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quitte le mestier; il nous essaye1 trop pour y durer long temps. Ie lisois, à cette heure, que le roy Cyrus, pour recevoir plus facilement nouvelles de touts les costez de son empire, qui estoit d'une fort grande estendue, feit regarder combien un cheval pouvoit faire de chemin en un iour, tout d'une traicte; et, à cette distance, il establit des hommes qui avoient charge de tenir des chevaulx prests pour en fournir à ceulx qui viendroient vers luy ; et disent aulcuns, que cette vistesse d'aller revient à la mesure du vol des grues.

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Cesar dict que Lucius Vibullius Rufus, ayant haste de porter un advertissement à Pompeius, s'achemina vers luy iour et nuict, changeant de chevaulx, pour faire diligence: 3 et luy mesme, à ce que dict Suetone, faisoit cent milles par iour sur un coche de louage; mais c'estoit un furieux courrier; car, où les rivieres lui trenchoient son chemin, il les franchissoit à la nage, et ne se destournoit du droict, pour aller quérir un pont ou un gué. Tiberius Nero, allant veoir son frere Drusus malade en Allemaigne, feit deux cents milles en vingt quatre heures, ayant trois coches. En la guerre des Romains contre le roy Antiochus, T. Sempronius Gracchus, dict Tite-Live, per dispositos equos prope incredibili celeritate ab Amphissa tertio die Pellam pervenit: et appert, à veoir le lieu, que c'estoient postes assises, non ordonnees freschement pour cette course.

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L'invention de Cecina à r'envoyer des nouvelles à ceulx

1. Il nous fatigue trop. (C.)

2. Dans la Cyropédie de XENOPHON, VIII, 6, 9. (C.)

3. De Bello Civili, III, 14 : « Mutatis ad celeritatem jumentis. » (J. V. L.) 4. Vie de César, ch. LVII. (C.)

5. PLINE, Nat. Hist., VII, 20. (C.)

6. Se rendit en trois jours d'Amphisse à Pella, sur des chevaux de relais, avec une rapidité presque incroyable. (TITE-LIVE, XXXVII, 7.)

de sa maison, avoit bien plus de promptitude : il emporta quand et soy des arondelles, et les relaschoit vers leurs nids quand il vouloit r'envoyer de ses nouvelles, en les teignant de marque de couleur propre à signifier ce qu'il vouloit, selon qu'il avoit concerté avecques les siens.1

Au theatre à Rome, les maistres de famille avoient des pigeons dans leur sein, ausquels ils attachoient des lettres, quand ils vouloient mander quelque chose à leurs gents au logis; et estoient dressez à en rapporter response. D. Brutus en usa, assiegé à Mutine; et aultres, ailleurs.

Au Peru, ils couroient sur les hommes, qui les chargeoient sur les espaules à tout des portoires, par telle agilité, que, tout en courant, les premiers porteurs reiectoient aux seconds leur charge, sans arrester un pas.

l'entends que les Valachi, courriers du grand Seigneur, font des extremes diligences, d'autant qu'ils ont loy de desmonter le premier passant qu'ils treuvent en leur chemin, en lui donnant leur cheval recreu; et que, pour se garder de lasser, ils se serrent à travers le corps bien estroictement d'une bande large, comme font assez d'aultres. le n'ay trouvé nul seiour3 à cet usage.

CHAPITRE XXIII.

DES MAUVAIS MOYENS EMPLOYÉS A BONNE FIN.

Il se treuve une merveilleuse relation et correspondance en cette universelle police des ouvrages de nature, qui

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montre bien qu'elle n'est ny fortuite, ny conduicte par divers maistres. Les maladies et conditions de nos corps se veoient aussi aux estats et polices : les royaumes, les republiques naissent, fleurissent, et fanissent de vieillesse, comme nous. Nous sommes subiects à une repletion d'humeurs, inutile et nuysible; soit de bonnes humeurs (car cela mesme les medecins le craignent; et, parce qu'il n'y a rien de stable chez nous, ils disent que la perfection de santé trop alaigre et vigoreuse, il nous la fault essimer1 et rabattre par art, de peur que nostre nature, ne se pouvant rasseoir en nulle certaine place, et n'ayant plus où monter pour s'ameliorer, ne se recule en arriere en desordre et trop à coup; ils ordonnent pour cela aux athletes les purgations et les saignees, pour leur soustraire cette superabondance de santé); soit repletion de mauvaises humeurs, qui est l'ordinaire cause des maladies. De semblable repletion se veoient les estats souvent malades, et a lon accoustumé d'user de diverses sortes de purgation. Tantost on donne congé à une grande multitude de familles, pour en descharger le païs, lesquelles vont chercher ailleurs où s'accommoder aux despens d'aultruy : de cette façon nos anciens Francons, partis du fond d'Allemaigne, veindrent se saisir de la Gaule et en deschasser les premiers habitants; ainsi se forgea cette infinie maree d'hommes, qui s'escoula en Italie sous Brennus et aultres; ainsi les Goths et Vandales, comme aussi les peuples qui possedent à

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1. Essaimer, tailler comme un essaim, amaigrir, diminuer. (E. J.)

