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c'est-à-dire les faits accompagnés de peine ou de plaisir. Il faut y bien distinguer ce qui appartient au corps et ce qui appartient à l'âme : ce qui appartient au corps, c'est l'agitation sensible qui se produit dans les organes, telle que la pâleur; ce qui appartient à l'âme, c'est l'opinion qui produit la peine ou le plaisir et qui se rattache elle-même à l'imagination. La partie passive est donc une forme engagée dans la matière; elle ne pàtit pas elle-même; elle est seulement la cause des passions, c'est-à-dire des affections éprouvées par le corps1.

(V) Si, quoique l'âme soit impassible, on dit qu'il faut l'affranchir des passions, c'est que, par ses représentations, l'imagination produit dans le corps des mouvements d'où naissent des craintes qui troublent l'âme. Affranchir l'âme des passions, c'est la délivrer des conceptions de l'imagination. La purifier, c'est la séparer du corps, c'est-à-dire l'élever d'ici-bas aux choses intelligibles.

De L'impassibilITÉ DE LA FORME ET DE LA MATIÈRE. (VI) L'Être absolu est impassible: car, possédant de soi et par soi l'existence, il se suffit pleinement à lui-même, il est par conséquent parfait, éternel, immuable, possède la vie et l'intelligence. On se trompe quand on croit que le caractère de la réalité est l'impénétrabilité: cette propriété n'appartient qu'aux corps; plus ils sont durs et pesants, moins ils sont mobiles, mòins ils participent de l'être.

(VII) La matière est impassible, mais pour une autre raison que l'Être absolu; elle est impassible, parce qu'elle est le non-être. N'étant ni être, ni intelligence, ni âme, ni raison séminale, ni corps, elle est une espèce d'infini; elle peut toujours devenir toutes choses indifféremment, parce qu'elle ne possède aucune forme, qu'elle n'est qu'une aspiration à l'existence. En recevant successivement des qualités contraires, elle n'est pas plus altérée qu'un miroir ne l'est par une image.

(VIII-X) Ce qui pâtit, c'est le corps, le composé de la forme et de la matière. Quant à la matière elle-même, elle demeure immuable au milieu des changements que les qualités contraires se font subir les unes aux autres, comme la cire garde sa nature en changeant de forme, comme un miroir reste toujours le même, quelles que soient les images qui viennent s'y peindre. En effet, étant le commun réceptacle de toutes choses, la matière ne peut être altérée en tant que matière.

(XI-XIII) Tout en participant aux idées, la matière reste impassible, parce que ceite participation consiste dans une simple apparence: elle n'est affectée en aucune façon en recevant les formes; elle en est seulement le lieu.

(XIV-XV) Ne recevant rien de réel quand les images des idées entrent en elle, la matière demeure toujours insatiable à cause de son indigence naturelle. Les raisons séminales qui sont dans la matière ne se mêlent pas avec elle; elles y trouvent seulement une cause d'apparence.

(XVI-XVIII) La matière n'est pas la substance étendue. En recevant de la raison séminale la forme, elle en a reçu en même temps la quantité et la figure. Elle n'est grande que parce qu'elle contient les images de toutes les

1 Voy. ci-après Jamblique, Traité de l'Ame, p. 640 et note 2.

idées, par conséquent l'image de la grandeur même. Ne possédant pas réellement la forme, elle ne possède pas non plus réellement la grandeur, elle n'en a que l'apparence. La grandeur apparente de la matière doit son origine à la procession de l'Ame universelle qui, en produisant hors d'elle l'idée de grandeur, a donné à la matière l'extension qu'elle possède dans son état actuel1. (XIX) La quantité et les qualités auxquelles la matière sert de sujet y entrent sans lui faire partager les passions qu'elles subissent elles-mêmes. La matière reste donc impassible au milieu de tous les changements produits par l'action que les contraires exercent les uns sur les autres. Aussi est-elle complétement stérile. La forme seule est féconde.

LIVRE SEPTIÈME.

DE L'ÉTERNITÉ ET DU TEMPS.

Tout le monde sait que l'Éternité se rapporte à ce qui existe perpétuellement, et le Temps, à ce qui devient. Il n'en est pas moins nécessaire d'approfondir ces notions pour s'en rendre compte et pour bien comprendre les définitions qu'en ont données les anciens philosophes.

ÉTERNITÉ. (I-III) L'éternité est la forme de la vie qui est propre à l'Être intelligible: elle n'est ni l'Etre intelligible, ni le Repos de cet être; elle est la propriété qu'a sa vie d'être permanente, immuable, indivisible, infinie, et de posséder une plénitude perpétuelle qui exclut la distinction du passé et de l'avenir. Les choses engendrées, au contraire, ne sont rien sans leur futur, parce que leur existence consiste à réaliser continuellement leur puissance.

