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la quintessence, et leur concision lucide brille partout de vérité et de sagesse. Ces génies lumineux ressemblent à deux phares allumés au haut de l'Hélicon, pour éclairer les poètes qu'ils ont devancés. » Cours de littérat., 1817, I, 105.

VIII. « Dans les quatre chants, dit Dussault, d'un poème très court, le législateur du Parnasse français a embrassé toutes les parties de la littérature : non-seulement il a exposé tous les principes de l'art d'écrire, mais il a défini tous les genres, crayonné l'historique de quelques-uns, caractérisé un assez grand nombre de poètes anciens et modernes, esquissé le tableau des révolutions du goût depuis François Ier jusqu'à Louis XIV, et tracé aux auteurs des règles de conduite. On a peine à concevoir comment il a pu renfermer tant de choses dans un cadre si étroit; et cependant cette extrême brièveté ne dérobe rien à la grâce et à l'agrément : l'auteur de l'Art poétique est précis sans être sec; il a su trouver encore dans un espace si plein et si resserré, de la place pour les ornemens... (Dussault donne ici pour exemple le début du chant IV, et fait des observations que nous rapporterons à la note du vers 26.... ensuite il ajoute :) « Je prie qu'on me pardonne cette petite digression sur un de nos écrivains les plus précis, qui a renfermé dans soixante pages plus d'idées qu'on n'en trouve dans les vingt volumes du Cours de littérature (de La Harpe). » Annal. litt., 1818, 1, 276. (Cette dernière remarque est bien exagérée.)

Écoutons à présent des gens de lettres qui ne sont guère partisans de Boileau, Nivernois (Voy. tome I, Observations sur les satires considérées en général, no 111) et surtout Marmontel.

IX. « Dans l'Art poétique, dit le premier, Boileau joint la vérité des images à la solidité des préceptes : il égaie le style didactique par des portraits et des comparaisons. Tout y est sage et ingénieux, juste et fin à-la-fois. Bien des gens semblent vouloir le regarder comme une compilation de l'Art poétique d'Horace ; je ne sais si c'est mauvais goût ou mauvaise foi; mais il me semble nécessaire que l'un ou l'autre ait enfanté cette opinion, Parmi environ douze cents vers qui composent l'Art poétique de Despréaux, il y en a peut-être une cinquantaine d'empruntés ou de

traduits, si l'on veut, d'Horace. Le Tasse en a pris à proportion bien davantage chez Virgile, sans qu'on l'ait accusé d'avoir compilé l’Énéide. D'ailleurs ce n'est pas en cela que consiste la vraie ressemblance des ouvrages; c'est dans l'enchaînement des parties, c'est dans leurs proportions, c'est dans leur emplacement qu'elle se trouverait; mais rien de tout cela n'est pareil chez nos deux poètes. Horace, échauffé d'un feu continuel, ne prend jamais haleine : il se répand comme un torrent sur toutes les matières qu'il traite. Sa course n'est pas réglée; il laisse bien des choses derrière lui, puis il revient sur ses pas. Il ramasse tout, il dit tout, mais avec trop de chaleur pour ne pas blesser la régularité. Il est précis, bref et coupé, peut-être même décousu; mais que ses lambeaux sont précieux! Son ouvrage est un édifice où tous les ordres d'architecture sont mêlés et ne sont pas assez distingués; mais le choix des ornemens fait oublier leur désordre. »

« Despréaux marche toujours l'équerre à la main. Ce n'est pas un conquérant qui pénètre avec une rapidité confiante jusqu'aux extrémités de la terre; c'est un général sage et habile qui va pied à pied, mais sûrement; qui reconnaît, qui prépare tous les chemins avant de s'y engager. Boileau manie avec une adresse extrême l'art si difficile des transitions. Tout est lié, tout forme un total régulier et admirable. Il y a pourtant des gens de beaucoup d'esprit à qui cet ouvrage ne paraît pas encore assez méthodique. N'est-ce pas pousser un peu loin le goût de la méthode? Pour moi, je crois que, s'il y en avait davantage, il y en aurait trop : ce ne serait plus que l'ouvrage d'un régent : tel qu'il est, il me paraît le chef-d'œuvre d'un poète. » Nivernois, Mélang. de littérat., p. 267-269.

X. Marmontel s'exprime ainsi : « Cet ouvrage excellent, l'Art poétique français, fait tout ce qu'on peut attendre d'un poème: il donne une idée précise et lumineuse de tous les genres..... Il définit les divers genres de poésie, à commencer par les petits poèmes; et la plupart de ces définitions sont elles-mêmes des modèles du style, du ton, du coloris qui conviennent à leur objet... Aristote et Horace avaient vu l'art dans la nature; Despréaux me semble ne l'avoir vu que dans l'art même, et ne s'être appli

qué qu'à bien dire ce que l'on savait avant lui: mais il l'a dit le mieux possible, et à ce mérite se joint celui de l'avoir appris à un siècle qui l'ignorait; je parle de la multitude. Quand le goût du public a été formé, la plupart des leçons de Despréaux nous ont dû paraître inutiles; mais c'est grâce à lui-même et à l'attrait qu'il leur a donné que ses idées sont aujourd'hui communes; elles ne: l'étaient pas de son temps... Si le goût de la nation s'est perfectionné, peut-être en est-elle redevable en partie au bon esprit de Despréaux : son Art poétique est depuis un siècle dans les mains des enfans; et pour des raisons que je ne dis pas, il est plus nécessaire que jamais à la génération nouvelle. » — Encyclop., mot poétique (Fontenai, au même mot, copie une grande partie de l'article de Marmontel).

Ces éloges sont d'autant plus remarquables qu'ils semblent être pour ainsi dire arrachés à Marmontel malgré lui, car il les restreint autant qu'il peut, et cela sans s'apercevoir qu'il se contredit dans ses restrictions. Après avoir dit en effet que c'est à la multitude que Boileau a appris les règles de l'art, il ajoute qu'elles n'étaient pas communes de son temps, et il cite pour preuves plusieurs jugemens erronés de Sarrazin, de Segrais et de SaintEvremond. Or, pouvait-il ranger, dans ce qu'il nomme la multitude, des écrivains, alors au premier rang, et dont le dernier passait, ainsi que Marmontel en convient, pour l'arbitre du goût...? Au reste, nous croyons avoir établi (tome I, Essai, n° 63 à 71) que le goût des littérateurs du temps n'était pas moins mauvais que celui de la multitude.

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