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De tant d'originaux peins-nous l'extravagance:
Peins-nous ce financier qui, bouffi d'arrogance,
Et toujours du génie insolent détracteur,
Fut toujours des Cotins l'engoué protecteur;
Ose même à nos yeux tracer un Lovelace,
Ses replis, sa noirceur, son courage, sa grâce,
Sur un cœur innocent tous ses coupables droits,
Ses vices, ses vertus plus funestes cent fois;
Offre-nous, si tu veux, l'image d'Artenice,
Très-habile à former la jeunesse novice,
Et qui, parfois modeste, abandonnant la cour,
D'un héros de coulisse a recherché l'amour;
Peins-nous ce magistrat dont l'injuste balance
Au souris d'une belle a vendu l'innocence;
Ce ministre ignorant, de pièges entouré,
Et de ses vils flatteurs se croyant adoré,
Des caprices d'un roi quand devenu victime
Leur troupe scélérate et l'insulte et l'opprime.
Oui, voilà, cher ami, jusqu'où l'on peut oser,
Les traits que tes pinceaux se doivent proposer.
Qui peut les effrayer? Va, laisse l'ignorance,
Les esclaves, les sots, crier à l'insolence;
Instruire et corriger: voilà le digne emploi,
Le vrai but de Thalie et son unique loi,
Mais de se démentir ta Muse est incapable:
Tu n'iras point, armé d'une audace coupable,
Imiter aujourd'hui ces peintres détestés
Dont le crayon menteur en éclats effrontés
De Thalie a changé le gracieux sourire,

Et fait d'une déesse un impudent satyre.
Ta Muse, Palissot, condamnant ces excès,
Sur un meilleur appui fondera ses succès.
Au joug de la vertu long-tems accoutumée,
Ta Muse ne saurait trahir sa renommée,
Et, soutenant toujours les mœurs, la vérité,
Arrivera sans tache à la postérité.

Reparais, et déjà tes prétendus émules
Ont vu s'anéantir leurs palmes ridicules;

A tes premiers rayons, ces astres d'un instant
Dans l'éternelle nuit vont se précipitant.
La scène étale encore une splendeur nouvelle;
Thalie, en ce beau jour, plus riante et plus belle,
Renaît, et par toi seul, ami, se voit rendus
Ses destins, qu'à jamais elle croyait perdus.

Ainsi, dès

que la Nuit, de ses voiles funèbres,
Dans les cieux rembrunis a semé les ténèbres,
Soudain, au fond des bois, de leurs affreux concerts,
Les sinistres hiboux épouvantent les airs.

Les voilà désormais rois des célestes plaines;
Mais, sitôt que, perçant les ombres incertaines,
Loin des bras de Tithon, l'Aurore de ses feux
A rougi de l'Ida les sommets sourcilleux,
Par un cri souverain saluant la lumière,
L'aigle d'un vol hardi rentre dans la carrière;
Tout fuit; et, déplorant son empire détruit,
Le monstrueux essaim redemande la nuit.

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ÉPITRE

A MÉHUL..

DU POUVOIR DE LA MUSIQUE.

I

MÉHUL, à Polymnie en naissant consacré,
Élève et successeur de ce chantre admiré 1
Qui, docte et varié, modula sur sa lyre
Du fils d'Agamemnon le tragique délire,
D'Alceste à son époux les funèbres adieux,
Et d'Orphée aux enfers les pleurs mélodieux!
Satisfait d'embellir les deux scènes lyriques,
Laisse, dans leurs accès lourdement satiriques,
Des sophistes glacés et d'orgueilleux censeurs
Décrier de ton art les utiles douceurs.
Entends-tu Mévius, régent par habitude;
Damon, sot par nature, et plus sot par étude,
Ennuyer l'auditoire en parlant du plaisir?
C'est un enfant ailé qu'ils ne pourront saisir.
L'ami des arts jouit quand le pédant raisonne;
Par un souffle ennemi le plaisir s'empoisonne ;
Et l'envie, épanchant ses venins odieux,

1. Gluck.

Corrompt ce pur nectar préparé pour les dieux.
Les beaux-arts ont l'éclat et le parfum des roses.
Vois-les dans nos jardins nouvellement écloses:
De leur suc odorant l'abeille se nourrit;
Le venimeux reptile en passant les flétrit.

Mais, entre ces beaux-arts, enfantés par la Grèce,
Et formant d'Apollon la cour enchanteresse,
La musique, Méhul, par des effets puissans,
Du charme le plus sûr sait enivrer nos sens.
Arion, sur les flots, va céder à l'orage:
Secouru par sa lyre, il échappe au naufrage.
Vois Amphion peupler un sol inhabité :

Il fait marcher la pierre, et fonde une cité.
Orphée, aux bords de l'Ebre allant cacher sa vie,
Pleurant son Euridice, hélas! deux fois ravie,

Le long du fleuve, en pleurs, traîne ses longs regrets,
Et les monstres émus, et les tristes forêts.

Quel mystère est caché sous ces voiles aimables?
La poétique Grèce, inventrice des fables,
Voulut par ces récits nous faire concevoir
D'un art délicieux le magique pouvoir.

Dans les cieux, aux enfers, il étend ses conquêtes.
Quelquefois de la mort il embellit les fêtes:
Harmonieux Gossec, lorsque ta lyre en deuil,
De l'auteur de Mérope escortait le cercueil,
On entendait au loin, dans l'horreur des ténèbres,

Les accords prolongés des trombones funèbres,
La timbale voilée aux sombres roulemens,

Et du timbre chinois les tristes hurlemens.

Mais cherchons la gaîté sur ces charmantes rives
Où le front de Thétis est couronné d'olives...
Dans le calme des cieux et des vents et des flots,
Sur les mers de Marseille on voit les matelots
Revoler en chantant des bords où fut la Grèce;
Le tambourin du port appelle l'allégresse;
Le brillant galoubet vient égayer les airs;
Et la danse folâtre est jointe aux doux concerts.
Sous les vallons ombreux quel pasteur fait entendre
Les soupirs de la flûte harmonieuse et tendre?
Il module l'espoir, la crainte, le désir;
De ses doigts amoureux découle le plaisir.
Plus loin le cerf bondit; les chasseurs applaudissent;
Du cri joyeux des chiens les échos retentissent;
Le cor, aux fiers accens, étonne les forêts;
Diane, un arc en main, déjà lance ses traits;
Endymion la suit; l'Aurore matinale

S'éveille en souriant à la voix de Céphale.

Si Pan de la Sicile instruisit les bergers

A cadencer un chant sur des pipeaux légers,

Aux monts de l'Appenzel, dans les bois helvétiques, Il enfla le premier les musettes rustiques:

Là, quand le vent du soir agite les ormeaux,

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