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On peut être héros sans ravager la terre.
Il est plus d'une gloire. En vain aux conquérans
L'erreur, parmi les rois, donne les premiers rangs;
Entre les grands héros ce sont les plus vulgaires.
Chaque siècle est fécond en heureux téméraires;
Chaque climat produit des favoris de Mars;
La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars: 1
On a vu mille fois des fanges Méotides 2
Sortir des conquérans goths, vandales, gépides.
Mais un roi vraiment roi, qui, sage en ses projets,
Sache en un calme heureux maintenir ses sujets;
Qui du bonheur public ait cimenté sa gloire,
Il faut pour le trouver courir toute l'histoire.
La terre compte peu de ces rois bienfaisans;
Le ciel à les former se prépare long-temps.
Tel fut cet empereur sous qui Rome adorée
Vit renaître les jours de Saturne et de Rhée;
Qui rendit de son joug l'univers amoureux;
Qu'on n'alla jamais voir sans revenir heureux;
Qui soupirait le soir, si sa main fortunée 6

4

1 Imitation de Boileau. Gâcon, épitre au maréchal de Villeroi :

2

Chaque siècle a fourni de ces cœurs généreux,
Toujours prêts à tenter un combat dangereux...
Rome eut son Fabius, et la France a le sien...

5

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I 10

Fanges est plus poétique et plus noble que palus ou marais méotides... Féraud, mot méotides.

3 Roi vraiment roi... façon de parler en vers, peu digne de la poésie. Desmarets, 63.

4 Titus. Boil., 1701 et 1713.

5 Im. de B... Voltaire (Henr., III, 78) dit de Guise:

Le pauvre allait le voir et revenait heureux.

Fortuné est plus noble que heureux... Roubaud, II, 113.

115

N'avait par ses bienfaits signalé la journée. 1
Le cours ne fut pas long d'un empire si doux. 2
Mais où cherché-je ailleurs ce qu'on trouve chez nous ?3
Grand roi, sans recourir aux histoires antiques,
Ne t'avons-nous pas vu dans les plaines belgiques,
Quand l'ennemi vaincu, désertant ses remparts,
Au-devant de ton joug courait de toutes parts,
Toi-même te borner, au fort de ta victoire,a
Et chercher dans la paix une plus juste gloire?5
Ce sont là les exploits que tu dois avouer;
Et c'est par là, grand roi, que je te veux louer.6

› Le sentiment seul a fait éclore ces deux beaux vers. Le Brun.

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2 Vers 107 à 115. D'Alembert, III, 67, montre que Vigneul de Marville (d'Argonne) est un mauvais juge en matière de goût, lorsqu'il préfère à ces beaux vers le distique suivant d'Ausone (Cæsares, no x1), sur Titus:

Felix imperio, felix brevitate regendi,

Expers civilis sanguinis, orbis amor.

Vigneul paraît en effet d'autant moins excusable qu'il avoue que le portrait contenu dans le couplet ci-dessus, est magnifique, et les vers extrêmement beaux. » Saint-Marc, V, 158.

5 Chez nous, expression qui n'est tolérable que dans le style familier. Ménage et Féraud.

Au fort ne s'unit qu'à des substantifs qui, s'alliant avec des adjectifs, expriment des idées de force, de violence... On dit au fort de sa douleur pour dans sa plus forte douleur; on ne dit pas au fort de la victoire. Saint-Marc, V, 469. Cette expression pour être énergique n'en est pas moins correcte, et serait admissible même en prose. M. Daunou.

5 La paix de 1668. Boil., 1713.

Vers 117 à 122... Qu'y a-t-il de plus beau et de plus noble que ces six vers? Bouhours, 155.

Im. de B... Regnard, après s'être déclaré dans les deux premiers vers ciaprès ( Épitre à Quinault) l'élève de Quinault, se présenta au bout de quelques années dans les deux autres (Epit. dédicat. des Ménechmes) comme

celui de Boileau.

Et pour

élève enfin si tu veux m'avouer,

C'est par cet endroit seul qu'il faudra me louer...
TOME II.

Assez d'autres, sans moi, d'un style moins timide, 1 125 Suivront aux champs 2 de Mars ton courage rapide; Iront de ta valeur effrayer l'univers,

Et camper devant Dôle au milieu des hivers. 3

Pour moi, loin des combats, sur un ton moins terrible,
Je dirai les exploits de ton règne paisible:

Je peindrai les plaisirs en foule renaissans;
Les oppresseurs du peuple à leur tour gémissans.
On verra par quels soins ta sage prévoyance
Au fort de la famine entretint l'abondance;
On verra les abus par ta main réformés,
La licence et l'orgueil en tous lieux réprimés,

Et pour disciple enfin si tu veux m'avouer,
C'est par cet endroit seul qu'on pourra me louer.

Autre im. de B... Gâcon, Disc. au roi :

Mais puisque je me vois réduit à te louer,
Au moins voici des vers que tu peux avouer.

Autre im. de B... Clément, Sat. vṛ, v. 36g:

J'aspire à des succès que je puisse avouer,
Et je veux qu'on m'estime avant de me louer.

5

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1 Ce tour est heureux, mais c'est une répétition de la pensée exprimée au vers 54 (qu'un autre, etc.). Le Brun. Le besoin de transitions, et la difficulté de les trouver toujours heureuses, amènent ces répétitions qui jettent dans le style une langueur inévitable. M. Amar.