(IV-V) Nous concevons l'éternité en contemplant l'Être intelligible dans la perpétuité et la plénitude de sa vie parfaite. Nous voyons ainsi que l'éternité peut se définir : la vie qui est actuellement infinie parce qu'elle est universelle et qu'elle ne perd rien. Cette vie est immuable dans l'unité, parce qu'elle est unie à l'Un, qu'elle en sort et y retourne. Il en résulte qu'elle exclut toute succession, qu'elle est permanente, qu'elle est toujours, comme l'indique l'étymologie du mot aláv, éternité, qui dérive de det dy, l'Être qui est toujours.

(VI) L'âme humaine conçoit l'éternité aussi bien que le temps, parce qu'elle participe à la fois à l'éternité et au temps. Pour se rendre compte de ce fait, il faut descendre de l'éternité au temps, afin d'étudier la nature de ce dernier. TEMPS. (VII-IX) 1o Le Temps n'est pas le mouvement en général, parce que le mouvement s'opère dans le temps, et que le mouvement peut s'arrêter tandis que le temps ne saurait suspendre son cours. Il n'est pas non plus le mouvement circulaire des astres, parce que les astres ne se meuvent pas tous avec la même vitesse.

Voy. ci-après Jamblique, Traité de l'Ame, p. 627, note 3.

2o Le temps n'est pas non plus le mobile, c'est-à-dire, la sphère céleste, puisqu'il n'est même pas le mouvement de cette sphère.

3o Le temps n'est pas non plus quelque chose du mouvement.

a. Il n'est point l'intervalle du mouvement, que l'on donne au mol intervalle le sens d'espace ou celui de durée: car, dans le premier cas, on confond le temps avec le lieu; dans le second cas, tous les mouvements n'ont pas la même vitesse. Si l'on dit que le temps est l'intervalle du mouvement même, cet intervalle est le temps, et l'on ne définit rien.

b. Le temps n'est point la mesure du mouvement, soit que l'on considère le temps comme une quantité continue, soit qu'on le regarde comme un nombre: car, dire que le temps est la mesure du mouvement, c'est faire connaître une de ses propriétés, ce n'est pas définir son essence; d'un autre côté, prétendre que le temps est une quantité mesurée ou un nombre nombré, c'est supposer qu'il n'a point de réalité en dehors de l'âme qui le mesure ou qui le nombre. c. Le temps n'est point une conséquence du mouvement: car cette définition n'a point de sens.

(X-XII) Le temps est l'image mobile de l'éternité immobile. De même que l'éternité est la vie de l'Intelligence, le temps est la vie de l'Ame considérce dans le mouvement par lequel elie passe sans cesse d'un acte à un autre. Happaraît donc dans l'Ame; il est en elle et avec elle. Son cours se compose de changements égaux, uniformes, et il implique continuité d'action. Il est engendré par la vie successive et variée qui est propre à l'Ame, et il a pour mesure le mouvement régulier de la sphère céleste: car le temps a la double propriété de faire connaître la durée du mouvement et d'être mesuré lui-même par le mouvement. Il est donc ce dans quoi tout devient, tout se meut ou se repose avec ordre et uniformité.

Le mouvement de l'univers se ramène au mouvement de l'Ame qui l'embrasse, et le mouvement de l'Ame se ramène lui-même au mouvement de l'Intelligence.

Le temps est présent partout, parce que la vie de l'Ame est présente dans toutes les parties du monde. Il est présent aussi dans nos âmes, parce qu'elles ont une essence conforme à l'essence de l'Ame universelle.

LIVRE HUITIÈME.

DE LA NATURE, DE LA CONTEMPLATION ET DE L'UN.

L'objet de ce livre est de démontrer que toute production, toute action suppose une pensée. Pour produire, la Nature contemple les raisons séminales contenues dans l'Ame universelle, l'Ame universelle contemple les idées de l'intelligence, et l'intelligence contemple la puissance de l'Un.

(1-1) Pour produire, il ne faut à la Nature que la matière qui reçoit la

forme. Dès qu'elle possède la matière, elle lui donne la forme sans le secours d'aucun instrument, parce qu'elle est une puissance qui meut sans être mue elle-même, c'est-à-dire une raison séminale. Étant une raison, la Nature est une contemplation. Sans doute, elle ne se contemple pas elle-même et elle ne délibère pas; son action n'en est pas moins une contemplation, parce qu'elle réalise une pensée. Seulement, la contemplation silencieuse et calme qui est propre à la Nature est inférieure à la pensée dont elle procède et qu'elle réalise : car l'action implique toujours faiblesse d'intelligence.

(IV) Placée au-dessus de la Nature, l'Ame universelle, par sa partie supérieure, contemple l'Intelligence divine, et, par sa partie inférieure, engendre un acte qui est l'image de sa contemplation; mais, dans cette procession, la contemplation qui est engendrée est nécessairement inférieure à celle qui l'engendre.

