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avriyeip, comme qui diroit une aultre main. Et il semble que par fois les Latins les prennent aussi en ce sens de main entiere:

Sed nec vocibus excitata blandis,

Molli pollice nec rogata, surgit '.

C'estoit à Rome une signification de faveur, de comprimer et baisser les poulces,

Fautor utroque tuum laudabit pollice ludum',

et de desfaveur, de les haulser et contourner au dehors:

Converso pollice vulgi,

Quemlibet occidunt populariter 3.

Les Romains dispensoient de la guerre ceulx qui estoient blecez au poulce, comme s'ils n'avoient plus la prinse des armes assez ferme. Auguste confisqua les biens à un chevalier romain, qui avoit, par malice, coupé les poulces à deux siens ieunes enfants, pour les excuser d'aller aux armees et avant luy, le senat, du temps de la guerre italique, avoit condamné Caius Vatienus à prison perpetuelle, et luy avoit confisqué touts ses biens, pour s'estre à escient coupé le poulce

'Ces deux vers de MARTIAL, XII, 98, 8, sont trop libres pour être traduits.

2

Il applaudira à tes jeux, en baissant les deux pouces. HoR., Epist., I, 18, 66.

3 Dès que le peuple a tourné le pouce en haut, il faut, pour lui plaire, que les gladiateurs s'égorgent. Juv., III, 36. — Voyez ci-dessus, chap. 23, la dernière citation de PRUDENCE. J. V. L. 4 SUÉTONE, Auguste, c. 24. C.

de la main gauche, pour s'exempter de ce voyage'.

Quelqu'un, dont il ne me souvient point', ayant gaigné une battaille navale, feit couper les poulces à ses ennemis vaincus, pour leur oster le moyen de combattre et de tirer la rame. Les Atheniens les feirent couper aux Aeginetes, pour leur oster la preference en l'art de marine3.

En Lacedemone, le maistre chastioit les enfants en leur mordant le poulce 4.

CHAPITRE XXVII.

Couardise, mere de la cruauté.

l'ay souvent ouï dire que la couardise est mere de la cruauté: et si ay par experience apperceu que cette aigreur et aspreté de courage malicieux et inhumain s'accompaigne coustumierement de mollesse feminine; i'en ay veu des plus cruels,

-

VALÈRE MAXIME, V, 3, 3. On croit que c'est de là (a pollice trunco) que vient le mot de poltron. J. V. L.

'Philoclès, un des généraux des Athéniens, dans la guerre du Péloponnèse. Voy. PLUTARQUE, Lysandre, c. 5; XENOPHON, Hist. Gr., II, etc. J. V. L.

3 CICERON, de Offic., III, 11; VALÈRE MAXIME, IX, 2, ext. 8. – ÉLIEN, Var. Hist., II, 9, dit comme Plutarque et Xénophon, que ce fut pour les mettre hors d'état de manier la lance, sans les rendre incapables de ramer. J. V. L.

4 PLUTARQUE, Lycurgue, c. 14. C.

subiects à pleurer ayseement, et pour des causes frivoles. Alexandre, tyran de Pheres, ne pouvoit souffrir d'ouïr au theatre le ieu des tragedies, de peur que ses citoyens ne le veissent gemir aux malheurs de Hecuba et d'Andromache, luy qui, sans pitié, faisoit cruellement meurtrir tant de gents touts les iours'. Seroit ce foiblesse d'ame qui les rendist ainsi ployables à toutes extremitez? La vaillance, de qui c'est l'effect de s'exercer seulement contre la resistance,

Nec nisi bellantis gaudet cervice iuvenci2,

s'arreste3 à veoir l'ennemy à sa mercy: mais la pusillanimité, pour dire qu'elle est aussi de la feste, n'ayant peu se mesler à ce premier roolle, prend pour sa part le second, du massacre et du sang. Les meurtres des victoires s'exercent ordinairement par le peuple, et par les officiers du bagage et ce qui faict veoir tant de cruautez inouies aux guerres populaires, c'est que cette canaille de vulgaire s'aguerrit, et se gendarme1, à s'ensanglanter iusques aux coudes, et deschiquetter un corps à ses pieds, n'ayant ressentiment d'aultre vaillance:

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PLUTARQUE, Pélopidas, c. 15. C.

