Corrompt ce pur nectar préparé pour les dieux. Les beaux-arts ont l'éclat et le parfum des roses. Vois-les dans nos jardins nouvellement écloses: De leur suc odorant l'abeille se nourrit; Le venimeux reptile en passant les flétrit.
Mais, entre ces beaux-arts, enfantés par la Grèce, Et formant d'Apollon la cour enchanteresse, La musique, Méhul, par des effets puissans, Du charme le plus sûr sait enivrer nos sens. Arion, sur les flots, va céder à l'orage: Secouru par sa lyre, il échappe au naufrage. Vois Amphion peupler un sol inhabité: Il fait marcher la pierre, et fonde une cité. Orphée, aux bords de l'Ebre allant cacher sa vie, Pleurant son Euridice, hélas! deux fois ravie, Le long du fleuve, en pleurs, traîne ses longs regrets, Et les monstres émus, et les tristes forêts. Quel mystère est caché sous ces voiles aimables? La poétique Grèce, inventrice des fables, Voulut par ces récits nous faire concevoir D'un art délicieux le magique pouvoir.
Dans les cieux, aux enfers, il étend ses conquêtes. Quelquefois de la mort il embellit les fêtes: Harmonieux Gossec, lorsque ta lyre en deuil, De l'auteur de Mérope escortait le cercueil, On entendait au loin, dans l'horreur des ténèbres,
Les accords prolongés des trombones funèbres, La timbale voilée aux sombres roulemens, Et du timbre chinois les tristes hurlemens.
Mais cherchons la gaîté sur ces charmantes rives Où le front de Thétis est couronné d'olives... Dans le calme des cieux et des vents et des flots, Sur les mers de Marseille on voit les matelots Revoler en chantant des bords où fut la Grèce; Le tambourin du port appelle l'allégresse; Le brillant galoubet vient égayer les airs;
Et la danse folâtre est jointe aux doux concerts. Sous les vallons ombreux quel pasteur fait entendre Les soupirs de la flûte harmonieuse et tendre? Il module l'espoir, la crainte, le désir;
De ses doigts amoureux découle le plaisir. Plus loin le cerf bondit; les chasseurs applaudissent; Du cri joyeux des chiens les échos retentissent; Le cor, aux fiers accens, étonne les forêts; Diane, un arc en main, déjà lance ses traits; Endymion la suit; l'Aurore matinale
S'éveille en souriant à la voix de Céphale.
Si Pan de la Sicile instruisit les bergers
A cadencer un chant sur des pipeaux légers,
Aux monts de l'Appenzel, dans les bois helvétiques, Il enfla le premier les musettes rustiques:
Là, quand le vent du soir agite les ormeaux,
Quand la reine des nuits brille entre les rameaux, Du rantz accoutumé les notes languissantes Rappellent au bercail les vaches mugissantes.
N peut laisser en paix des rimeurs innocens Dont la muse inconnue outrage le bon sens :
(
Qu'un Ferlus, qui végète aux marais du Parnasse,
<< Pense atteindre le vol de Lucrèce et d'Horace;
«
Qu'en écrivant aux sots Despaze, dans l'accès,
« Braille ses vers gascons qu'il croit des vers français;
«<
Qu'un Balourd-Lormian, ridicule Pygmée,
<<< Travestisse le Tasse en prose mal rimée;
<«< Tous ces fils de Cotin, plus décriés que lui, «< Des mépris du public se vengent par l'ennui. » Mais, des mœurs et du goût s'ils se disent arbitres, Du tribunal burlesque on veut savoir les titres. Qui ne rirait de voir un Zoïle, irrité, Nous demander raison de son obscurité,
Et, ne prévoyant pas les dégoûts qu'il s'attire, Armer sa faible main du fouet de la satire? Quelques censeurs, bravant d'orageuses rumeurs, Contre le vice altier défendirent les mœurs;
1. Ce passage a été écrit lorsque M. Baour Lormian publia sa première traduction de la Jérusalem délivrée.
Mais l'austère vertu recommandait leur vie. En des vers généreux s'ils attaquaient l'envie, Ils savaient rendre hommage au mérite envié; Et, s'ils vengeaient le goût trop souvent oublié, Chacun de leurs écrits au goût toujours fidèle, En donnant la leçon présentait le modèle. Dans la Grèce autrefois, sur la scène étalés, Socrate et Périclès, en public immolés, Étaient livrés aux ris d'une foule profane. Si l'envie inspirait les vers d'Aristophane, La vengeance dicta, dans ses fougueux élans, D'Archiloque en fureur les ïambes sanglans. Chez les Romains bientôt, sous la plume d'Horace, La satire, unissant la vigueur et la grâce, Sans préparer l'exil, sans verser le poison, D'un utile enjoûment vint orner la raison. Fort, mais avec douceur, précis quoique facile, Ce poète élégant, le vainqueur de Lucile, Animant un vers pur du feu de ses bons mots, Fut chéri des talens et redouté des sots. Aux stoïques leçons quand sa muse exercée Prouve que la sottise est toujours insensée, Que l'homme n'est jamais content de ses destins; Quand de Nasidiénus il décrit les festins,
De Nasidiénus s'il décrit les festins,
D'avides héritiers s'il nous peint la bassesse.
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