2. Marée veut dire ici foule. Ce mot ne se trouve point en ce sens-là dans nos vieux Dictionnaires. Il répond, en quelque manière, à celui de flot, fort usité pour signaler quantité, multitude, comme dans ces vers de Boileau :

Cotin, à ses sermons traînant toute la terre,

Fend les flots d'auditeurs pour aller à sa chaire.
(C.)

present la Grece, abandonnerent leur naturel païs pour s'aller loger ailleurs plus au large; et à peine est il deux ou trois coings au monde qui n'ayent senti l'effect d'un tel remuement. Les Romains bastissoient par ce moyen leurs colonies; car sentants leur ville se grossir oultre mesure, ils la deschargeoient du peuple moins necessaire, et l'envoyoient habiter et cultiver les terres par eulx conquises: par fois aussi ils ont à escient nourry des guerres avec aulcuns de leurs ennemis, non seulement pour tenir leurs hommes en haleine, de peur que l'oysifveté, mere de corruption, ne leur apportast quelque pire inconvenient,

Et patimur longæ pacis mala; sævior armis

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mais aussi pour servir de saignee à leur republique, et esventer un peu la chaleur trop vehemente de leur ieunesse, escourter et esclaircir le branchage de ce tige foisonnant en trop de gaillardise; à cet effect se sont ils aultrefois servis de la guerre contre les Carthaginois.

Au traité de Bretigny, Edouard troisiesme, roi d'Angleterre, ne voulut comprendre, en cette paix generale qu'il feit avec nostre roy, le differend du duché de Bretaigne, afin qu'il eust où se descharger de ses hommes de guerre, et que cette foule d'Anglois, dequoy il s'estoit servy aux affaires de deça, ne se reiectast en Angleterre. Ce feut l'une des raisons pourquoy nostre roy Philippe

1. Nous subissons les maux inséparables d'une trop longue paix; plus terrible que les armes, le luxe nous a domptés. (Juvénal, VI, 291.)

2. Voy. FROISSART, t. Ier, ch. ccxIII: « Et mieulx valoit, dit-il, et plus proufitable estoit, que ces guerroyeurs et pilleurs se retirassent en la duché de Bretaigne (qui est un des gras pais du monde, et bon pour tenir gents d'armes), que qu'ils viensissent en Angleterre; car leur pais en pourroit estre perdu et robé. (C.)

consentit d'envoyer lean son fils à la guerre d'oultremer, afin d'emmener quand et luy un grand nombre de ieunesse bouillante qui estoit en sa gendarmerie.

Il y en a plusieurs en ce temps qui discourent de pareille façon, souhaitants que cette esmotion chaleureuse, qui est parmy nous, se peust deriver à quelque guerre voisine, de peur que ces humeurs peccantes qui dominent pour cette heure nostre corps, si on ne les escoule ailleurs, maintiennent nostre fiebvre tousiours en force, et apportent enfin nostre entiere ruyne et de vray, une guerre estrangiere est un mal bien plus doulx que la civile. Mais ie ne crois pas que Dieu favorisast une si iniuste entreprinse, d'offenser et quereller aultruy pour nostre commodité.

Nil mihi tam valde placeat, Rhamnusia virgo,
Quod temere invitis suscipiatur heris.1

Toutesfois la foiblesse de nostre condition nous poulse souvent à cette necessité, de nous servir de mauvais moyens pour une bonne fin Lycurgus, le plus vertueux et parfaict legislateur qui feust oncques, inventa cette tresiniuste façon, pour instruire son peuple à la temperance, de faire enyvrer par force les Elotes qui estoient leurs serfs, à fin qu'en les veoyant ainsi perdus et ensepvelis dans le vin, les Spartiates prinsent en horreur le desbordement de ce vice. Ceulx là avoient encores plus de tort, qui permettoient anciennement que les criminels, à quelque sorte de mort qu'ils feussent condamnez, feussent deschirez tout vifs par les medecins, pour y veoir au naturel nos parties

1. O puissante Némésis! puissé-je ne jamais rien désirer si vivement, que j'entreprenne de l'avoir malgré les légitimes possesseurs! (CATULLE, LXVIII, 77.)

2. PLUTARQUE, Lycurgue, ch. xxi. (C.)

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