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elle n'avait pas elle-même une nature divine? Que l'on considère l'âme en effet elle est enfouie dans un corps mortel, dissoluble, dépourvu d'intelligence, qui n'est qu'un cadavre par lui-même, qui sans cesse tend à s'altérer, à se diviser et à périr; cependant elle le façonne et elle en tient les parties liées ensemble 1; elle montre qu'elle a une essence divine, quoiqu'elle soit gênée et entravée par cette enveloppe mortelle2; que serait-ce donc si, par la pensée, on séparait cet or de la terre qui le couvre? L'âme ne montrerait-elle pas alors clairement que son essence ne ressemble qu'à celle de Dieu ? Par ce fait que, même dans son existence terrestre. elle participe à la nature de la divinité, qu'elle continue de l'imiter par ses actes, qu'elle n'est pas dissoute par l'enveloppe mortelle dans laquelle elle se trouve emprisonnée, ne fait-elle pas voir qu'elle est à l'abri de la destruction?

IV. L'âme paraît divine par la ressemblance qu'elle a avec l'être qui est indivisible; et mortelle, par ses points de contact avec la nature périssable. Selon qu'elle descend ou qu'elle remonte, elle a l'air d'être mortelle ou immortelle. D'un côté, il y a l'homme qui n'a d'autre occupation que la bonne chère, comme les brutes. D'un autre côté, il y a l'homme qui, par son talent, sauve le navire dans la tempête, ou rend la santé à ses semblables, ou découvre la vérité, ou trouve la méthode qui convient à la science, ou invente des signaux de feu, ou tire des horoscopes, ou, par des machines, imite les œuvres du créateur. L'homme n'a-t-il pas en effet imaginé de représenter ici-bas le cours des sept planètes, en imitant par des mouvements mécaniques les phénomènes célestes? Que n'a pas inventé l'homme en manifestant l'intelligence divine qu'il renferme en lui-même? Certes, celle-ci prouve bien par ses conceptions hardies qu'elle est véritablement olympienne, divine, et tout à fait étrangère à la condition mortelle; cependant, par suite de son attachement pour les choses terrestres, attachement qui le rend incapable de reconnaître cette intelligence, le vulgaire, la jugeant d'après les apparences extérieures, s'est persuadé qu'elle est mortelle. Les gens de cette espèce n'ont en effet qu'un moyen de se consoler de leur abrutissement, c'est de se fonder sur les apparences extérieures pour attribuer aux autres la même bassesse, et de se persuader ainsi que tous les hommes sont semblables à l'intérieur comme à l'extérieur.

Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 3, no 5. -2 Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VIII, S 1.- Voy. Plotin, Enn. IV, liv. VII, § 10, fin. -Porphyre fait ci allusion à la sphère d'Archimède.

Réfutation des Péripatéticiens.

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V. Quant à celui qui enseigne que l'âme est une entéléchie, et qu'étant elle-même complétement immobile, elle est cependant le principe des mouvements, qu'il explique d'où proviennent les extases (vovaopoi) de l'être vivant, quand il ne saisit plus rien de ce qu'il voit ni de ce qu'il dit, que son âme a l'intuition de l'avenir et de ce qui n'est pas présent, et qu'elle s'applique à l'identique [à l'intelligible]; qu'il dise également d'où proviennent dans l'être vivant les délibérations, les réflexions et les volontés de l'âme, en tant qu'elle est l'âme de l'être vivant: car ce sont là des mouvements de l'âme et non du corps'.

VI. Comparer la nature de l'âme à la pesanteur ou aux qualités corporelles uniformes et immobiless, qualités qui modifient le sujet et déterminent sa nature, c'est le propre d'un homme qui volontairement ou involontairement ne comprend rien à la dignité de l'âme, qui ne voit point que le corps de l'être vivant n'est devenu vivant que par la présence de l'âme, comme c'est par la présence du feu près duquel elle se trouve placée que l'eau devient chaude, comme c'est par le lever du soleil qu'est illuminé l'air qui est naturellement obscur quand il n'est pas ainsi illuminé. Mais la chaleur de l'eau n'est pas la chaleur du feu ni le feu lui-même; la lumière qui se répand dans l'air n'est pas non plus la lumière propre à l'essence du soleil: de même, l'animation du corps (iuvia, "", laquelle joue un rôle analogue à celui de la pesanteur et de la qualité qui réside dans le corps, n'est point l'âme qui est descendue dans le corps et de laquelle le corps reçoit une espèce de souffle vital".

