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Quand on l'a nommé, il ne faut rien lui ajouter par la pen¬ sée car, lui ajouter quelque chose, c'est supposer qu'il a besoin de ce qu'on lui attribue. Il ne faut donc pas lui attribuer même l'intelligence: ce serait introduire en lui une chose étrangère, faire de lui deux choses, l'Intelligence et le Bien. L'Intelligence a besoin du Bien, le Bien n'a pas besoin de l'Intelligence. En atteignant le Bien, l'Intelligence en prend la forme (car c'est du bien qu'elle tient sa forme) et elle devient parfaite, parce qu'elle en prend la nature. Il faut juger ce qu'est l'archetype d'après la trace qu'il laisse dans l'Intelligence, concevoir son vrai caractère d'après l'empreinte qu'il y fait. C'est par cette empreinte que l'Intelligence voit le Bien et le possède. Aussi aspire-t-elle au Bien; et comme elle y aspire toujours, toujours elle l'atteint. Quant au Bien, il n'aspire à rien car que désirerait-il? Il n'atteint rien non plus, puisqu'il ne désire

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» à lui : car Lui, il ne les regarde pas ; ce sont elles qui le regar> dent. Quant à Lui, il se porte en quelque sorte vers les pro> fondeurs les plus intimes de lui-même, s'aimant lui-même, aimant › la pure clarté qui le constitue, étant lui même ce qu'il aime: par > là il se donne l'existence à lui-même, parce qu'il est un acte im> manent et que ce qu'il y a de plus aimable en lui constitue une > sorte d'intelligence. (Enn. VI, liv. vii, § 16.) Voy. encore Enn. I, liv. vII, § 1. Le morceau auquel nous renvoyons a inspiré au P. Thomassin les réflexions suivantes, qui se rapportent parfaitement à notre texte : « Similius veri nil poterat dici. Quum omnia > prorsus bonum appetant, et desideria, motus actionesque suas > omnes ad boni assecutionem intendant, a summo et universali > Bono omnia prodiisse et ad fontem suum omnia recurrere, om> nia revocari. Ipsum vero Bonum non desiderio, non motione, > non prosecutione in bonum ferri, quum omnia ferantur ad ipsum, > sed seipso immotum frui, sibique beatissime acquiescere. Ex > quo fit ut ante mentem et supra intelligentiam sit, quum et mentis > et intelligentiæ natura versetur in inquisitione et prosecutione » boni. Denique ad summum Bonum gradatim convertuntur om> nia, corpora per animas, animæ per mentem. » (Dogmata theologica, t. I, p. 72-73.) Voy. encore le livre suivant, § 3, no 9.

rien'. Il n'est donc pas l'Intelligence, puisque celle-ci désire et aspire à la forme du Bien.

L'Intelligence est belle sans doute; elle est la plus belle des choses, puisqu'elle est éclairée d'une pure lumière, qu'elle brille d'un pur éclat, qu'elle contient les êtres intelligibles, dont notre monde, malgré sa beauté, n'est qu'une ombre et qu'une image. Quant au monde intelligible, il est placé dans une région brillante de clarté, où il n'y a rien de ténébreux ni d'indéterminé, où il jouit en lui-même d'une vie bienheureuse. Son aspect ravit d'admiration, surtout si l'on sait y pénétrer et s'y unir. Mais, de même que la vue du ciel et de l'éclat des astres fait chercher et concevoir leur auteur, de même la contemplation du monde intelligible et l'admiration qu'elle inspire conduisent à en chercher le père. On se dit alors: quel est celui qui a

