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J.J.Blaise Libraire, Quai des Augustins.

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SATIRE I [a].

Damon, ce grand auteur (1) dont la muse fertile Amusa si long-temps et la cour et la ville;

[a] Cette pièce, commencée vers 1660, est le premier ouvrage de l'auteur qui ait de l'étendue. C'est une imitation de la satire III de Juvénal. Le poëte latin exprime les plaintes d'Umbritius contre Rome, d'où ce philosophe s'exile à cause des vices auxquels elle est en proie, et des embarras qui en rendent le séjour insupportable. Le poëte françois, en décrivant la retraite forcée de Damon, le représentoit aussi exhalant sa colère et contre les vices et contre les embarras de Paris; mais il détacha la seconde description, dont il fit une satire séparée, qui est la sixième.

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Le jeune satirique étoit en défiance sur le mérite de son premier essai, lorsque Furetière rendit une visite à Gilles Boileau. Ce dernier étant sorti, « Furetière, dit Brossette, s'arrêta avec M. Despréaux, et lut cette satire.... Il convint de bonne foi qu'elle valoit beaucoup mieux que toutes celles qu'il avoit faites lui-même. » Elle devint bientôt publique, au moyen des copies qui s'en multiplièrent. De deux cent douze vers qu'elle avoit alors, l'auteur n'en conserva guère que soixante, lorsqu'il la fit imprimer; il en supprima douze et changea tous les autres.

(1) J'ai eu en vue Cassandre, celui qui a traduit la Rhétorique d'Aristote. (Despréaux, édition de 1713.) * François Cassandre est connu par cette traduction, la meilleure que l'on ait encore. Détestant les hommes, son humeur insociable les éloignoit de lui. Au lit de la mort, en 1695, il comprit avec peine qu'il devoit aimer Dieu. « Ah, oui! répondit-il au confesseur qui l'y exhortoit, je lui « ai de grandes obligations; il m'a fait jouer un joli personnage! « vous savez comme il m'a fait vivre; voyez, ajouta-t-il en montrant

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Mais qui, n'étant vêtu que de simple bureau,
Passe l'été sans linge, et l'hiver sans manteau (1);
Et de qui le corps sec et la mine affamée
N'en sont pas mieux refaits pour tant de renommée;
Las de perdre en rimant et sa peine et son bien,
D'emprunter en tous lieux, et de ne gagner rien,
Sans habits, sans argent, ne sachant plus que faire,
Vient de s'enfuir[a], chargé de sa seule misère;

« son grabat, comme il me fait mourir ! » Despréaux ne vouloit pas qu'il se reconnût dans le héros de cette satire, puisqu'il le désigne comme un grand poëte. Voyez sur Cassandre la note b, tome III, page 367, et la lettre 61°, tome IV, page 268.

(1) Quoique Cassandre, sous le nom de Damon, soit le héros de cette satire, l'auteur n'a pas laissé de charger ce caractère de plusieurs traits qu'il a empruntés d'autres originaux. Ainsi c'est Tristanl'Hermite qu'il avoit en vue dans ce vers, et non pas Cassandre; car celui-ci portoit un manteau en tout temps, et l'autre n'en avoit point du tout. (Brossette.) * Tristan, né en 1601 dans la province de la Marche, au château de Souliers ou Soliers, dont son père étoit seigneur, mourut en 1655. Sa détresse fut sans doute l'effet de sa passion pour le jeu. On a de lui plusieurs pièces de théâtre et trois recueils de poésies. Sa tragédie de Mariamne eut un succès prodigieux; Jean-Baptiste Rousseau l'a retouchée.

[a] « S'en est enfui. » ( Éditions antérieures à celle de 1683.) Suivant Desmarets et Pradon, il falloit « s'en est fui; » correction qui ne pouvoit satisfaire Despréaux.

Jean Desmarets de Saint-Sorlin, de l'académie françoise, né à Paris en 1595, mort en 1676, a laissé une foule d'ouvrages, entre autres les Visionnaires, comédie, et Clovis, poëme épique. C'étoit un violent ennemi des anciens et des jansénistes. En mourant il légua, par une épître en vers, son fanatisme contre les Grecs et les Romains à Charles Perrault, qui se montra si digne de recueillir un semblable héritage.