1 Eusèbe, Prép. evang., XV, 11. SVIII. Voy. ci-après, p. 640.

2 Voy. ci-après Jamblique, De l'Ame, 4 C'est l'homme considéré comme composé d'une âme et d'un corps.— " Voy. le fragment d'Ammonius Saceas dans le tome I,

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Viger propose à

p. xcvi. Voy. aussi Plotin, Enn. IV, liv. v11, § 8, p. 463. — tort de retrancher ces mots que réclame la suite des idées. 7 Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vii, § 6, p. 445. — Ibid., § 4, no 7, p. 442. — • Voy. Enn. IV, liv. iv, § 29, p. 377-379; liv. v, § 7, p. 423. — 10 « La puissance végétative présente dans tout le corps y fait pénétrer partout un vestige de l'âme. » (Enn. IV, liv. IV, § 28; t. II, p. 373.) - - 11 Dans sa Paraphrase du Traité de l'Ame (fol 70), Thémistius cite, en la combattant, cette théorie de Porphyre:

Mais, dit-il, quand la mixtion du corps périt, l'âme ne périt pas avec elle; » la seule chose qui périsse, c'est l'animation que l'âme donne au corps, dont » elle est séparable et auquel elle communique la vie par une espèce d'illu»mination, comme le soleil illumine l'air. Selon Thémistius, l'âme est inséparable du corps et meurt avec lui.

VII. Ce que d'autres philosophes ont dit sur l'âme me paraît honteux. N'est-il pas honteux en effet de dire que l'âme est l'entéléchie d'un corps naturel organisé? N'est-il pas également honteux de faire consister l'âme dans un feu intelligent1 ou dans un souffle qui a un certain caractère, souffle qui a été exposé au froid de l'air et trempé en quelque sorte par son contact2; de supposer qu'elle est une agrégation d'atomes; en général, d'enseigner qu'elle est engendrée par le corps 4? (Opinion qui a été déclarée impie même dans les lois des impies 5.) Toutes ces opinions sont donc honteuses. Il n'en est point de même de celle qui définit l'âme une substance qui se meut elle-même ®.

Réfutation des Stoïciens.

VIII. Ils osent appeler Dieu un feu intelligent (up vos póv), et supposer en même temps qu'il est éternel. Ils disent que ce feu détruit et dévore tout comme le feu que nous connaissons, et ils combattent Aristote parce qu'il ne veut pas admettre que l'éther soit composé d'un feu semblable au nôtre. Quand on leur demande comment ce feu subsiste, puisqu'ils le font complétement semblable au nôtre, ils prétendent qu'on doit les croire sur parole, et, à la croyance irrationnelle que le feu est éternel, ils ajoutent encore cette hypothèse que le corps éthéré s'éteint et se rallume par

1 C'est la définition d'Héraclite et des Stoïciens. Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vII, $4, p. 441. C'est la doctrine de Chrysippe. Voy. Plotin, ibid., § 4 et 8, p. 441, 457-458. C'est la doctrine de Démocrite et d'Épicure. Voy. Plotin, ibid., § 3, p. 438. Voy. Plotin, ibid., § 3 et 8, p. 439 et 460. . Nous pensons que Porphyre fait ici allusion à un passage de sa Philosophie des oracles. Énée de Gaza lui attribue une expression presque identique. Voy. ci-après p. 686. 6 Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vii, § 9, p. 466. 7 Eusèbe, Prép. évang., XV, 16. 8 Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vii, § 4; t. II, p. 441. Porphyre semble s'être ici inspiré aussi de Longin, qui fut son premier maître: Qui ne s'indignerait à bon droit que Zénon et Cléanthe aient » traité l'âme avec assez peu de respect pour soutenir qu'elle n'est qu'une » exhalaison d'un corps solide? Qu'y a-t-il de commun, grands Dieux, entre » une exhalaison et l'âme ? Et comment pouvaient-ils, assimilant ainsi à ce ⚫ phénomène physique notre âme et celle des animaux, conserver les imagi» nations, les souvenirs constants, les désirs et les volontés qui ont pour but l'intelligence des choses? Est-ce que les Dieux aussi et ce Dieu suprême qui pénètre tout de sa vie, les choses terrestres et les choses célestes, se»ront considérés comme une exhalaison, une fumée, une vaine appa»rence? etc. (Longin, dans Eusèbe, Prép. évang., XV, 21.)

parties. Mais qu'est-il besoin de nous étendre davantage, d'une part sur le défaut de jugement que ces philosophes montrent dans leur propre système, et d'autre part sur leur ignorance et leur mépris de la doctrine des anciens ?

Appréciation des diverses preuves de l'immortalité de l'âme.