1 << Il est à la fois l'aimable et l'amour, il est l'amour de lui-même : >> car il n'est beau que par lui-même et en lui-même... En outre, >> comme en lui ce qui désire ne fait qu'un avec le désirable, et que » le désirable constitue l'hypostase et comme le sujet, ici encore >> nous apparait l'identité du désir et de l'essence. S'il en est ainsi, >> c'est évidemment encore Lui qui se produit lui-même et qui est >> maître de lui-même; par conséquent, il n'a pas été fait tel que >> l'aurait voulu quelque autre chose, mais il est tel qu'il le veut » lui-même. » (Enn. VI, liv. vIII, § 15.) — 2 Saint Augustin enseigne pareillement que l'intuition du Bien est le plus haut des degrés par lesquels l'âme s'élève à Dieu : « Jam vero in ipsa visione atque >> contemplatione veritatis, qui septimus atque ultimus animæ gra>> dus est,.... quæ sint gaudia, quæ perfructio summi et veri boni, >> cujus serenitatis atque æternitatis afflatus, quid ego dicam? » Dixerunt hæc, quantum dicenda esse judicaverunt, magnæ quæ» dam et incomparabiles animæ, quas etiam vidisse atque videre ista > credimus. Illud plane ego nunc audeo tibi dicere nos, si cursum >> quem nobis Deus imperat, et quem tenendum suscepimus, con> stanter tenuerimus, perventuros per virtutem Dei atque sapientiam » ad summam illam causam, vel summum auctorem, vel summum › principium rerum omnium, vel si quo alio modo res tanta con» gruentius appellari potest. » (De Quantitate animæ, 33.)

donné l'existence au monde intelligible? où et comment a-t-il engendré l'Intellect si pur, ce fils si beau qui tient de son père toute sa plénitude1? Ce principe suprême n'est lui-même ni intellect, ni fils, il est supérieur à l'Intellect, qui est son fils. L'Intellect, son fils, est après lui, parce qu'il a besoin de recevoir de lui son intellection et la plénitude qui est sa nourriture; il tient le premier rang après Celui qui n'a besoin de rien, pas même d'intellection. L'Intellect possède cependant la plénitude et la véritable intellection parce qu'il participe du Bien immédiatement. Ainsi, le Bien, étant au-dessus de la véritable plénitude et de l'intellection, ne les possède pas et n'en a pas besoin; sinon, il ne serait pas le Bien".

4 ὁ τοῦτον παῖδα γεννήσας νοῦν,κόρον καλὸν, καὶ παρ' αὐτοῦ γενόμενον zópov. Plotin joue ici sur le double sens de xópos, enfant et plénitude. Voy. ci-dessus liv. v, § 8, 9, p. 118-121. 2 Dans cette théorie du Bien, Plotin ne doit pas tout à Platon. Il s'est inspiré aussi d'Aristote, comme M. Steinhart l'explique dans les lignes suivantes : « Omnium notionum supremam esse, unde omnes > aliæ nexæ sint ac suspensæ, certissime viderat Plato ut Socra>> ticus: nam hac demum notione inventa atque illustrata Socra> tem dicas ex sublimibus illis et inanibus regionibus, in quas > evolare cœperat, ad hominis sedem ac societatem revocasse. Neque › diversum a bono Socraticorum Aristotelis istud o vexa, quod, quomodo in singulis rebus appareat, universi illius libri ostendunt. > Hanc Platonis notionem ita recepit Plotinus, ut Bonum supra om>nia, quæ essent, elatum, a summo Deo non esse diversum affir» maret, et æternam illam atque immotam Unitatem, unde et Mens » et Anima perpetuo habeant originem, qua omnia inter se col> ligentur et concilientur. Centrum hoc quasi fuit philosophiæ plo> tinianæ, et quæ de Deo dicit, eorum plurima ita sunt ex adytis » Mentis divina luce collustratæ repetita, ut etiam nunc exemplo > nobis sint, quomodo ad Deum cogitandum et cognoscendum ani> mum rite purgare possimus et præparare. » (Meletemata plotiniana, p. 12.)

LIVRE NEUVIÈME.

CONSIDÉRATIONS DIVERSES SUR L'AME, L'INTELLIGENCE
ET LE BIEN.

1.

