dit quelquefois les rivages de Saône, jamais de Rhône, (16., CLV, 283).

2. Chevreau a blámé le vers de Malherbe: si les palles Eumenides... Toutes trois ne sortent d'Enfer (Ms. Niort. 43, dans Boiss.). On trouve de même : la personne de Cyclope (Rac., VI, 148, Rem. s. l'Od.).

lui, une lettre pleine de marques de son amitié est une mauvaise phrase: il faut des marques (Rem., 443). Ménage n'était pas de cet avis, et il aurait profité de la liberté relative dont on jouissait en pareil cas pour varier les articles 1.

Le débat,

ARTICLE DANS LES LOCUTIONS NOMINALES COMPOSÉES. pressenti par Maupas, et commencé par Vaugelas, sur la distinction de sens que peut amener l'introduction de l'article dans une expression telle que le chien de berger, se développe et s'étend. Bien entendu une foule de locutions faites restent en dehors de ce débat. Bouhours lui-même cite: Hommes de Cour, Gens de Cour, Poëte de Cour, etc., si différents de homme de la cour (Suit., 5 et suiv.). Conformément à leur méthode ordinaire, les grammairiens distinguent entre les deux formes. Faut-il dire vin de ville ou vin de la ville, presents de ville ou presents de la ville?... « lorsque la Phrase est generale,... il faut mettre l'article indéfiny: Quand les Princes..... arrivent dans les villes, on leur doit porter les présents de ville, le vin de ville; et quand on parle d'une ville en particulier il faut mettre l'article définy dés que le Gouverneur fut arrivé on luy porta le vin de la ville, les presents de la ville » (Tall., Décis., 123-124). « Une nuit d'Eté signifie en general une nuit d'un Eté sans parler d'aucun Eté en particulier. Une nuit de l'Eté, c'est une nuit d'un Eté particulier, on peut ajouter un adjectif: de l'Eté dernier» (S' Evremoniana, 239).

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Ménage de son côté chicanait sur chef d'œuvre de Nature et chef d'œuvre de la Nature. Thoynard approuve le remarqueur qui a censuré la phrase: Faites moi manger du pain des larmes et boire de l'eau des pleurs. Larmes et pleurs exprimant la matière, il faut employer de (Disc., 183).

L'expression ouvrage d'esprit a donné lieu à une longue discussion. Bouhours prétendait qu'il fallait appeler ouvrage de l'esprit tout ce que les hommes inventent dans les Sciences et dans les Arts, mais que les (( compositions ingénieuses des gens de Lettres, soit en prose, soit en vers », étaient des ouvrages d'esprit. Et il allègue

1. On dit indifféremment Vent du Nord et vent de Nord. Vent du Midy et vent de Midy. C'est pourquoi M. d'Ablancourt n'a point mal dit: Ce Port est bon, et les Vaisseaux n'y sont incommodez que du vent du Nord. Néanmoins puis qu'on peut user de l'un et de l'autre indifféremment, il seroit beaucoup mieux de dire: Les Vaisseaux n'y sont incommodez que du vent de Nord. Car le changement des articles a bonne grace quand l'usage le permet, et ce sont ces petites choses qui sont le principal agrément du langage» (Menagiana, II, 340-344).

2. L'expression elle-même est défendue par Alemand qui l'a trouvée chez tous les bons auteurs (Guer. civ., 346-348).

Histoire de la langue française. IV. 2.

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