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de la politique, de la religion, de l'art, étant rapportées à l'inexplicable supériorité de quelques hommes, il ne restait qu'à admirer sans comprendre, l'histoire était un spectacle infécond, tout au plus une fantasmagorie amusante. Les faits apparaissaient comme individuels et sans généralité, on ne pouvait en dégager des lois, en tirer des inductions.

Quelle est l'influence de l'individu? jusqu'à quel point l'homme mythique, l'homme collectif, l'homme individuel, peuvent-ils être considérés comme expression, comme symbole d'une civilisation, d'une époque? c'est là une question grave. La science, la morale, la religion, y sont engagées. Ce n'est pas dans cette petite préface que nous pouvons traiter ce grand sujet. Peutêtre ailleurs essaierons-nous de dire ce que c'est que symbolisme, de fixer la critique de ce principe dangereux et fécond, d'expliquer comment les deux écoles, symbolique, anti-symbolique, celle qui généralise, celle qui individualise, se combattant, se contrôlant, s'équilibrant l'une l'autre, sont également nécessaires à la science, dont leur balancement fait la vie, comme l'équilibre de la vie commune et de l'individuelle fait la vie de la nature.

Revenons. Le Mémoire biographique de Vico présentera à bien des lecteurs moins d'intérêt que

peut-être ils n'en attendent'. La vie d'un grand inventeur n'est guère que l'histoire de ses idées. Point d'aventures, peu d'anecdotes. Vico ne sortit guère de Naples. Il naquit, il vieillit pauvre, dans les fonctions obscures de l'enseignement; heureux et reconnaissant, lorsque les grands, les gouverneurs espagnols ou autrichiens lui faisaient l'honneur insigne de lui commander un discours, une épitaphe, un épithalame. Qu'un esprit si indépendant ait montré tant de respect et d'admiration pour la puissance, c'est un contraste qui pourra étonner ceux qui ne connaissent pas l'Italie.

Humilité vaniteuse, glorioles académiques, éloges splendides d'une foule d'illustres inconnus: c'est là ce qu'on retrouverait dans la vie de tous les lettrés de cette époque. Au milieu de ces misères, dont il se croit lui-même préoccupé sérieusement, on distingue que sa scule affaire est la poursuite de sa grande idée. Il faut voir comme il partit de loin, comme il gravit péniblement des pieds et des mains l'àpre et solitaire sentier de sa découverte, s'élevant chaque jour à une région inconnue, ne rencontrant nul au

1 Nous reproduisons le discours préliminaire de la première édition sur la vie et les ouvrages de Vico, au risque de répéter quelques détails biographiques qu'on retrouvera dans la Vie de Vico, écrits par lui-même.

VII

tre émule à surpasser que soi-même, se modifiant, et comme dit Dante, transhumanant à mesure qu'il montait; comment enfin, lorsqu'il eut monté, qu'il se retourna et s'assit, il se trouva avoir, en une vie d'homme, escaladé toute une science.

Le malheur, c'est qu'arrivé là, il se trouvait seul; personne ne pouvait plus comprendre. L'originalité des idées, l'étrangeté du langage, l'isolait également. Généralisant ses généralités, formulant, concentrant ses formules, il employait les dernières comme locutions connues. Il lui était arrivé le contraire des Sept dormans. Il avait oublié la langue du passé, et, ne savait plus parler que celle de l'avenir. Mais si c'était alors trop tôt, aujourd'hui peut-être, c'est déjà bien tard. Pour ce grand et malheureux génie, le temps n'est jamais venu.

Vico a eu trop souvent le tort d'effacer sa route à mesure qu'il avançait. De là, l'apparente étrangeté de ses résultats. Cependant sa belle et ingénieuse polémique contre l'école de Descartes, contre l'abus de la méthode géométrique, contre l'esprit critique qui menaçait de sécher et détruire toute littérature, tout art, tout génie d'invention, cette partie négative n'a pas moins d'originalité que l'autre ; elle la prépare et s'y lie étroitement. Dans ses Discours, Vico attaque le

criterium cartésien du sens individuel. Dans l'essai sur l'Unité du principe du droit, dans le petit livre sur la Philosophie des langues, enfin, dans la Science nouvelle, il revendique les droits du sens commun du genre humain. Nous venons de marquer ici le progrès général de sa méthode ; mais combien de vues ingénieuses nous pourrions indiquer dans les détails! Le jugement sur Dante (p. 192), l'appréciation des mérites et des défauts de la langue française (p. 142, 347), les réflexions sur l'éducation (p. 17, 199, 132, 156), si applicables encore aujourd'hui, et si admirables de simplicité et de profondeur, suffiraient pour montrer tout ce qu'il y a de bon sens dans le génie.

DISCOURS

SUR

LE SYSTÈME ET LA VIE DE VICO.

Dans la rapidité du mouvement critique imprimé à la philosophie par Descartes, le public ne pouvait remarquer quiconque restait hors de ce mouvement. Voilà pourquoi le nom de Vico est encore si peu connu en-deçà des Alpes. Pendant que la foule suivait ou combattait la réforme cartésienne, un génie solitaire fondait la philosophie de l'histoire. N'accusons pas l'indifférence des contemporains de Vico; essayons plutôt de l'expliquer, et de montrer que la Science nouvelle n'a été si négligée pendant le dernier siècle, que parce qu'elle s'adressait au nôtre.

Telle est la marche naturelle de l'esprit humain connaître d'abord et ensuite juger, s'éten

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