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« Les premiers de leur tems dans le premier des arts, « Ces mortels inspirés appellent tes regards. <«< L'harmonieux Lucrèce, élève d'Épicure,

<< Chante en vers immortels l'immortelle nature; « Ovide, en vers plus doux, et sans peine enfantés, « Des fables de la Grèce embellit les beautés;

« Sublime sans orgueil, enjoué sans délire,

<< Horace à tous les tons soumet sa docte lyre; <«< Et Virgile, aux bergers, aux descendans des dieux, « Consacre tour à tour ses chants mélodieux. <«< De la plaine olympique et des bois de Némée « Pindare élève aux cieux la poussière enflammée;

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Euripide et Sophocle, en vers mouillés de pleurs,

« Des tragiques héros illustrent les malheurs;
« Et Ménandre, épurant l'autre scène avilie,
<«< Sourit à la Sagesse en peignant la Folie.
<<< Parmi ces vrais talens, rivaux et non jaloux,
« Contemple ce vieillard, qui les surpasse tous.
Une envieuse nuit a fermé sa paupière;

« Mais son âme reçoit et répand la lumière;
« Son front large et pensif, par les ans sillonné,
«S'élève de lauriers et de feux couronné;

« C'est Homère. Aux héros, aux poètes, aux sages,

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Il chante encor ses vers, il dicte ses ouvrages:

« D'un art qu'il inventa modèles éclatans,

Rajeunis tous les jours par les rides du tems.

ESSAI

SUR

LES PRINCIPES DES ARTS.

POÈME.

CHANT PREMIER.

J'EXPOSE dans mes vers les principes des arts.
Toi, dont la France obtint les propices regards,
Par qui la Grèce et Rome ont produit des miracles,
Apollon! Dieu du jour, Dieu qui rends les oracles,
Qui, de rayons couvert, et tenant l'arc vengeur
Sous qui du noir Python succomba la fureur,
Guides le vol hardi de ce coursier rapide
Dont le pied fit jaillir la source Aganipide,
Daigne inspirer ma voix! Et vous, pudiques Sœurs,
Muses! de vos accords prêtez-moi les douceurs;
Laissez-moi d'Hélicon parcourir les ombrages,
Où, ceintes de lauriers, sous l'abri des bocages,
Vous formez en dansant ces chants mélodieux

OEuvres posthumes. II.

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Qui montent vers l'Olympe, et vont charmer les Dieux.
Je vous implore aussi, Grâces enchanteresses!
Vous égayez le chœur des neuf chastes Déesses;
De vos jeux élégans vous ornez leurs concerts.
Eh! que seraient sans vous et le chant et les vers?
Donnez-moi ce talent dont l'heureuse souplesse
S'élève avec vigueur, descend avec noblesse,
Sait badiner, instruire, émouvoir, raisonner,
Et prendre tous les tons sans jamais détonner.

Les arts n'ont qu'un objet: d'imiter la nature;
Poésie, Éloquence, et Musique, et Peinture,
Marchent au même but par des sentiers divers.
Mais, comme ils sont voisins, un esprit de travers
De les confondre ensemble a souvent la manie,
Et voit dans ses écarts les élans du génie.
En vain le mauvais goût s'empresse d'applaudir:
Dénaturer les arts n'est pas les agrandir.

Ainsi qu'aux vers bien faits, il faut à l'éloquence
Les sons harmonieux, le nombre, la cadence,
Les termes enrichis d'un sens plus étendu,
Des termes rapprochés l'hymen inattendu,
Ces tours, ces mouvemens, ces figures pressées,
Qui font agir les mots et peignent les pensées.
Bossuet, Fénélon, leur devancier Pascal,
Buffon leur successeur, et Rousseau leur égal,
Des lecteurs délicats méritant les suffrages,

De ces trésors du style ont paré leurs ouvrages; Mais vous n'y trouvez pas tout ce pompeux jargon, Tous ces lambeaux de vers sans rime et sans raison, Tous ces ornemens faux, nés quand le goût s'éclipse, Sublime d'Alcoran, beautés d'Apocalypse,

Que vont semant partout ces charlatans nouveaux Dont Bélise et Tartufe encensent les tréteaux.

Quelques gens semblent croire aux poëmes en prose:
Ils ont tort; et le mot ne change point la chose.
A quoi bon, mes amis, défigurer vos pas?
Vous marchez mal, d'accord; mais vous ne dansez pas.
Si l'auteur que tourmente une verve indiscrète,
Faisant des vers sans grâce, est un méchant poète,
Sous le nom de poète il se déguise en vain,
Lorsqu'il ne peut des vers atteindre l'art divin.
Réduisons chaque terme à sa valeur réelle:
On dit, Homère est peintre; est-il rival d'Apelle?
Sophocle est éloquent; devient-il orateur?
Des mots harmonieux un usage enchanteur
Fait-il que Cicéron ait la lyre d'Horace?

Des tableaux pleins de feu, de couleur, et d'audace,
Du sévère Tacite animent les écrits;

Est-ce un poète épique? Ou veut-on qu'aux récits Avec son merveilleux la fable soit mêlée;

Et faut-il de ce titre honorer Apulée ?

Non; mais au merveilleux notre style répond; Nous avons du poëme et la force et le fond:

Héros, fable, récit, épisodes, prodiges.

-Soit; l'intérêt vous manque; entassez les prestiges;
Aux dieux du Panthéon joignez la Fleur des Saints.
Osez même, appauvris par de nombreux larcins,
Habiller de centons votre prose guindée,

Où tout veut être image, où rien n'offre une idée;
Au Parnasse français on n'assure ses droits
Qu'avec cet art qui chante et qui peint à-la-fois,
Qui sait dans les esprits graver ce qu'il exprime,
Qui fait servir au sens la mesure et la rime,
Voit de brillans appuis où vous voyez des fers,
Et pare la raison du charme des beaux vers.

Du Prélat de Cambrai quand la douce sagesse
De son royal élève instruisait la jeunesse,
Par Homère et Sophocle il était inspiré;

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Il avait leur pinceau, mais non leur chant sacré.
Télémaque, où partout brille un talent suprême,
Est un chef-d'œuvre en prose et n'est pas un poëme;
L'auteur n'avait point dit : Je chante ce héros.
La Mothe un peu plus tard vint abuser des mots.
La Mothe, en vers très-durs estropiant Homère,
Écourta l'Iliade en un trop long sommaire;
Dans le lit de Procuste il osa mutiler
Celui qu'aucun rival ne pouvait égaler;
Et son aridité, du sublime ennemie,
Fit du géant du Pinde un nain d'académie.
Honni par le public, il cessa de rimer;

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