'Qui ne se plaît à immoler un taureau, que lorsqu'il résiste. CLAUDIEN, Epist. ad Hadrianum, v. 3o.

3 S'arrête, dès qu'elle voit l'ennemi à sa merci. C.

4 Se gendarmer, se mettre en humeur, en posture d'homme qui veut combattre. Verbis, vultu, habituque præferre ferocem pugnatorem. MONET.

Et lupus, et turpes instant morientibus ursi,

Et quæcumque minor nobilitate fera est1:

comme les chiens couards, qui deschirent en la maison et mordent les peaux des bestes sauvages qu'ils n'ont osé attaquer aux champs. Qu'est ce qui faict, en ce temps, nos querelles toutes mortelles; et qu'au lieu que nos pères avoient quelque degré de vengeance, nous commenceons à cette heure par le dernier; et ne se parle, d'arrivee, que de tuer? qu'est ce, si ce n'est couardise?

Chascun sent bien qu'il y a plus de braverie et desdaing à battre son ennemy qu'à l'achever, et de le faire bouquer2 que de le faire mourir; dadvantage, que l'appetit de vengeance s'en assouvit, et contente mieulx; car elle ne vise qu'à donner ressentiment de soy: voylà pourquoy nous n'attaquons pas une beste ou une pierre quand elle nous blece, d'autant qu'elles sont incapables de sentir nostre revenche: et de tuer un homme, c'est le mettre à l'abry de nostre offense. Et tout ainsi comme Bias3 crioit à un meschant homme,

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le sçais que tost ou tard tu en seras puny, mais ie crains que ie ne le veoye pas; » et plaignoit les

'Le loup, et l'ours, et les animaux les moins nobles, s'acharnent sur les mourants. OVIDE, Trist., III, 5, 35.

2 Faire bouquer quelqu'un, c'est lui faire dépit, le faire enrager, l'obliger à céder. RICHELET.

3 PLUTARQUE, des Délais de la justice divine, c. 2.— - Montaigne se trompe en disant que Bias plaignoit les Orchoméniens; c'est Patrocle, un des interlocuteurs du dialogue, qui cite cet exemple de la vengeance trop lente des dieux sur le traître Lyciscus. C.

Orchomeniens, de ce que la penitence que Ly ciscus eut de la trahison contre eulx commise, venoit en saison qu'il n'y avoit personne de reste de ceulx qui en avoient esté interessez, et ausquels debvoit toucher le plaisir de cette penitence: tout ainsin est à plaindre la vengeance, quand celuy envers lequel elle s'employe perd le moyen de la souffrir; car, comme le vengeur y veult veoir pour en tirer du plaisir, il fault que celuy sur lequel il se venge y veoye aussi pour en recevoir du desplaisir et de la repentance. «Il s'en repentira,» disons nous; et, pour luy avoir donné d'une pistolade' en la teste, estimons nous qu'il s'en repente? au rebours, si nous nous en prenons garde, nous trouverons qu'il nous faict la moue en tumbant ; il ne nous en sçait pas seulement mauvais gré, c'est bien loing de s'en repentir; et luy prestons le plus favorable de touts les offices de la vie, qui est de le faire mourir promptement et insensiblement: nous sommes à conniller2, à trotter, et à fuyr les officiers de la iustice qui nous suyvent; et luy est en repos. Le tuer, est bon pour eviter l'offense à venir; non pour venger celle qui est faicte c'est une action plus de crainte, que de braverie; de precaution, que de de deffense, que d'entreprinse. Il est apparent

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courage;

Pistolade, pistoletade, coup de pistolet. Ces deux mots se trouvent dans NICOT. C.

E. J.

A nous cacher dans des trous, comme des connils, des lapins.

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