I. « L'Intelligence, dit Platon, voit les idées comprises » dans l'Animal qui est 2. » Il ajoute : « Le Démiurge conçut » que cet animal produit devait comprendre des essences >> semblables et en pareil nombre » à celles que l'Intelligence voit dans l'Animal qui est. Platon veut-il dire que les idées sont antérieures à l'Intelligence et qu'elles existent déjà quand l'Intelligence les pense? Il faut chercher d'abord si l'Animal même est la même chose que l'Intelligence, ou bien s'il constitue une chose différente d'elle. Or, ce qui contemple est l'Intelligence; l'Animal même doit donc être appelé, non l'Intelligence, mais plutôt l'Intelligible'. En conclurons-nous que l'Intelligence a hors d'elle les choses qu'elle contemple? Dans ce cas, elle ne possède que des images au lieu de posséder les réalités elles-mêmes, si nous admettons que les réalités

Ce livre peut être considéré, par le sujet qui s'y trouve traité, comme le complément du précédent. Pour les Remarques générales auxquelles il donne lieu, Voy. les Éclaircissements à la fin du volume. Voy. Platon, Timée, p. 39: πs ou vous évóvoas idèas τῷ ὅ ἐστι ζῶον, οἷαί τε ἔνεισι καὶ ὅσαι, καθορᾷ, τοιάυτας καὶ τοσαύτας διενοήθη δεῖν καὶ τόδε σχεῖν. La discussion à laquelle se livre ici Plotin a pour but d'expliquer en quoi consistent l'Intelligence, vūs, l'Animal qui est, rò GTi gov, et le principe qui a conçu, dievońbn. Voy. dans les Éclaircissements sur ce livre la citation que Proclus a faite de ce passage.

existent là-haut: car, suivant Platon, la réalité véritable est là-haut dans l'Etre dans lequel chaque chose existe en soi.

[Il n'est pas nécessaire d'admettre cette conséquence.] Sans doute l'Intelligence et l'Intelligible sont différents; ils ne sont cependant pas séparés. Rien n'empêche qu'on ne dise que tous deux ne font qu'un, et qu'ils ne sont divisés que par la pensée; car l'Être est un, mais il est en partie la chose pensée, en partie la chose pensante. Quand Platon dit que l'Intelligence voit les idées, il entend par là qu'elle contemple les idées, non dans un autre principe, mais en ellemêine, parce qu'elle possède en elle-même l'Intelligible. L'Intelligible peut être aussi l'Intelligence, mais l'Intelligence à l'état de repos, d'unité, de calme, tandis que l'Intelligence, qui aperçoit cette Intelligence demeurée en elle-même, est l'acte qui en naît et qui la contemple. En contemplant l'Intelligible, l'Intelligence lui devient semblable, et elle en est l'Intelligence parce qu'elle le pense1.

Voici comment M. Steinhart commente ce passage de Plotin, si important pour l'intelligence de la doctrine de Platon: « Jam > plenam Platonici effati vim dum studet expiscari, primum quærit » quid sit primum istud et verum in Mente creatoris Animal, quod » τὸ παντελὲς ζῶον supra dixerat Plato, in quo simplices cunctae rerum > creandarum notiones lateant, tum, quomodo Mens has notiones > modo inspicere, modo de iis cogitare dicatur. Ita autem quæstio> nem propositam solvit, ut primum quidem confiteatur, Animal » illud intelligibile videri esse aliquid a Mente diversum, quum › Mens quasi extrinsecus ideas ei insitas dicatur perspicere, mox > vero addat vere non diversum esse posse a Mente, quod, quæ> cunque Mens videat, non possit non in seipsa et tanquam sui > aliquam partem videre. Sic ex Platonico dicto ei emergit verissima » scntentia, Mentem non diversam esse a cogitato, quam jam a › Parmenide indicatam (v. 40, 93), expositam et subtiliter enuntia> tam ab Aristotele invenerat. Mens igitur ipsa, quatenus se suasque > cogitationes cogitat, erat secundum Plotinum primarium istud » Animal, quo ideæ cunctæ continentur. Simul vero etiam hoc sibi > cognovisse videtur, quid inter visum Mentis et cogitationem in» tersit quod enim Plato primum Mentem ideas suas inspicere

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