IX. Les preuves tirées soit des conceptions intellectuelles (ivvoia), soit de l'histoire', démontrent incontestablement que l'âme est immortelle, tandis que les arguments empruntés aux philosophes semblent faciles à renverser à cause de cette facilité d'élocution que tous déploient dans la controverse. Quelle est en effet la démonstration qui ne soit contestée par les sectateurs d'une autre école, puisque certains philosophes [les Pyrrhoniens] ont prétendu qu'il faut suspendre son assentiment, même pour les choses qui paraissent évidentes?

1 Boéthus, Posidonius etPanétius, qui se distinguèrent dans l'École stoicienne ‣ par leur inspiration, abandonnèrent la doctrine de l'embrasement et de la palingénésie pour adopter la doctrine plus divine de l'indestructibilité du » monde. (Philon, De l'Indestructibilité du monde.)

2 Eusèbe, Préparation évangélique, XIV, 10. Voy. ci-dessus, § 1, II, V. - Voy. Plotin, Enn. IV, liv. vII, § 15. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles Porphyre avait composé sa Philosophie des oracles. Simplicius fait sur ce sujet des réflexions pleines de justesse : « Faut-il nous abstenir com» plétement de consulter les devins sur ce qui dépend de nous, pour savoir, » par exemple, si nous devons admettre que l'âme est mortelle ou immortelle, » si nous devons prendre pour maître tel ou tel philosophe? car plusieurs des > anciens paraissent avoir consulté les oracles sur la nature, quoique nous » disions qu'il dépend de nous et qu'il est en notre pouvoir de nous former une opinion sur ce sujet. Selon nous, toutes les fois qu'une chose peut être prouvée d'une manière rationnelle, il vaut mieux l'apprendre par raison » démonstrative: car, si la démonstration est tirée de la cause, nous aurons » une connaissance scientifique. Or, que Dieu nous assure que l'âme est im» mortelle, cela nous donne bien la foi, mais ne nous donne point la science. Que Dieu daigne apprendre à quelqu'un les causes et lui donner la science, c'est de sa part une autre espèce de bonté; mais elle n'a rien de commun avec la divination: car celle-ci se borne à prédire les issues des actions » lorsqu'elles sont incertaines et que toute notre intelligence ne saurait les » prévoir. C'est pourquoi, s'il y a eu des hommes qui aient consulté les oracles » sur la nature, ils ont été peu nombreux; ce n'étaient point d'ailleurs des philosophes distingués, mais des gens plus accoutumés à croire qu'à savoir.

D

» La volonté de Dieu paraît être que l'âme, se mouvant par elle-même, trouve » aussi par elle-même la vérité. » (Comm. sur le Manuel d'Épictète, § xxx11.)

TRAITÉ DE L'AME

PAR

JAMBLIQUE

ET FRAGMENTS DIVERS.

TRAITÉ DE L'AME. I. Questions que soulève l'étude de l'âme. II. De l'Essence de l'âme. III. Des Facultés. IV. Du Nombre des facultés. V-VII. Des Facultés qui constituent l'essence de l'âme. VIII. Des Opérations. IX. Des Actes. X. Du Nombre des âmes. XI. De la Descente des âmes. XII. De la Différence qui existe dans la descente des âmes. XIII-XIV. De la Vie de l'âme dans le corps. XV. De la Mort. XVI. De la Purification. XVII. De la Récompense '.

COMMENTAIRE DU TRAITÉ D'ARISTOTE SUR L'AME. XVIII. Des Sens. XIX. De la Vue. XX. Du Sens interne. XXI. De l'Imagination. XXII-XXIII. De l'Intelligence. LETTRE SUR LE DESTIN.

Questions que soulève l'étude de l'âme.

12. Aristote ramène les principes qui paraissent le plus évidem ment constituer la nature de l'âme à trois caractères essentiels, savoir, le mouvement, la connaissance, la ténuité de la substance (ETTÓτng Ths ovcíus), qu'il nomme quelquefois substance incorporelle (aoμxtos úróstajıs)3; puis, il examine par rapport à chacun de ces

Les titres qui composent ce sommaire sont tirés de Stobée (Voy. les notes d'Heeren). Les termes dont ils sont formés se retrouvent tous dans le texte même de Jamblique.

2 Stobée, Eclogæ physicæ, LI, § 28, p. 858, éd. Heeren. 3 Aristote dit dans son traité De l'Ame (1, 2; p. 108, 119 de la trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire) : « Le début de notre recherche, c'est de poser tout d'abord les » principes qui paraissent le plus évidemment appartenir à la nature de l'âme... » Ainsi tous les philosophes, on peut le dire, définissent l'âme par trois ca»ractères : le mouvement, la sensation et l'immatérialité(-ò à¤áμatov). »

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