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Déjà moins plein de feu, pour animer ma voix,
J'ai besoin du silence et de l'ombre des bois :
Ma muse, qui se plaît dans leurs routes perdues,
Ne saurait plus marcher sur le pavé des rues. 1
Ce n'est que dans ces bois, propres à m'exciter,
Qu'Apollon quelquefois daigne encor m'écouter.
Ne demande donc plus par quelle humeur sauvage 125
Tout l'été, loin de toi, demeurant au village,
J'y passe obstinément les ardeurs du Lion,2
Et montre pour Paris si peu de passion.

C'est à toi, Lamoignon, que le rang, la naissance,
Le mérite éclatant et la haute éloquence
Appellent dans Paris aux sublimes emplois,
Qu'il sied bien d'y veiller pour le maintien des lois.
Tu dois là tous tes soins au bien de ta patrie:
Tu ne t'en peux bannir que l'orphelin ne crie;
Que l'oppresseur ne montre un front audacieux :

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1 Ainsi il préfère les bois aux villes, non comme Horace (liv. II, ép. II, V.77), à cause du tumulte des villes, mais parce qu'il ne peut plus aller à pied dans les rues!.. Il n'y a rien là de poétique. Rosel, p. 11. -La simplicité de l'idée est relevée par l'énergie poétique du vers. Le Brun.

2 Hor., lib., I, ép. x, v. 15. . . ... Ubi gratior aura

Leuiat et rabiem Canis, et momenta Leonis,

Quum semel accepit Solem furibundus acutum ?

Passer les ardeurs du Lion, pour le temps des ardeurs du Lion, ellipse peu élégante. Le Brun.

5 Tu dois là tous tes soins... Tu ne t'en peux, etc. La multiplicité des rend ces vers durs; tu ne peux t'en bannir valait mieux, il me semble, pour la douceur et l'harmonie, que « tu ne t'en peux bannir ». Le Brun. J.-B. Rousseau, ode à Zinzindorf.

Bientôt l'état privé d'une de ses colonnes

Se plaindrait d'un repos qui trahirait le sien;
L'orphelin vous crîrait : Hélas, tu m'abandonnés !
Je perds mon plus ferme soutien.

TOME II.

pour

Et Thémis voir clair a besoin de tes yeux. 1
Mais pour moi, de Paris citoyen inhabile,
Qui ne lui puis fournir qu'un rêveur inutile,
Il me faut du repos, des prés et des forêts.
Laisse-moi donc ici, sous leurs ombrages frais,
Attendre que septembre ait ramené l'automne,
Et que Cérès contente ait fait place à Pomone.
Quand Bacchus comblera de ses nouveaux bienfaits
Le vendangeur ravi de ployer sous le faix,
Aussitôt ton ami, redoutant moins la ville,
T'ira joindre à Paris, pour s'enfuir à Bâville.3
Là, dans le seul loisir que Thémis t'a laissé,
Tu me verras souvent à te suivre empressé,
Pour monter à cheval rappelant mon audace,
Apprenti cavalier galoper sur ta trace."

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1 Vers 132 à 136. Ils expriment les principales fonctions d'un avocat général. Bross. Il est en effet chargé de veiller à la juste application et à l'exécution des lois, d'agir dans les causes de l'état, d'intervenir dans celles des mineurs, de poursuivre les prévenus de délits.

2 L'harmonie imitative se fait sentir dans ce dernier hémistiche. Le Brun. 3 Maison de campagne de M. de Lamoignon. Boil., 1713.

4 Dans le seul, pour pendant le seul : l'usage de la préposition au lieu de l'adverbe, est souvent plus élégant en poésie. Le Brun.

5 V. O. Texte de 1683 à 1701, adopté par Saint-Marc.

Dumonteil et Souchay lisent apprentif, comme à 1713.

Brossette,

Vers 148 à 150. Quel vers latin avec tous ses dactyles est plus léger et plus rapide..? Clément, Obs. crit., 318.

Je ne vois là que trois vers des plus traînans... embarrassés des quatre chevilles suivantes 1. A te suivre empressé... Pour galoper souvent sur les traces d'un homme, il faut être empressé à le suivre... 2. Pour monter à cheval nous explique, en prose vulgaire, qu'avant de galoper l'auteur montait à cheval... 3. Rappelant mon audace: cet autre remplissage ne sert qu'à donner l'idée d'un homme qui tremble en approchant de sa monture... 4. Apprentif cavalier : autre circonstance indifférente... Lenoir-Dulac, Lett., 41. Loin de se jeter dans une semblable critique, M. Amar rappelle la remarque déjà faite, que le

Tantôt sur l'herbe assis, au pied de ces coteaux,
Où Polycrène1 épand ses libérales eaux,
Lamoignon, nous irons 2, libres d'inquiétude,
Discourir des vertus dont tu fais ton étude; 3
Chercher quels sont les biens véritables ou faux,

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Si l'honnête homme en soi doit 5 souffrir des défauts;
Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide,
Ou la vaste science, ou la vertu solide.

temps de galop du cheval était aussi bien exprimé par le mouvement et la cadence du dernier vers, que par celui-ci de Virgile (Énéide, VIII, 596):

Quadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum.

