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<< ment, devenant tousiours aultre d'un aultre : et « par consequent se trompent et mentent les sens <«< de nature, prenants ce qui apparoist pour ce qui est, à faulte de bien sçavoir que c'est qui est. « Mais qu'est ce doncques qui est veritablement? «< ce qui est eternel; c'est à dire, qui n'a iamais «<eu de naissance, ny n'aura iamais fin; à qui le temps n'apporte iamais aulcune mutation: car « c'est chose mobile que le Temps, et qui appa<«<roist comme en umbre, avecques la matiere coulante et fluante, tousiours sans iamais demeu«rer stable ny permanente, à qui appartiennent «< ces mots, Devant, et Aprez, et A esté, ou Sera, « lesquels tout de prime face montrent evidem«ment que ce n'est pas chose qui soit; car ce seroit grande sottise, et faulseté toute apparente, « de dire que cela soit, qui n'est pas encores en «<estre, ou qui desia a cessé d'estre ; et quant à <«< ces mots, Present, Instant, Maintenant, par lesquels il semble que principalement nous sous<<< tenons et fondons l'intelligence du temps, la rai<< son le descouvrant, le destruict tout sur le champ; «< car elle le fend incontinent, et le partit en futur «<et en passé, comme le voulant veoir necessaire« ment desparty en deux. Autant en advient il à la « nature qui est mesurce, comme au temps qui la «< mesure; car il n'y a non plus en elle rien qui de<< meure, ne qui soit subsistant, ains y sont toutes «< choses ou nees, ou naissantes, ou mourantes. Au << moyen de quoy ce seroit peché de dire de Dieu,

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qui est le seul qui Est, que Il feut, ou Il sera'; car <«< ces termes là sont des declinaisons, passages ou << vicissitudes de ce qui ne peult durer ny demeu«rer en estre: parquoy il fault conclure que Dieu « seul Est, non point selon aulcune mesure du « temps, mais selon une eternité immuable et im«< mobile, non mesuree par temps, ni subiecte à aulcune declinaison; devant lequel rien n'est, « ny ne sera aprez, ny plus nouveau ou plus re<< cent; ains un realement Estant, qui, par un seul Maintenant, emplit le Tousiours; et n'y a rien qui veritablement soit, que luy seul, sans qu'on puisse dire, Il a esté, ou, Il sera, sans commencement et sans fin.

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A cette conclusion si religieuse d'un homme païen, ie veulx ioindre seulement ce mot d'un tesmoing de mesme condition, pour la fin de ce long et ennuyeux discours, qui me fourniroit de matiere sans fin : « O la vile chose, dict il2, et abiecte, que l'homme, s'il ne s'esleve au dessus

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Plutarque ne fait ici que transcrire et développer ces paroles du Timée : « Nous avons tort de dire en parlant de l'éternelle essence, Elle fut, elle sera; ces formes du temps ne conviennent pas à l'éternité; elle est, voilà son attribut. Notre passé et notre avenir sont deux mouvements: or l'immuable ne peut être de la veille ni du lendemain; on ne peut dire qu'il fut ni qu'il sera; les accidents des créatures sensibles ne sont pas faits pour lui, et des instants qui se calculent ne sont qu'un vain simulacre de ce qui est toujours. Voyez les Pensées de Platon, seconde édition, p. 73. J. V. L.

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SENEQUE, Natur. quæst., I, Præfat. C.

de l'humanité ! » Voylà un bon mot et un utile desir, mais pareillement absurde: car de faire la poignée plus grande que le poing, la brassee plus grande que le bras, et d'esperer eniamber plus que de l'estendue de nos iambes, cela est impossible et monstrueux; ny que l'homme se monte au dessus de soy et de l'humanité: car il ne peult veoir que de ses yeulx, ny saisir que de ses prinses. Il s'eslevera, si Dieu luy preste extraordinairement la main; il s'eslevera, abandonnant et renonceant à ses propres moyens, et se laissant haulser et soublever par les moyens purement celestes. C'est à nostre foy chrestienne, non à sa vertu stoïque, de pretendre à cette divine et miraculeuse metamorphose.

