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C'est, à la verité, une tresutile et grande partie que la science; ceulx qui la mesprisent tesmoignent assez leur bestise: mais ie n'estime pas pourtant sa valeur iusques à cette mesure extreme qu'aulcuns luy attribuent, comme Herillus le philosophe, qui logeoit en elle le souverain bien, et tenoit qu'il feust en elle de nous rendre

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Appelé aussi Sebon, Sebeyde, Sabonde, ou de Sebonde; né à Barcelone, dans le quatorzième siècle; mort en 1432, à Toulouse, où il professoit la médecine et la théologie. Joseph Scalidisoit de cette apologie de Sebond: « Eo omnia faciunt, ut Magnificat à matines. » SCALIGERANA IIa. On peut voir, sur ce chapitre des Essais, les Pensées de Pascal, première partie, art. XI, et l'ouvrage de M. Labouderie, intitulé: Le Christianisme de Montaigne, Paris, 1819. J. V. L.

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sages

et contents'; ce que ie ne crois pas: ny ce que d'aultres ont dict, que la science est mere de toute vertu, et que tout vice est produict par l'ignorance. Si cela est vray, il est subiect à une longue interpretation. Ma maison a esté dez long temps ouverte aux gents de sçavoir, et en est fort cogneue; car mon pere, qui l'a commandee cinquante ans et plus, eschauffé de cette ardeur nouvelle de quoy le roy François premier embrassa les lettres et les meit en credit, rechercha avecques grand soing et despense l'accointance des hommes doctes, les recevant chez luy comme personnes sainctes, et ayants quelque particuliere inspiration de sagesse divine, recueillant leurs sentences et leurs discours comme des oracles, et avecques d'autant plus de reverence et de religion, qu'il avoit moins de loy d'en iuger; car il n'avoit aulcune cognoissance des lettres, non plus que ses predecesseurs. Moy, ie les aime bien; mais ie ne les adore pas. Entre aultres, Pierre Bunel', homme de grande reputation de sçavoir en son temps, ayant arresté quelques iours à Montaigne, en la compaignie de mon pere, avecques d'aultres hommes de sa sorte, luy feit present, au desloger, d'un livre qui s'intitule: Theologia naturalis,

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'DIOGÈNE LAERCE, VII, 165. C.

Toulousain, un des plus habiles cicéroniens du seizième siècle, au jugement d'Henri Estienne (Dedicat. Epist. P. Bunelli, etc., 1581); né en 1499, mort à Turin en 1546. Il fut précepteur de Pibrac. Voy. son article dans Bayle. J. V. L.

sive Liber creaturarum, magistri Raimondi de Sebonde1; et parce que la langue italienne et espaignolle estoient familieres à mon pere, et que ce livre est basty d'un espaignol baragouiné en terminaisons latines, il esperoit qu'avecques bien peu d'ayde il en pourroit faire son proufit, et le luy recommenda comme livre tresutile, et propre à la saison en laquelle il le luy donna; ce feut lors que les nouvelletez de Luther commenceoient d'entrer en credit, et esbranler en beaucoup de lieux nostre ancienne creance: en quoy il avoit un tresbon advis, prevoyant bien, par discours de raison, que ce commencement de maladie declineroit ayseement en un exsecrable atheïsme; car le vulgaire n'ayant pas la faculté de iuger des choses par elles mesmes, se laissant emporter à la fortune et aux apparences, aprez qu'on luy a mis en main la hardiesse de mespriser et contrerooller les opinions qu'il avoit eues en extreme reverence, comme sont celles où il va de son salut, et qu'on a mis aulcuns articles de sa religion en doubte et à la balance, il iecte tantost aprez ayseement en pareille incertitude toutes les aultres pieces de sa creance, qui n'avoient pas chez luy plus d'auctorité ny de fondement que celles qu'on luy a esbran

'Dans la première édition des Essais, et dans celle de 1588, in-4°, il y a simplement ici, la Theologie naturelle de Raimond Sebond. L'ouvrage latin du théologien espagnol, publié pour la première fois à Deventer, en 1487, a été souvent réimprimé en France dans le cours du seizième et du dix-septième siècle. J. V. L.

lees, et secoue, comme un ioug tyrannique, toutes les impressions qu'il avoit receues par l'auctorité des loix ou reverence de l'ancien usage,

Nam cupide conculcatur nimis ante metutum '; entreprenant dez lors en avant de ne recevoir rien quoy il n'ayt interposé son decret, et presté particulier consentement.

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Or, quelques jours avant sa mort, mon pere, ayant, de fortune, rencontré ce livre soubs un tas d'aultres papiers abandonnez, me commanda de le luy mettre en françois. Il faict bon traduire les aucteurs comme celuy là, où il n'y a gueres que la matiere à representer: mais ceulx qui ont donné beaucoup à la grace et à l'elegance du langage, ils sont dangereux à entreprendre, nommeement pour les rapporter à un idiome plus foible. C'estoit une occupation bien estrange, et nouvelle pour moy; pour moy; mais estant, de fortune, pour lors de loisir, et ne pouvant rien refuser au commandement du meilleur pere qui feut oncques, i'en veins à bout, comme ie peus: à quoi il print un singulier plaisir, et donna charge qu'on le feist imprimer; ce qui feut executé aprez sa mort2. Ie

'On foule aux pieds avec joie ce qu'on a craint et révéré. LUCRÉCE, V, 1139.

A Paris, chez Gabriel Buon, en 1569. Montaigne se plaignoit ici de l'infiny nombre de faultes que l'imprimeur y laissa, qui en eust la conduicte luy seul. (Essais de 1580 et de 1588.) L'édition de Paris, 1581, est assez correcte: c'est celle dont je me servirai pour quelques citations. On trouvera dans le dernier volume de

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