(V) Toute action a pour origine et pour fin la contemplation. On agit toujours en vue du bien, on veut le posséder, ce qui ramène l'action à la contemplation. Plus on a la confiance de posséder le bien, plus la contemplation est tranquille, plus elle s'approche de l'acte où la contemplation et l'objet contemplé ne font qu'une seule et même chose.

(VI) Dans le monde sensible comme dans le monde intelligible, tout dérive de la contemplation, tout y aspire. Si les animaux engendrent, c'est parce qu'une raison séminale agit en eux et les pousse à réaliser une pensée en donnant une forme à la matière. Les défauts de l'œuvre tiennent à l'imperfection de la contemplation.

(VII) Puisque la contemplation s'élève par degrés, de la Nature à l'Ame, de l'Ame à l'Intelligence, il y a autant d'espèces de vie qu'il y a d'espèces de pensée. La pensée et la vie s'identifient de plus en plus à mesure qu'elles se rapprochent de l'Un et du Bien, qui est leur commun principe. La Vie suprême est l'Intelligence suprême, dans laquelle l'intellection et l'intelligible ne font qu'une seule et même chose.

(VIII-X1) Comme l'intelligence et l'intelligible, quoiqu'ils soient identiques dans l'existence, forment cependant deux termes pour la pensée, ils supposent au-dessus d'eux un principe absolument simple, l'Un, le Bien, qui est supérieur à l'Intelligence, et que nous ne connaissons point par la pensée, mais au moyen de ce que nous avons reçu de lui en y participant. Ce principe n'est pas toutes choses, il est au-dessus de toutes choses: il est la source de tous les êtres, la racine de ce grand arbre qui est l'univers. Chaque chose a pour principe une unité plus ou moins simple: en remontant d'unité en unité, on arrive à une unité absolument simple, au-delà de laquelle il n'y a plus rien à chercher, parce qu'elle est le principe, la source et la puissance de tout. Elle ne peut être saisie que par une intuition absolument simple. Sa grandeur se manifeste par les êtres qui en procèdent; c'est d'elle que l'Intelligence tient sa plénitude.

Villoison a publié dans ses Anecdota græca (t. II, p. 227-257) les paragraphes 8-10 de ce livre, parce qu'il les croyait inédits. Fr. Chr. Grimm a donné une édition spéciale de ce même morceau, en y joignant un commentaire, sous ce titre: Plotini De rerum principio, Lipsiæ, 1788.

LIVRE NEUVIÈME.

CONSIDÉRATIONS DIVERSES SUR L'AME, L'INTELLIGENCE ET LE BIEN.

Ce livre contient des pensées détachées sur les points suivants :

(1) 1° L'Animal qui est, dont Platon parle dans le Timée, est le monde intelligible, l'ensemble des idées; il est identique à l'Intelligence qui le contemple, en sorte que la chose pensée, la chose pensante et la pensée sont une seule et même chose. L'Ame universelle, au contraire, divise les idées qu'elle conçoit, parce qu'elle les pense d'une manière discursive1.

(II) 2o L'Ame s'élève au monde intelligible en ramenant graduellement à l'unité chacune des facultés qu'elle possède 2.

3o L'Ame universelle communique la vie au corps de l'univers sans se détacher de la contemplation du monde intelligible. L'âme particulière au contraire se sépare de son principe quand elle entre dans un corps.

4° L'Un est présent partout par sa puissance.

5o L'âme reçoit sa forme de l'intelligence.

6. En nous pensant nous-mêmes, nous pensons une nature intellectuelle. 7° L'Un est supérieur au repos et au mouvement.

8° Ce qui passe de la puissance à l'acte ne peut exister toujours, parce qu'il contient de la matière. Ce qui est en acte et qui est simple est immuable.

9o Le Bien est supérieur à la pensée, en ce sens qu'il en est la cause.

On peut rapprocher de cette théorie le fragment suivant de Porphyre : « Il y a > deux sortes de créations, l'une indivisible, l'autre divisée à la première pré» side Jupiter, à la seconde Bacchus; c'est pour cela qu'il est mis en pièces. Cha» cun d'eux a sous lui une pluralité qui lui est propre Bacchus a sous lui les > Titans, et Jupiter les dieux olympiens. L'un et l'autre constituent une unité et > une triade démiurgique. » (Fragment cité par Olympiodore, Comm. sur le Phédon, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 460.) — 2 Voy. ci-après p. 640, note 6. Olympiodore dit à ce sujet : « La connaissance est la beauté de » l'âme, à cause de son évidence et de son charme. Plus elle se dégage de la ma» tière et par conséquent de l'ignorance, plus elle est belle, et sa beaute su>prême est de s'unir à la lumière intellectuelle.» (Comm. sur le Phédon, dans M. Cousin, Fragments de Philosophie ancienne, p. 432.)

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