Et, bien loin des sergents, des clercs et du palais,
Va chercher un repos qu'il ne trouva jamais;
Sans attendre qu'ici la justice ennemie
L'enferme en un cachot le reste de sa vie [a],
Ou que d'un bonnet vert (1) le salutaire affront
Flétrisse les lauriers qui lui couvrent le front.

Mais le jour qu'il partit, plus défait et plus blême
Que n'est un pénitent sur la fin d'un carême[b],
La colère dans l'ame et le feu dans les yeux,
Il distilla sa rage en ces tristes adieux :

Puisqu'en ce lieu, jadis aux muses si commode,

[a] « Juvénal, dit son traducteur Dussaulx, s'est bien gardé de «< choisir un homme diffamé pour faire la satire de Rome; au lieu K que Boileau met celle de Paris dans la bouche d'un gredin con«traint de s'exiler. » (Tome Ier, page 105.) Il est certain que la fuite honteuse de Damon nuit à l'effet de son discours. La retraite volontaire d'Umbritius donne au sien plus de poids.

(1) Du temps que cette satire fut faite, un débiteur insolvable pouvoit sortir de prison en faisant cession, c'est-à-dire en souffrant qu'on lui mît en pleine rue un bonnet vert sur la tête. ( Despréaux, édit. de 1713.) * Celui qui faisoit à ses créanciers la cession de tous ses biens ne pouvoit se dispenser de le porter, ce qui annonçoit qu'il étoit « devenu pauvre par sa folie, dit Pasquier (Recherches, liv. IV, chap. 10). Cette peine, introduite en France vers 1580, étoit tombée en désuétude depuis près d'un siècle.

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[b] Le recueil de P. Du Marteau offre les deux vers suivants :

Mais tandis qu'à loisir tout son pauvre ménage

S'assemble en un bateau qui l'attend au rivage, etc.

Ils sont imités de Juvénal, qui dit :

Sed dum tota domus rhedâ componitur unâ,

et ne se trouvent dans aucune des éditions avouées par Despréaux. Le modeste bagage d'Umbritius étoit trop magnifique pour Damon.

Le mérite et l'esprit ne sont plus à la mode;
Qu'un poëte, dit-il, s'y voit maudit de Dieu,
Et qu'ici la vertu n'a plus ni feu ni lieu [a];

Allons du moins chercher quelque antre ou quelque roche,
D'où jamais ni l'huissier ni le sergent n'approche;
Et, sans lasser le ciel par des vœux impuissants,
Mettons-nous à l'abri des injures du temps,
Tandis que, libre encor malgré les destinées,

Mon corps n'est point courbé sous le faix des années,
Qu'on ne voit point mes pas sous l'âge chanceler,
Et qu'il reste à la parque encor de quoi filer[b]:
C'est là dans mon malheur le seul conseil à suivre.
Que George vive ici, puisque George y sait vivre [c],

[a].

Nullus in urbe locus, nulla emolumenta laborum, etc.

Quando artibus, inquit, honestis,

(Juvénal, sat. III, vers 21—22.)

[b] Dum nova canities, dum prima et recta senectus, Dum superest Lachesi quod torqueat, et pedibus me Porto meis, nullo dextram subeunte bacillo.

(Juvénal, sat. III, vers 26-28.)

Parmi les observations critiques de l'abbé de Condillac sur l'imitation françoise de ces vers, il en est une qui paroît judicieuse. La voici : « Sous l'âge est une foible répétition de sous le faix des an« nées. » ( Art d'écrire, liv. II, chap. III, page 163.)

Le Brun pense qu'un poëte chrétien, après avoir quelques lignes plus haut employé le mot de Dieu auroit dû s'interdire celui de parque, afin d'éviter le mélange du profane et du sacré.

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Il paroît certain que George est ici pour Gorge, fameux traitant

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