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Ainsi, parmi les fleurs d'Homère et de Lucrèce,
S'enrichissait Virgile, abeille enchanteresse;

Ainsi Rousseau, Malherbe, et Pope, et Despréaux,
Sur les accords d'Horace ont fait des chants nouveaux;
Et Racine, éveillant les tragiques alarmes,
Fut vainqueur d'Euripide, en lui volant ses armes.
Ne vous tourmentez point du scrupule insensé
De ne penser jamais ce qu'un autre a pensé :
Ils ont tous imité; je veux qu'on les imite.
Mais craignez toutefois de passer la limite:
Ne devenez point eux. Pour être leur égal,
Même en les imitant, soyez original.

Loin de moi cet auteur à l'oubli condamné,
D'un stupide engoûment héros momentané!
La faveur de son siècle est tout ce qu'il adore.
Il faut plaire à son siècle; et ce n'est rien encore.
Pour vivre célébré dans un long souvenir,
Redoutez le présent, le passé, l'avenir.

Redoutez, non ces cris, non ces langues ingrates,
De tous les Apollons ces impurs Érostrates;
D'autres mortels sont faits pour juger vos travaux:
Voyez toujours Homère et ses nobles rivaux;
Les chantres de Didon, d'Herminie et d'Alcine,
Et Corneille, et Sophocle, et ce divin Racine;
Ceux qui de votre tems ont pu leur ressembler;

Et ceux qui, quelque jour, les doivent égaler.
Entendez de leurs yeux le langage sévère;

Corrigez, effacez ce qui peut leur déplaire,

Tous les vers, tous les mots, dont ils seraient honteux; Et, plein de leur génie, écrivez devant eux.

Un succès suffira, s'il est fondé surtout;

Et vous verrez bientôt pleuvoir au nom du goût
Quelque libelle heureux, quelque honnête satire,
Chefs-d'œuvre que l'on croit, et même sans les lire;
Journaux, et petits vers dans les journaux loués,
Oracles du public, et du public hués;
D'une ignorante haine enfantemens stériles.
Lisez pourtant, lisez nos modernes Zoïles :
Les Frérons, les Auberts, et jusques aux Charnois.
A leur fatras stupide on les a vus parfois
Mêler, sans y songer, une docte parole.
Certain troupeau d'oisons sauva le Capitole;
Ne l'oubliez jamais; et, pour bien des raisons,
Prêtez toujours l'oreille aux clameurs des oisons.
De Valère et d'Hector supportez l'ignorance,
Ou bien de quelque Agnès la naïve impudence.
Est-il bien vrai? Lisette, après avoir quitté
Les bras d'un sot amant qui paya sa beauté,
Juge en dernier ressort Idamé, Pénélope!
A peine hors du sac où Scapin l'enveloppe,
Géronte, encor tremblant, flétri sous le bâton,

Cite à son tribunal Mithridate ou Caton!

Si quelque bon esprit, sans fard, sans complaisance, De l'étrange sénat prêchait l'insuffisance,

Mon dieu! lui dirait-on, c'est prendre un vain souci:
Du tems de Pellegrin cela s'est fait ainsi;

C'est la loi, c'est l'usage: il y faut satisfaire;
Et Poisson décidait des talens de Voltaire.

Dans le calme des nuits, toi, que la gloire éveille,
Qui, brûlant d'égaler et Racine et Corneille,
Médites à loisir de durables succès!

A peine tu verras, au gré de tes souhaits,
Tes efforts couronnés et ta muse applaudie;
Bientôt, n'en doute pas, l'ignoble Parodie
Va lancer contre toi ses traits mal aiguisés;
Railler tes plus beaux vers platement déguisés;
Odieux instrument des fureurs de l'envie,
Peut-être déchirer ta personne et ta vie;
Te noircir des venins de sa malignité,
Ou t'insulter encore avec aménité.

Dans son flegme important, qu'un autre aille te dire
Que de ces jeux malins, le premier, tu dois rire;
Crois-moi ne ris jamais d'insipides bons mots;
Mais ne t'en fâche point, et méprise les sots.

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DÉBUT

D'UN

POËME SUR LA NATURE.

DE L'HOMME ET DES CHOSES.

QUAND de la Liberté le bienfaisant génie

Ranime par degrés la France rajeunie,

Et, couronnant de fleurs nos sacrés étendards, Sur l'aile de la Paix ramène les beaux-arts, J'abandonne un moment la Melpomène antique, Et je chante aujourd'hui, sur le ton didactique, L'homme inculte et sauvage, isolé dans les bois; L'homme civilisé, cherchant l'appui des lois.

Ignorant, mais sensible en commençant la vie,
L'homme enfin s'est connu par la philosophie.
Elle a décrédité les pieuses erreurs;

Sur les besoins de tous elle a fondé les mœurs;
Elle a créé des lois le joug utile et sage;
Des sciences, des arts, elle a réglé l'usage;
Et son heureux empire, affermi sans retour,
Malgré les imposteurs s'étendra chaque jour.
CEnvres posthumes. II.

14

Fille de la Nature, ô Vierge tutélaire,
Raison! que ton flambeau me dirige et m'éclaire;
Et si, dès mon enfance amoureux de tes lois,
Je me laissai conduire aux accens de ta voix,
Fais passer dans mes mains la lyre enchanteresse
Que ton disciple Pope hérita de Lucrèce,
Et qui, du grand Voltaire animant les travaux,
Lui dut des sons plus doux et des accords nouveaux.
Viens, chante, inspire-moi; seconde mon courage;
Sois libre des tyrans je ne crains point la rage.
Trop de chantres fameux, abusant l'univers,
De leur but véritable ont détourné les vers:
L'aveugle des Anglais qui, dans sa docte ivresse,
A souvent égalé l'aveugle de la Grèce,
Milton, sut rajeunir, en ses chants admirés,
De l'antique Israël les mystères sacrés;
Milton d'un pur éclat en orna la peinture;
Il puisa ses couleurs au sein de la nature;
Son nom, perçant la nuit de l'immense avenir,
Vivra chez les humains dans un long souvenir;
Mais je veux, dédaignant tout fabuleux langage,
Par un autre océan tendre au même rivage.

Principe des vertus, mère des grands exploits,
Puissante Liberté! viens animer ma voix.

Tes autels sont détruits dans la Grèce et dans Rome.
Premier bienfait des cieux, premier besoin de l'homme,
Guide du citoyen, du chantre et du guerrier,

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