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N'admet point en ses vers de tragiques douleurs; 1
Mais son emploi n'est pas d'aller, dans une place,
De mots sales et bas charmer la populace. 2

Il faut que ses acteurs badinent noblement;
Que son nœud bien formé se dénoue aisément;
Que l'action, marchant où la raison la guide,
Ne se perde jamais dans une scène vide;
Que son style humble et doux se relève à
propos;
Que ses discours, partout fertiles en bons mots,
Soient pleins de passions finement maniées, "
Et les scènes toujours l'une à l'autre liées.
Aux dépensR du bon sens gardez de plaisanter :

5

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sur ce que le bas comique de ses farces était nécessaire pour soutenir sa troupe..... La Harpe ( Lycée, II, 83) dit que le reproche de Boileau est fondé, mais il ajoute que dans cette même pièce de Scapin ce qui n'est pas de la farce est bien au-dessus de Térence, et que les scènes imitées du latin sont bien autrement comiques en français... Marmontel (Élém. de littér., II, 177) fait à-peu-près les mêmes réflexions... (On a vu à la note du vers 398, que tel est aussi le sentiment de M. Lemercier).

1 On voit que Boileau avait fait d'avance le procès aux comédies larmoyantes. Le Brun. Horace, Art poét., v. 89.

2

Versibus exponi tragicis res comica non vult.

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Les vers 403 et 404 sont léonins, les hémistiches pas et bas rimant ensemble. Lett. à Men., p. 48; Nasse, p. 139; M. Planche et Le Brun. De mots sales et bas, ajoute celui-ci, sont d'un style aussi par trop trivial (M. de S.-S. trouve rigoureuse cette dernière critique).

3 V. E. Nous rétablissons ici un alinéa, qui est dans toutes les éditions anciennes, et qu'on a supprimé dans les modernes.

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4 Humble ne vaut rien là pour dire bas ou simple. Desmarets, 105. - Il faudrait simple parce que le style de la comédie ne doit être ni humble ni bas. Saint-Marc (la réfutation de cette critique est à la note du vers 5, ch. 11, p. 191).

5 Il fallait dire adroitement maniées; les cas qui demandent de la finesse sont rares... Saint-Marc.

6 Aux dépens est prosaïque surtout dans un poème. Le Brun.

Jamais de la nature il ne faut s'écarter.

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Contemplez de quel air un père dans Térence 1
Vient d'un fils amoureux gourmander 2 l'imprudence;
De quel air cet amant écoute ses leçons,

Et court chez sa maîtresse oublier ces chansons.
Ce n'est pas un portrait, une image semblable;
C'est un amant, un fils, un père véritable. 3
J'aime sur le théâtre un agréable auteur
Qui, sans se diffamer aux yeux du spectateur,
Plaît par la raison seule, et jamais ne`la choque.
Mais pour un faux plaisant, à grossière équivoque,
Qui, pour me divertir, n'a que la saleté,"

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Qu'il s'en aille, s'il veut, sur deux tréteaux monté,
Amusant le Pont-Neuf de ses sornettes fades,

Aux laquais assemblés, jouer ses mascarades.

1 Voyez Simon dans l'Andrienne, et Démée dans les Adelphes. Boil., 1713.

2 Imitat. de B.. Gâcon, épître à Regnard:

Voyez comme Géronte, ardent et l'œil en feu,

Vient gourmander son fils qui perd son bien au jeu:

5 Vers 413 à 420. Supprimés aux Boil. Class. et de la Jeunesse. Critique de Montfleury, auteur de la Femme juge et partie, et autres comédies semblables. Bross.

5 Cela n'est pas français, ce me semble: il faudrait, n'a que de la saleté... Pradon, R., 96.

CHANT IV.

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DANS Florence 1 jadis vivait un médecin,
Savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin.
Lui seul y fit long-temps la publique misère :
Là le fils orphelin lui redemande un père;
Ici le frère pleure un frère empoisonné.
L'un meurt vide de sang, l'autre plein de séné;
Le rhume à son aspect se change en pleurésie,
par lui la migraine est bientôt frénésie.

Et

3

4

Il quitte enfin la ville, en tous lieux détesté.
De tous ses amis morts un seul ami resté *
Le mène en sa maison de superbe structure :
C'était un riche abbé, fou de l'architecture.
Le médecin d'abord semble né dans cet art,
Déjà de bâtimens parle comme Mansart:

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↑ Peut-être Boileau dirait-il aujourd'hui A Florence... Dumarsais, Encyclopéd., mot en.

2 La publique misère est bien, surtout après l'avo fait précéder de lui

seul... Le Brun.

5

Vers 4 et 5. Voltaire ( Henriade, IV, 185) a dit depuis:

Ici la fille en pleurs lui redemande un père;

Là, le frère effrayé pleure au tombeau d'un frère.

Je doute que cela puisse signifier ce que l'auteur a voulu dire. C'est une imitation d'Horace, satire II, livre II, vers 314.

Absentis ranæ pullis vituli pede pressis,

Unus ubi effugit.

Mais il suffit d'observer qu'Horace n'a pas employé le terme de tous, qui se trouve dans le vers de M. Despréaux. Rosel, p. 17; D'Açarq, p. 35.