2 V. E. Texte de 1672 à 1713, et non pas au champ, comme on lit dans plusieurs éditions modernes, telles que 1821, S.-S.; 1821, 1824 et 1828, Am.; 1825, Daun., Aug. (in-8° et in-32) et Font.; 1826, Mar.; 1829, B. ch. et Boul...

5 Le roi venait de canquérir la Franche-Comté en plein hiver. Boil., 1713. - En février 1668. Bross.

Ce fut en 1663. Boil., 1713. — En 1662 on fit venir beaucoup de blé de Prusse et de Pologne. Bross.

--

5 Plusieurs édits donnés pour réformer le luxe. Boil., 1713. Brossette n'en indique pas les dates.

1

Du débris des traitans ton épargne grossie, 1
Des subsides affreux la rigueur adoucie; 2
Le soldat, dans la paix, sage et laborieux;3
Nos artisans grossiers rendus industrieux; 4
Et nos voisins frustrés de ces tributs serviles.
Que payait à leur art le luxe de nos villes. 5.
Tantôt je tracerai tes pompeux bâtimens, 6
Du loisir d'un héros nobles amusemens.
J'entends déjà frémir les deux mers étonnées
De voir leurs flots unis aux pieds des Pyrénées.7
Déjà de tous côtés la chicane aux abois
S'enfuit au seul aspect de tes nouvelles lois. 8
Oh! que ta main par là va sauver de pupilles!
Que de savans plaideurs désormais inutiles! 9

La chambre de justice. Boil. 1713. — En 1661. Bross. Les tailles furent diminuées de quatre millions. Boil., 1713. 3 Les soldats employés aux travaux publics. Boil., 1713. 4 Établissement en France des manufactures. Boil., 1713.

et points de France, en 1665; Glaces, en 1666. Bross.

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Gobelins

5 Les vers 141 et 142 sont ceux de Boileau que La Fontaine estimait le plus. (Tome IV, lett. 29 avr. 1695, à Maucroix.)

V.. 1672. Il y avait ensuite ceux-ci (supprimés en 1683):

Oh! que j'aime à les voir, de ta gloire troublés,
Se priver follement du secours de nos blés,

Tandis que nos vaisseaux, partout maîtres des ondes,
Vont enlever pour nous les trésors des deux mondes!

6 Colonnade du Louvre ; palais de Versailles, etc. Bross. tracer les bâtimens pour les décrire; mais on ne dit tracer un pour en tracer les fondemens. Desmarets, 63.

7

Le poète met bâtiment que

Le canal de Languedoc. Boil., 1713 (entrepris en 1665. Bross.).

8 L'ordonnance de 1667. Boil., 1713. — L'évènement a prouvé que ce

que dit Boileau est une fiction poétique.

9 V.. 1672, 1re éd., après le vers 150, il y avait, 1. Ces deux-ci :

Muse, abaisse ta voix : je veux les consoler;

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Qui ne sent point l'effet de tes soins généreux?
L'univers sous ton règne a-t-il des malheureux?
Est-il quelque vertu, dans les glaces de l'Ourse,
Ni dans ces lieux brûlés où le jour prend sa source,
Dont la triste indigence ose encore approcher, 155
Et qu'en foule1 tes dons d'abord n'aillent chercher ?

Et d'un conte, en passant, il faut les régaler.

2. Les vers 41 à 52 de l'épître 11 (fable de l'huître)... 3. Les 18 suivans qui
terminaient l'épître 1.
Boileau retrancha ces 32 vers dans la seconde édi-
tion (1672), par les raisons qu'il donne à l'avis ci-devant, p. 7, ou plutôt
parce qu'il sentait que cette fin de son épître n'était pas en harmonie avec le
commencement: et il leur substitua les 40 beaux vers (151 à 190) qui ter-
minent aujourd'hui l'épître... La seconde épître, dit Brossette, ne fut com-
posée que pour y placer la fable de l'huître, qui faisait partie des vers sup-
primés..

Mais quoi! j'entends déjà quelque austère critique,
Qui trouve en cet endroit la fable un peu comique.
Que veut-il? c'est ainsi qu'Horace dans ses vers,
Souvent délasse Auguste en cent styles divers, *
Et, selon qu'au hasard son caprice l'entraîne,
Tantôt perce
les cieux, tantôt rase la plaine.

Revenous toutefois. Mais par où revenir ?
Grand roi, je m'aperçois qu'il est temps de finir.
C'est assez, il suffit que ma plume fidèle

T'ait fait voir en ces vers quelque essai de mon zèle;

En vain je prétendrais contenter un lecteur

Qui redoute surtout le nom d'admirateur ;

Et souvent, pour raison, oppose à la science
L'invincible dégoût d'une injuste ignorance:
Prêt à juger de tout, comme un jeune marquis
Qui, plein d'un grand savoir chez les dames acquis,
Dédaignant le public que lui seul il attaque,

Va pleurer au Tartufe et rire à l'Andromaque.

La pièce méritait assurément de mieux finır. M. Daunou.

1

Le roi, en 1663, donna des pensions à beaucoup de gens de lettres de

* Il n'est pas vrai qu'Horace aît jamais raillé en vers avec Auguste. Desma

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