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Moley Moluch, roy de Fez, qui vient de gai-gner', contre Sebastian, roy de Portugal, cette iournee fameuse par la mort de trois la mort de trois roys, et par la transmission de cette grande couronne à celle de Castille, se trouva griefvement malade dez lors que les Portugais entrerent à main armee en son estat; et alla tousiours depuis en empirant vers la mort, et la prevoyant. Iamais homme ne se servit de soy plus vigoreusement et bravement. Il se trouva foible pour soustenir la pompe cerimonieuse de l'entree de son camp, qui est, selon leur mode, pleine de magnificence, et chargee de tout plein d'action; et resigna cet honneur à son frere mais ce feut aussi le seul office de capitaine qu'il resigna; touts les aultres necessaires et utiles, il les feit treslaborieusement et exactement, tenant son corps couché, mais son entendement et son courage debout et ferme iusques au dernier souspir, et aulcunement au delà. Il pouvoit miner ses ennemis, indiscretement advancez en ses terres; et luy poisa merveilleusement qu'à faulte d'un peu de vie, et pour n'avoir qui substituer à la conduicte de cette guerre et aux affaires d'un estat troublé, il eust à chercher la victoire sanglante et hazardeuse, en ayant une aultre

puis les mots, Fortune ne debvoit pas, etc., manque dans l'exemplaire sur lequel a été faite l'édition des Essais publiée en 1802 par Naigeon. L'éditeur lui-même en fait l'aveu. J. V. L.

En 1578. Voy. l'Histoire du président DE THOU, I. LXV, p. 248, éd. de Genève, 1620. C.

pure et nette entre ses mains: toutesfois il mesnagea miraculeusement la duree de sa maladie, à faire consumer son ennemy, et l'attirer loing de l'armee de mer et des places maritimes qu'il avoit en la coste d'Afrique, iusques au dernier iour de sa vie, lequel, par desseing, il employa et reserva à cette grande iournee. Il dressa sa battaille en rond, assiegeant de toutes parts l'ost des Portugais; lequel rond venant à se courber et serrer, les empescha non seulement au conflict (qui feut tresaspre par la valeur de ce ieune roy assaillant), veu qu'ils avoient à montrer visage à touts sens, mais aussi les empescha à la fuyte aprez leur roupte; et, trouvants toutes les yssues saisies et closes, ils feurent contraincts de se reiecter à eulx mesmes, coacervanturque non solum cæde, sed etiam fuga', et s'amonceller les uns sur les aultres, fournissants aux vainqueurs une tresmeurtriere victoire et tresentiere. Mourant, il se feit porter et tracasser2 où le besoing l'appelloit, et, coulant le long des files, enhortoit ses capitaines et soldats, les uns aprez les aultres: mais un coing de sa battaille se laissant enfoncer, on ne le peut tenir qu'il ne montast à cheval l'espee au poing; il s'efforçoit pour s'aller mesler, ses gents l'arrestants, qui par la bride, qui par sa robbe et par ses estriers. Cet effort acheva d'accabler ce peu de vie qui luy restoit on le recoucha. Luy, se resuscitant comme

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Entassés non seulement par le carnage, mais aussi par la fuite.
Meneret là. — Tracasser, itare, hæc illar cursitare. Nicor.

en sursault de cette pasmoison, toute aultre faculté luy defaillant pour advertir qu'on teust sa mort, qui estoit le plus necessaire commandement qu'il eust lors à faire, afin de n'engendrer quelque desespoir aux siens par cette nouvelle, expira tenant le doigt contre sa bouche close, signe ordinaire de faire silence'. Qui vescut oncques si long temps, et si avant en la mort? qui mourut oncques si debout?

L'extreme degré de traicter courageusement la mort, et le plus naturel, c'est la veoir, non seulement sans estonnement, mais sans soing, continuant libre le train de la vie iusques dedans elle, comme Caton, qui s'amusoit à estudier et à dormir, en ayant une violente et sanglante, presente en sa teste et en son cœur, et la tenant en sa main.

CHAPITRE XXII.

Des postes.

le n'ay pas esté des plus foibles en cet exercice, qui est propre à gents de ma taille, ferme et courte: mais i'en quitte le mestier; il nous essaye1 trop

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M. de Thou remarque, liv. LXV, pag. 248, qu'on disoit que Charles de Bourbon avoit fait la même chose en expirant au pied des murailles de Rome, qui, peu après sa mort, fut prise d'assaut par ses troupes. C.

2

Il nous fatigue trop. C.

que

pour y durer long temps. Ie lisois', à cette heure, le roy Cyrus, pour recevoir plus facilement nouvelles de touts les costez de son empire, qui estoit d'une fort grande estendue, feit regarder combien un cheval pouvoit faire de chemin en un iour, tout d'une traicte; et, à cette distance, il establit des hommes qui avoient charge de tenir des chevaulx prests pour en fournir à ceulx qui viendroient vers luy; et disent aulcuns, que cette vistesse d'aller revient à la mesure du vol des grues.

Cesar dict que Lucius Vibullius Rufus, ayant haste de porter un advertissement à Pompeius, s'achemina vers luy iour et nuict, changeant de chevaulx, pour faire diligence: et luy mesme, à ce que dict Suetone 3, faisoit cent milles par iour sur un coche de louage; mais c'estoit un furieux courrier; car, où les rivieres luy trenchoient son chemin, il les franchissoit à la nage, et ne se destournoit du droict, pour aller querir un pont ou un gué. Tiberius Nero, allant veoir son frere Drusus malade en Allemaigne, feit deux cents milles en vingt quatre heures, ayant trois coches 4. En la guerre des Romains contre le roy Antiochus, T. Sempronius Gracchus, dict Tite-Live, per dis

' Dans la Cyropédie de XENOPHON, VIII, 6, 9. C.

De Bello Civili, III, 11: mutatis ad celeritatem jumentis. J. V. L.

3 Vie de César, c. 57. C.

4 PLINE, Nat. Hist., VII, 20. C.

positos equos prope incredibili celeritate ab Amphissa tertio die Pellam pervenit' : et appert, à veoir le lieu, que c'estoient postes assises, non ordonnees freschement pour cette course.

L'invention de Cecina à r'envoyer des nouvelles à ceulx de sa maison, avoit bien plus de promptitude: il emporta quand et soy des arondelles, et les relaschoit vers leurs nids quand il vouloit r'envoyer de ses nouvelles, en les teignant de marque de couleur propre à signifier ce qu'il vouloit, selon qu'il avoit concerté avecques les siens2.

Autheatre à Rome, les maistres de famille avoient des pigeons dans leur sein, ausquels ils attachoient des lettres, quand ils vouloient mander quelque chose à leurs gents au logis; et estoient dressez á en rapporter response. D. Brutus en usa, assiegé à Mutine3; et aultres, ailleurs.

Au Peru, ils couroient sur les hommes, qui les chargeoient sur les espaules à tout des portoires, par telle agilité, que, tout en courant, les premiers porteurs reiectoient aux seconds leur charge, sans

arrester un pas.

L'entends que les Valachi, courriers du grand Seigneur, font des extremes diligences, d'autant

Se rendit en trois jours d'Amphisse à Pella, sur des chevaux de relais, avec une rapidité presque incroyable. Tite Live, XXXVII, 7.

3

PLINE, Nat. Hist., X, 24. C.*

ID., ibid., X, 77- Mutine, ou Modène, comme on dit aujourd'hui. C.

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