TOME II.

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D'un salon qu'on élève il condamne la face;

Au vestibule obscur il marque une autre place;
Approuve l'escalier tourné d'autre façon. 1

1

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1 Brossette n'était pas content de cette ellipse tourné d'autre façon.. Boileau répondit entre autres (tome IV, lett. du 2 août 1703), que tout le monde entend que le médecin approuve l'escalier moyennant qu'il soit tourné d'autre manière...

Ellipse heureuse, s'écrie Le Brun; la poésie a sa langue et personne ne l'entendait mieux que Boileau... Clément (Lett. vi, p. 142) et M. Amar font aussi l'éloge de cette ellipse, qu'au contraire MM. Daunou et Planche paraissent trouver un peu forte.

M. Fabre, après avoir remarqué que Boileau a porté la précision au plus haut degré où elle puisse atteindre (épît. v, note du vers 34, p. 58 et 59), ajoute : Qu'on prenne au hasard dans ses poésies, pour en trouver des exemples, on sera presque sûr de ne pas se méprendre. Pour moi j'ai choisi le mien, je l'avoue; c'est celui de tous qu'on a le plus critiqué.

Approuve l'escalier tourné d'autre façon.

Je ne connais point de vers, en aucune langue, qui fasse aussi bien sentir l'avantage de la poésie sur un langage méthodique et timide. Ce vers admirable a dévoré six lignes de prose. « Il approuve que l'escalier soit construit en cet endroit; mais n'approuvant point la façon dont il est tourné, il en indique une nouvelle. » Boileau a dit tout cela, et plus encore; mais c'est ce que n'ont pas vu les critiques; il n'ont pas su traduire la langue du poète; ils n'ont pas su l'entendre, et ils ont dit : cela n'est pas français. Serait-ce donc parce qu'on ne trouve dans le grec ou dans le latin rien d'égal à cette contraction, à cette élision étonnante de mots ? Mais Boileau montre, en vingt autres endroits, combien peut se prêter à la concision la plus rapide cette langue qu'on s'est plu à croire traînante et diffuse. Il eût été plus vrai de dire que le génie a une langue à lui dans quelque idiome qu'il écrive. Et c'est ce qu'on aurait dû voir dans ces vers non moins admirables que l'autre et dont au moins on n'a pas accusé la témérité (satire vIII, vers 177 et 178, tome I):

Mais sans chercher au fond si notre esprit déçu
Sait rien de ce qu'il sait, s'il a jamais rien su.

raison

Ce doute, si l'homme sait rien de ce qu'il sait, est d'ailleurs le trait le plus aigu de la satire philosophique, le plus poignant pour cette pauvre humaine. M. Fabre, Observat. (voy. aussi épît. 1x, note du v. 54, p. 110).

Son ami le conçoit, et mande son maçon.
Le maçon vient, écoute, approuve et se corrige.
Enfin, pour abréger un si plaisant prodige,1
Notre assassin renonce à son art inhumain;
Et désormais, la règle et l'équerre 2 à la main,
Laissant de Galien la science suspecte,3

De méchant médecin devient bon architecte.

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Son exemple est pour nous un précepte excellent. 25 Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent,

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4

1 Pradon, R., p. 96, soutient qu'abréger un prodige pour abréger le récit d'un prodige n'est pas français. Saint-Marc est de cet avis, parce que suivant lui cette expression n'a pas de sens. — Pradon, dit Le Brun, voulait corriger ce vers comme défectueux; Boileau n'aurait pas corrigé les vers de Pradon. M. Daunou, qui pensait d'abord (1809) que la critique de Pradon n'était pas méprisable, s'est borné dans la suite (1825) à la rappeler. M. Amar est du sentiment de Le Brun. Il est bien clair, dit-il, que cela signifie, pour abréger le récit de cette prodigieuse métamorphose d'un médecin en architecte. M. Fontanier donne en substance la même explication que M. Amar, et l'appuie de cet exemple tiré d'un vers de Racine (Athalie, acte V, sc. 6):

Ont conté son enfance au glaive dérobée...

Vers où l'on sous-entend l'histoire de son enfance, et au sujet duquel La Harpe (Édit. de Racine, V, 237) dit : S'il était possible de s'arrêter aux détails... on pourrait faire remarquer toute l'élégance de cette langue poétique, Ont conté son enfance, etc. Enfin M. Planche, tout en avouant que l'ellipse de Boileau est un peu forte, observe qu'elle n'ôte rien à la clarté du vers.

2 V. 1674 à 1713. L'équierre (on ne dit plus qu'équerre).

3 Ce dernier hémistiche est bien dur, et suspecte n'a pent-être été mis que pour la rime. Saint-Marc.

4. Vers 1 à 26. La métamorphose du médecin en architecte désigne Claude Perrault, qui s'en offensa. De quoi se plaint-il ? dit alors Boileau en citant le vers 26, je l'ai fait précepte. Bross. (Boileau parle dans sa 11o Réflexion critique, tome III, des manœuvres de Claude Perrault qui le déterminèrent à faire cette métamorphose).

L'Art poétique, dit M. Daunou (Disc. prélimin., 1809, xxxj, et 1825,

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