1 Fontaine à une demi-lieue de Bâville, ainsi nommée par feu monsei...Feu gneur le premier président de Lamoignon. Boil., 1683 et 1685. M... Id., 1694 à 1713. eaux. Bross.

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- Ce nom dérivé du grec désigne l'abondance de ses

2 Lamoignon, nous irons... consonnances qui blessent l'oreille par un son désagréable et nasal. Le Brun.

5 Vers 153 et 154. Voltaire (Henriade, I, 201):

Aux humains inconnu, libre d'inquiétude,

C'est là que de lui-même il faisait son étude.

✦ V. O. (par Bross.)... 1683 à 1701. Véritables et faux, cela ne présentait pas assez nettement la pensée de l'auteur. Saint-Marc.

5 Doit est un peu faible, et amollit la pensée. Le Brun. Vers 154 à 156. J.-J. Rousseau (Verger des Charmettes):

Tantôt en méditant dans un profond repos

Les erreurs des humains, et leurs biens et leurs maux.

6 Vers 157 et 158. Pour dire, ou le chemin de la science, ou celui de la vertu; l'ellipse est ici, peut-être, un peu forte. Le Brun. Il me semble que non parce qu'il n'est personne qui ne supplée sur-le-champ les mots sous-entendus.

Vers 153 à 158. Horace, liv. II,

sat. VI,

vers 72.

Quod magis ad nos

Pertinet, et nescire malum est, agitamus: utrumne
Divitiis homines, an sint virtute beati;

C'est ainsi que chez toi tu sauras m'attacher.
Heureux si les fâcheux, prompts à nous y chercher, 160
N'y viennent point semer l'ennuyeuse tristesse!

Car, dans ce grand concours d'hommes de toute espèce,
Que sans cesse à Bâville attire le devoir,

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Au lieu de quatre amis qu'on attendait le soir,
Quelquefois de fâcheux arrivent trois volées,
Qui du parc à l'instant assiègent les allées.
Alors, sauve qui peut : et quatre fois heureux
Qui sait pour s'échapper quelque antre ignoré d'eux! 1

Quidve ad amicitias, usus, rectumve, trahat nos;

Et quæ sit natura boni, summumque quid ejus.

Clément (sat. vii, v. 174) a aussi imité Horace, ou plutôt Boileau.

Nous aimons à chercher des vérités utiles;
Si l'amitié de l'âme est un pur sentiment,
Ou si notre intérêt nous entraîne en aimant,
Si le souverain bien que promet la richesse

Ne se trouve en effet qu'en la seule sagesse.

1 Alors sauve qui peut; expression proverbiale, mais qui n'est pas sans quelque sel dans la circonstance où elle se trouve placée. Le Brun.

ÉPITRE VII.'

A MONSIEUR 2 RACINE.

QUE tu sais bien, Racine, à l'aide d'un acteur, 3
Émouvoir, étonner, ravir un spectateur!

1 On a parlé de l'époque et du but de la composition de l'épître vII, cidev. p. 69, note I et tome I, Essai, no 126 et 150. - Voltaire la cite assez souvent, et en parle toujours avec de grands éloges.

On y admire ces vers heureux mais hardis, ces expressions fières et gẻnéreuses que les Cotin, les Desmarets, les Pradon, les Perrault, s'étaient acharnés à flétrir. Le Brun, OEuv., IV, 324.

Elle est un vrai modèle en ce genre ( des épîtres). Dussault, II, 151 et suiv. ( la suite de cette remarque est aux Observations sur les épitres, no vii, page 4).

Boileau en a disposé les diverses parties avec un art admirable : on en jugera par cette analyse de M. Andrieux ( Journ. polyt., tome IV, 103). 1. Vers 1 à 7. Le poète commence par un éloge du talent de Racine. 2. Vers 7 à 15. Mais le talent ne désarme pas l'envie, au contraire, il l'irrite. 3. Vers 15 à 40. La mort seule met les grands hommes à leur véritable place. Exemple de Molière, mort peu d'années auparavant. — 4. Vers 40 à 46. Racine ne doit donc pas s'étonner s'il a des envieux et des ennemis. - 5. Vers 46 à 71. Mais ces ennemis mêmes sont utiles puisqu'ils font faire au talent de nouveaux efforts et l'engagent à se surpasser lui-même. - 6. Vers 71 à 85. D'ailleurs les clameurs d'une cabale sont impuissantes contre les auteurs et les ouvrages qui ont un véritable mérite. Ceux-ci auront toujours pour eux l'équitable avenir. Phèdre est un de ces ouvrages qui seront loués par la postérité. Eloge de cette tragédie. -7. Vers 85 à 10г. Il faut savoir dédaigner les censeurs injustes et ignorans, et ne desirer les suffrages que des hommes éclairés, tels que, etc. 8. Vers 101 à 106. Quant à la foule grossière qui ne sait priser que de mauvais ouvrages, elle est toute faite pour admirer le savoir de Pradon.

2 Texte de 1683 à 1713.

3 A l'aide d'un acteur n'est pas une belle expression. Il semble qu'on crie

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