CHAPITRE XIII.

De iuger de la mort d'aultruy.

Quand nous iugeons de l'asseurance d'aultruy en la mort, qui est sans doubte la plus remarquable action de la vie humaine, il se fault prendre garde d'une chose, Que malayscement on croit estre arrivé à ce poinct. Peu de gens meurent, resolus que ce soit leur heure derniere; et n'est endroict où la piperie de l'esperance nous amuse plus : elle ne cesse de corner aux aureilles :

« D'aultres ont bien esté plus malades sans mourir; L'affaire n'est pas si desesperee qu'on pense; et, au pis aller, Dieu a bien faict d'aultres miracles. » Et advient cela, de ce que nous faisons trop de cas de nous: il semble que l'université des choses souffre aulcunement de nostre aneantissement, et qu'elle soit compassionnee à nostre estat; d'autant que nostre veue alteree se represente les choses abusivement, et nous est advis qu'elles lui faillent à mesure qu'elle leur fault : comme ceulx qui voyagent en mer, à qui les montaignes, les campaignes, les villes, le ciel, et la terre, vont mesme bransle et quand et quand culx:

Provehimur portu, terræque urbesque recedunt'.

Qui veid iamais vieillesse qui ne louast le temps passé et ne blasmast le present, chargeant le monde et les moeurs des hommes de sa misere et de son chagrin?

Iamque caput quassans, grandis suspirat arator...
Et quum tempora temporibus præsentia confert
Præteritis, laudat fortunas sæpe parentis,

Et crepat antiquum genus ut pietate repletum '.

Nous entraisnons tout avecques nous; d'où il s'ensuit que nous estimons grande chose nostre

'La terre et les villes reculent à mesure que nous nous éloiguons du port. VIRG., Énéide, III, 72.

Le vieux laboureur secoue, en soupirant, sa tête chauve; il compare le temps passé avec le présent; il envie le sort de ses pères, et parle sans cesse de la piété des anciens temps. LUCRÉCE, II, 1165.

mort, et qui ne passe pas si ayseement, ny sans
solenne consultation des astres; tot circa unum
caput tumultuantes deos'; et
et le pensons d'autant
plus, que plus nous nous prisons : « Comment?
tant de science se perdroit elle avecques tant de
dommage, sans particulier soulcy des destinees?
Un' ame si rare et exemplaire ne couste elle non
plus à tuer, qu'un' ame populaire et inutile? Cette
vie, qui en couvre tant d'aultres, de qui tant
d'aultres vies despendent, qui occupe tant de
monde par son usage, remplit tant de places, se
desplace elle comme celle qui tient à son simple
nœud?» Nul de nous ne pense assez n'estre
qu'un 2: de là viennent ces mots de Cesar à son pi-
lote, plus enflez que la mer qui le menaceoit ;
Italiam si, cœlo auctore, recusas,

Me, pete: sola tibi causa hæc est iusta timoris,
Vectorem non nosse tuum; perrumpe procellas,
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Credit iam digna pericula Cæsar

Fatis esse suis; Tantusque evertere, dixit,

'Tant de dieux en mouvement pour la vie d'un seul homme. M. SENEC., Suasor., I, 4.

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« Nous tenons à tout, nous nous accrochons à tout; les temps, les lieux, les hommes, les choses, tout ce qui est, tout ce qui sera, importe à chacun de nous: notre individu n'est plus que la moindre partie de nous-mêmes... O homme! resserre ton existence au-dedans de toi. » ROUSSEAU, Émile, liv. II. On ne voit pas ici d'imitation directe; mais la pensée est la même.

J. V. L.

3 Au défaut des dieux, vogue sous mes auspices: tu ignores

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