Obrázky na stránke
PDF
ePub
[blocks in formation]

AVANT-PROPOS

DE L'AUTEUR.

CE premier volume de l'Hermite de la Guiane

est le huitième d'un Recueil d'Observations où je me suis proposé de peindre les inceurs des Français, à l'époque de leur histoire où cette tâche était, sans contredit, la plus difficile à remplir. Un écrivain n'a pas moins de peine à saisir la physionomie d'un peuple violemment agité, qu'un peintre à fixer les traits d'un individu toujours en mouvement: l'immobilité du modèle est pour l'ordinaire une des conditions de la ressemblance du portrait.

:

:

Privé de cet avantage, il m'est néanmoins permis de croire que je n'ai point échoué dans mon entreprise le succès que ce nouveau Tableau de Paris obtient en France; les traductions qui en ont été faites en anglais, en allemand et en italien; les imitations qu'il a fait naître, m'autorisent à penser que ce Recueil; à défaut d'autre mérite, en a du moins un qui lui est propre, et que je crois pouvoir indiquer moi-même celui de l'intérêt qui résulte, en tout pays, d'un livre dout l'auteur, toujours de bonne foi avec ses lecteurs et avec lui-même, ne cherche que la vérité utile, ne parle que de ce qu'il voit, et ne dit que ce qu'il pense; dont l'auteur, ami sincère des lois et du gouvernement de son pays, respecte le pouvoir sans le flatter, gourmande les vices sans attaquer les individus, et se moque des sots sans les craindre (acte de courage dont il est permis de se vanter quand on est, coinme moi, bien convaincu

* J'ai traduit moi même en anglais l'Hermite de la Guiane.

que sottise et méchanceté sont rigoureusement synonymes).

Peut-être aura-t-on peine à croire qu'un ouvrage sur les mœurs nationales, où la satire personnelle n'a jamais trouvé d'accès, où la critique et l'éloge mème ne se montrent que sous des traits généraux, où je puis affirmer que l'esprit de parti ne m'a jamais dicté une seule phrase; peut-être, dis-je, aura-t-on peine à croire qu'un pareil ouvrage ait pu me faire des ennemis, même de l'espèce de ceux que je me vantais tout-à-l'heure de ne pas craindre! Rien n'est plus vrai cependant, et je remarque comme un trait caractéristique de l'époque où nous vivons, l'impudente naïveté avec laquelle des libellistes, rebut de la littérature et de la société, des dénonciateurs à gages, dont l'espèce se multiplie si honteusement, confessent eux-mêmes leur turpitude, en poussant contre moi des cris de fureur chaque fois qu'il m'arrive d'exposer un vice ou de signaler une bassesse. Sans avoir d'aussi bonnes raisons que La Bruyère pour me consoler d'une semblable injustice, j'ai du moins la certitude qu'elle ne saurait m'atteindre dans l'esprit des honnêtes gens et des véritables hommes de lettres, dont le jugement finit toujours par former l'opinion publique.

DE LA GUIANE.

mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmUIUI

No Ier.-16 juillet 1815.

ARRIVÉE DE L'HERMITE DE LA GUIANE.

w

A MONSIEUR L'ÉDITEUR DE L'HERMITE DE LA CHAUSSÉE D'ANTIN ET DU FRANC-PARLEUR.

MONSIEUR,

ONSIEUR, j'avais accepté, dans une entreprise qui a pour objet de former la Galerie des Moeurs françaises, une tâche que j'ai remplie le moins mal qu'il m'a été possible; je n'ai plus les moyens, et je ne me sens plus le courage de la continuer. Quel tems, en effet, pour observer et pour peindre nos mœurs! La nation française n'a plus de physionomie; les convulsions de la souffrance ont si profondément altéré ses traits, si complètement dénaturé son caractère qu'elle est devenue tout-à-fait méconnaissable. D'ailleurs je ne connais, tout Franc-Parleur que je suis, ni vérités bonnes à dire, ni vérités bonnes à entendre, au milieu de cinq ou six cent mille baïonnettes étrangères qui peuvent si facilement nous couper la parole. Je résigne donc, avec votre consentement, mes fonctions d'observateur entre les mains d'un homme que le hasard vous envoie, et qui semble qualifié tout exprès pour un pareil emploi, dans les circonstan

ces où nous nous trouvons.

Le corps politique est dangereusement malade; la faculté des journalistes, appelée à son aide, aggrave encore le mal: dans cette consultation de charlatans, les uns n'ont pour but que de se faire payer leurs visites; les autres, qui s'entendent avec les héritiers du mourant, se hâtent de ruiner, par des remèdes violens sa faible constitution. Je suis du nombre de ceux qui ne comptent plus que sur une de ces crises salutaires que la nature amène quelquefois contré toute espérance et toute probabilité. Je la désire trop

pour ne pas craindre de la contrarier par des efforts dont je ne pourrais garantir que l'intention."

L'heure de la retraite a sonné pour moi; si j'étais forcé de rendre compte du parti que je prends, je me contenterais de citer un vers célèbre du Caton d'Addisson, dont la pensée affaiblie est qu'il y a telle circonstance où le poste de l'honneur est dans la vie la plus obscure.

Agréez, je vous prie, etc.

GUILLAUME LE FRANC-PArleur.

(Note de l'Éditeur. La lettre suivante, que Mme de L*** a écrite à M. Guillaume, et dont celui-ci veut bien nous permettre de faire usage, servira d'introduction, auprès de nos lecteurs, au singulier personnage qui remplira désormais, dans ce Recueil, la place que la retraite du FrancParleur y laisse vacante.)

Lettre de madame de L*** à M. Guillaume de Montliver.

Paris, 4 juillet 1815.

MONSIEUR, deux ans à peine écoulés depuis la perte que nous avons faite de notre vieil ami, l'Hermite de la Chaussée-d'Antin, ne l'ont point banni de votre mémoire, et sans doute vous partagerez le plaisir que m'a procuré la singulière visite que je viens de recevoir. Vous vous rappelez sans doute qu'à la mort du bon Hermite je vous fis passer, entre autres papiers, une lettre qu'il adressait à un certain chevalier de Pageville, son ami d'enfance, dont il a raconté les étranges aventures dans un de ses derniers discours *. Je ne m'attendais pas, et sans doute vous ne vous attendiez pas plus que moi, à faire avec ce vieux sauvage une plus ample connais

sance.

Je commence à me familiariser avec le tumulte ; cependant il y a quelques jours qu'une grande rumeur dans le quartier que j'habite me causa une assez vive inquiétude : je me mis à l'une des croisées de ma chambre qui donne sur la cour, et je vis le portier de l'hôtel aux prises avec un jeune homme de couleur qui voulait à toute force faire ouvrir la grande porte pour faire entrer une espèce de calecin andaloux, dont la structure bizarre, moins encore que les voyageurs qu'elle contenait, avait amassé dans la rue un grand nombre de curieux. J'envoyai un domestique s'informer de la cause de cet attroupement; il revint en riant m'annoncer que « c'était un trèsvieux monsieur qui venait tout exprès du fond de l'Amérique

* Voyez le 2o volume de l'Hermite de la Chaussée-d'Antin, No CI.

« PredošláPokračovať »