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nous avons veu faire liberalité du royaume de Hongrie et aultres estats, regardoit plus à cette consideration, qu'à celle qu'il avoit accoustumé d'alleguer, « Qu'il estoit saoul et chargé de tant de monarchies et de dominations que sa vertu ou celle de ses ancestres luy avoient acquis.

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CHAPITRE XXV.

De ne contrefaire le malade.

Il y a un epigramme en Martial, qui est des bons, car il y en a chez luy de toutes sortes, où il recite plaisamment l'histoire de Celius, qui, pour fuyr à faire la court à quelques grands à Rome, se trouver à leur lever, les assister et les suyvre, feit la mine d'avoir la goutte; et, pour rendre son excuse plus vraysemblable, se faisoit oindre les iambes, les avoit enveloppees, et contrefaisoit entierement le port et la contenance d'un homme goutteux. Enfin la fortune luy feit ce plaisir, de le rendre goutteux tout à faict.

Tantum cura potest, et ars doloris !

Desît fingere Cœlius podagram'.

l'ay veu en quelque lieu d'Appian 2, ce me sem

Voyez ce que c'est que de si bien faire le malade! Célius n'a plus besoin de feindre qu'il a la goutte. MARTIAL, VII, 39, 8. 'Guerres civiles, liv. IV, p. 613 de l'édition d'Henri Estienne; pag. 985 de celle de Tollius, Amst., 1670. J. V. L.

ble, une pareille histoire d'un, qui, voulant eschapper aux proscriptions des triumvirs de Rome, pour se desrobber de la cognoissance de ceulx qui le poursuyvoient, se tenant caché et travesti, y adiousta encores cette invention, de contrefaire le borgne : quand il veint à recouvrer un peu plus de liberté, et qu'il voulut desfaire l'emplastre qu'il avoit long temps porté sur son œil, il trouva que sa veue estoit effectuellement perdue sous ce masque. Il est possible que l'action de la veue s'estoit hebetee' pour avoir esté si long temps sans exercice, et que la force visive s'estoit toute reiectee en l'aultre œil; car nous sentons evidemment que l'oeil que nous tenons couvert, r'envoye à son compaignon quelque partie de son effect, en maniere que celuy qui reste s'en grossit et s'en enfle: comme aussi l'oysifveté, avecques la chaleur des liaisons et des medicaments, avoit bien peu attirer quelque humeur podagrique au goutteux de Martial.

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Lisant chez Froissard le vou d'une troupe de ieunes gentilshommes anglois, de porter l'œil gauche bandé, iusques à ce qu'ils eussent passé en France et exploicté quelque faict d'armes sur nous; ie me suis souvent chatouillé de ce pensement, qu'il leur eust prins comme à ces aultres, et qu'ils se feussent trouvez touts esborgnez au reveoir des

'S'étoit affoiblie. C'est une phrase latine. Séneque le tragique (Hercul. fur., v. 1043): Visusque mæror hebetat.

'T. I, c. 29. C.

maistresses pour lesquelles ils avoient faict l'entreprinse.

personne:

Les meres ont raison de tanser leurs enfants quand ils contrefont les borgnes, les boiteux, et les bicles', et tels aultres defaults de la car, oultre ce que le corps, ainsi tendre, en peult recevoir un mauvais ply, ie ne sçais comment il semble que la fortune se ioue à nous prendre au mot; et i'ay ouï reciter plusieurs exemples de gents devenus malades, ayant desseigné de feindre l'estre. De tout temps, i'ay apprins de charger ma main, et à cheval et à pied, d'une baguette ou d'un baston, iusques à y chercher de l'elegance, et de m'en seiourner, d'une contenance affettee: plusieurs m'ont menacé que fortune tourneroit un iour cette mignardise en necessité. Ie me fonde sur ce que ie serois tout le premier goutteux de ma race.

Mais alongeons ce chapitre, et le bigarrons d'une aultre piece, à propos de la cecité. Pline dict' d'un qui, songeant estre aveugle, en dormant, se le trouva l'endemain, sans aulcune maladie precedente. La force de l'imagination peult bien ayder à cela, comme l'ay dict ailleurs3; et semble que Pline soit de cet advis: mais il est plus vraysemblable que les mouvements que le corps sentoit au

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Bicle, ou bigle, comme on dit présentement, signifie louche.

2 Nat. Hist., VII, 50. C.

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« Fortis imaginatio generat casum, disent les clercs. » Essais,

liv. I, chap. 20. J. V. L.

dedans, desquels les medecins trouveront, s'ils veulent, la cause, qui luy ostoient la veue, feurent occasion du songe.

Adioustons encores un' histoire voisine de ce propos, que Seneque recite en l'une de ses lettres: << Tu sçais, dict il escrivant à Lucilius', que Harpasté, la folle de ma femme, est demeuree chez moy, pour charge hereditaire : car, de mongoust, ie suis ennemy de ces monstres; et, si i'ay envie de rire d'un fol, il ne me le fault chercher gueres loing, ie ris2 de moy mesme. Cette folle a subitement perdu la veue. Ie te recite chose estrange, mais veritable: elle ne sent point qu'elle soit aveugle, et presse incessamment son gouverneur de l'emmener3, parce qu'elle dict que ma maison est obscure. Ce que nous rions en elle, ie te prie croire qu'il advient à chascun de nous; nul ne cognoist estre avare, nul convoiteux: encores les aveugles demandent un guide; nous nous fourvoyons de nous mesmes. Ie ne suis pas ambitieux, disons nous; mais à Rome on ne peult vivre aultrement: ie ne suis pas sumptueux; mais la ville requiert une grande despense : ce n'est pas ma faulte si ie suis cholere, si ie n'ay encores establi aulcun train asseuré de vie: c'est la faulte de la ieunesse. Ne cherchons pas hors de nous nostre mal, il est chez nous, il est planté en nos entrailles : et cela mesme, que nous ne sentons pas estre malades, nous rend

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* Éd. de 1588, ie me ris. 3 Ibid., de l'en emmener.

la guarison plus malaysee. Si nous ne commenceons de bonne heure à nous panser, quand aurons nous pourveu à tant de playes et à tant de maulx? Si avons nous une tresdoulce medecine, que la philosophie; car des aultres, on n'en sent le plaisir qu'aprez la guarison, cette cy plaist et guarit ensemble. » Voylà ce que dict Seneque, qui m'a emporté hors de mon propos; mais il a du proufit au change.

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CHAPITRE XXVI.

Des poulces.

Tacitus recite' que, parmy certains roys barbares, pour faire une obligation asseuree, leur maniere estoit de ioindre estroictement leurs mains droictes l'une à l'aultre, et s'entrelacer les poulces: et quand, à force de les presser, le sang en estoit monté au bout, ils les bleceoient de quelque legiere poincte, et puis se les entresuceoient.

Les medecins disent que les poulces sont les maistres doigts de la main, et que leur etymologie latine vient de pollere3. Les Grecs l'appellent

' Annales, XII, 47. C.

1 Ceci semble pris de Macrobe, qui l'a pris à son tour d'Atéius Capito. Voy. les Saturnales, VII, 13. C.

3 Etre fort et puissant. C.

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