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L'enjoûment de Boileau, l'urbanité d'Horace?
Ou, de Perse imitant l'utile obscurité,
Faire au milieu du Louvre entrer la vérité?
Les tems sont différens; les sottises pareilles.
Midas, bon roi Midas, qui n'a pas tes oreilles?
Voyez dans ce lycée un bataillon d'auteurs,
L'un de l'autre envieux, l'un de l'autre flatteurs :
Devant Léontium Sapho lit ses ouvrages;
Là, de vieux écoliers se vendent leurs suffrages.
Ces nains, rétrécissant la scène des Français,
Ont un grand amour-propre et de petits succès;
Ils chantent le triomphe, et manquent la victoire;
Recherchent la louange, et négligent la gloire;
Molières d'un boudoir, Sophocles d'un salon,
Parlent à cinquante ans de leur jeune Apollon;
Et, lassant le public d'une longue espérance,
Dans les journaux qu'ils font sont l'honneur de la France.
Laissons-leur ces plaisirs. De plus sombres tableaux
Pourraient de Juvénal exercer les pinceaux:

Il n'est plus de patrie, et la France fut libre;
Des droits et du pouvoir l'imposant équilibre
Par le poids d'un seul homme est désormais rompu.
Le fer a tout conquis; l'or a tout corrompu;
Aux esclaves de cour la tribune est livrée;
La flatterie impure, arborant la livrée,
Siége dans le conseil, élit les sénateurs,
Fait les tribuns du peuple et les législateurs;
Et, quand des citoyens l'élite gémissante

Célèbre dans le deuil la République absente,
De scandaleuses voix, que hait la liberté,
Aux jeux républicains chantent la royauté 1.
Voltaire est au cercueil, et les Welches renaissent;
Du fanatisme ardent les cent têtes se dressent;
A régner par le glaive il n'a pas renoncé;
Et le nom d'hérétique est déjà prononcé.
On nous promet bientôt d'aimables dragonnades,
Un bel auto-da-fé, de charmantes croisades.
Dans le fond d'un boudoir, en chapelle érigé,
C'est en enfant Jésus que l'Amour est changé.
Cidalise, infidèle à la philosophie,

Dévote pour deux jours, coquette pour la vie,
Convertit les amans qu'elle eût damnés jadis;
Satan s'est fait ermite, et rentre au paradis;
Les nouveaux partisans des gothiques usages,
Pour le dieu des cagots quittant le dieu des sages,
Sur des tréteaux sacrés prêchent le genre humain;
Et je vois l'athéisme un rosaire à la main.

Malheur au bon esprit dont la pensée altière
D'un cœur indépendant s'élance tout entière;
Qui respire un air libre, et jamais n'applaudit
Au despotisme en vogue, à l'erreur en crédit!
Mais heureux le grimaud qui de la servitude

1. Ces vers paraissent avoir été composés à l'époque où l'auteur fut exclu du tribunat.

Contracta, jeune encor, la docile habitude!
Écrit-il sur les lois? c'est plus que Montesquieu;
Fait-il des vers galans? c'est Gresset ou Chaulieu;
Fût-il un vrai Cotin, d'éloges on l'assomme;
Et Duponceau lui-même au Mans est un grand homme.
Pour moi, dès mon enfance aimant la vérité,
Et libre avant les jours de notre liberté,
Vengeur du nom français, depuis que sur la scène
J'ai traîné Charles neuf, Médicis et Lorraine,
Des partis en fureur j'ai soulevé les cris;
Vingt presses, gémissant sous des milliers d'écrits,
Par l'imposture même ont fatigué Morphée:
Leur-masse injurieuse est mon plus beau trophée.
Oh! qu'aisément comblé d'éphémères honneurs
De tous nos grands braillards j'aurais fait des pròneurs,
Si, désertant la France et flattant l'Angleterre,
Ma muse eût mendié l'or qui nous fait la guerre,
De la cause publique affiché l'abandon,
Acheté par la honte un scandaleux pardon,
Et, quittant les drapeaux de la raison proscrite,
Étalé sans pudeur un cilice hypocrite!

Mais, ferme dans ma route, et vrai dans mes discours,
Tel je fus, tel je suis, tel je serai toujours.
Gorgé de honte et d'or, un impudent Maurice,
Du pouvoir quel qu'il soit adorant le caprice,
De tout parti vaincu mercenaire apostat,
Peut vendre ses amis comme il vendit l'État.
Lorsque la trahison marche sans retenue,

Lorsque la République est partout méconnue,
Dédaignant de flatter ses ennemis puissans,
A son autel désert j'apporte mon encens.
De son auguste nom sanctifiant mes rimes,
Des idoles du jour bravant les heureux crimes,
Je n'abdiquerai point dans des chants imposteurs
L'honneur d'être compté parmi ses fondateurs:
J'ai vécu, je mourrai fidèle à sa bannière.
Que Baour ou Villiers, Colnet ou Souriguière,
Bâtards dégénérés dont rougit l'Arétin,
De Franco, s'il se peut, évitent le destin!
Je réclame leur haine, et non pas leurs suffrages;
Je leur demande encor d'honorables outrages.
Contre moi réunis, qu'ils me lancent d'en-bas
Des traits empoisonnés, qui ne m'atteindront pas;
Plus puissant que la loi qui gémit en silence,
Un trait lancé d'en-haut punit leur insolence;
Et de leur nom flétri l'ineffaçable affront
Est comme un fer brûlant imprimé sur leur front.

1. Franco (Nicolo), poète satirique, naquit à Bénévent en 1510. Il fut l'ami, et, plus tard, le rival de l'Arétin. Comme l'Arétin, il censura les vivans et les morts; mais ses diatribes lui valurent une récompense fort peu digne d'envie : s'étant permis, dans un voyage qu'il fit à Rome, d'attaquer des seigneurs romains fort accrédités, il fut condamné à mort, en 1569, par ordre du pape Pie V. (Note de l'Éditeur.)

ÉLÉGIE.

LA PROMENADE.

1805.

ROULE

OULE avec majesté tes ondes fugitives, Seine; j'aime à rêver sur tes paisibles rives, En laissant comme toi la reine des cités.

Ah! lorsque la Nature, à mes yeux attristés,

Le front orné de fleurs, brille en vain renaissante; Lorsque du renouveau l'haleine caressante Rafraîchit l'univers de jeunesse paré,

Sans ranimer mon front pâle et décoloré;

Du moins, auprès de toi que je retrouve encore
Ce calme inspirateur que le poète implore,
Et la mélancolie errante au bord des eaux.
Jadis, il m'en souvient, du fond de leurs roseaux,
Tes nymphes répétaient le chant plaintif et tendre
Qu'aux échos de Passy ma voix faisait entendre.
Jours heureux! tems lointain, mais jamais oublié,

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