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DE CONSTANCE.

PRÉFACE.

A M***, PASTEUR DE LA CONFESSION D'AUSBOURG.

A Dieu ne plaise qu'aucun de nous prétende élever quelque doute sur les mystères! On s'occupe depuis dix-huit siècles à démontrer leur vérité. Désormais rien n'est si clair. Aussi n'est-il plus en Europe d'homme un peu raisonnable qui n'en soit convaincu tout aussi bien que vous et moi. Pourquoi? C'est qu'il ne faut que du bon sens pour concevoir la sainte Trinité, l'Incarnation, sans en excepter la Rédemption. Malheur aux incrédules qui sont assez mauvais logiciens pour n'y rien comprendre!

Les miracles ne font guères plus de difficulté. Je parle ici des miracles de Jésus, de ses apôtres, et des premiers siècles de l'église. En effet, le christianisme n'a pu s'établir sans miracle. Or, Dieu voulait l'établissement du christianisme; donc il a voulu, de toute éternité, que l'ordre

éternel fût interrompu: donc les miracles ont existé. Mais depuis long-tems ils sont inutiles: or, il faut nécessité absolue pour que Dieu veuille interrompre l'ordre éternel: donc les miracles modernes sont controuvés, tant ceux de saint Xavier, le jésuite, que ceux de saint Pâris, le janséniste. Il est absurde d'y croire, autant qu'il est raisonnable de croire à ceux du bon tems, toutefois sous la condition expresse qu'il ne s'en fera plus à l'avenir.

La révélation se prouve d'une manière non moins satisfaisante. Il fallait bien que Dieu vînt parler aux hommes, pour leur dire au juste de quelle manière il voulait être adoré. Personne ne pouvait le savoir aussi bien que lui; et ces choses-là ne se devinent pas facilement. S'il n'est plus dans l'usage de venir causer avec eux, la raison en est sensible: il n'est pas nécessaire qu'il y revienne à deux fois. Attribuer à Dieu des démarches et des courses inutiles est un ridicule sacrilège.

Et c'est en cela, mon cher confrère, que nous devons plaindre tous les deux le funeste aveuglement de nos frères les catholiques. Ils prétendent, quelle erreur impie! que le saint Esprit se donne la peine d'assister à chaque séance d'un concile, d'en dicter tous les décrets, d'être au milieu d'un conclave, d'élire chaque souverain pontife. Je ne prononcerai point avec Luther, ni même avec Newton,

que le pape est décidément l'antechrist: je n'en suis pas sûr; mais, quand on aime le saint Esprit comme nous l'aimons, n'est-on pas indigné de lui entendre imputer tant de crimes et tant de sottises? Quoi! lorsque, dans Ephèse, les pères du concile, après avoir épuisé leur logique, en disputant sur les deux natures de Jésus-Christ, finirent par argumenter à coups de poing, c'était le saint Esprit qui leur inspirait ces syllogismes! Quoi! lorsque, dans le concile de Lyon, le pape Innocent IV déposait l'empereur Frédéric II; quand il inventait le chapeau rouge des cardinaux, pour les avertir qu'il fallait répandre le sang des partisans de l'empereur, le saint Esprit soufflait sur le pape, sur le concile et sur les chapeaux! Quoi! c'était encore le saint Esprit qui plaçait au rang des prétendus vicaires de Dieu la papesse Jeanne, le voleur Jean XXII, l'homicide Jean XXIII, l'empoisonneur Alexandre VI! Quels blasphemes! Plaignons, mon cher confrère, les catholiques égarés; prions le saint Esprit de leur pardonner, et de les convertir, et rendons-lui des actions de grâce, nous qui sommes assez bons chrétiens pour être incrédules sur tout cela.

Quant à l'Eucharistie, vous et moi, nous différons un peu de sentiment; mais je ne vous querellerai point sur in, cum, sub; et, du moins, nous sommes d'accord pour condamner l'impiété

OEuvres posthumes. II.

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de la messe, haute ou basse, en faux bourdon ou en musique. A Saint-Pierre de Rome, on la célèbre avec une grande solennité. Il est possible que les beaux motets de Pergolèse et les voix mélodieuses des castrats soient agréables au Seigneur; mais la profanation des choses saintes doit lui gâter son plaisir. Observez encore une chose: dans la communion protestante, nous partageons le pain et le vin avec les fidèles admis à la saintetable; dans la communion catholique, les fidèles n'ont que du pain sec; le prêtre garde le vin pour lui: ce qui est pure méchanceté. Notre confession n'a pas d'inconvéniens. La confession dite auriculaire en a de fort graves: elle a été souvent un moyen de séduire les filles et les femmes, de diviser les ménages, de porter le trouble dans les familles; elle a été plus souvent encore un instrument de la puissance; et cela n'est pas bien. Mais c'est de plus une arme à deux tranchans; et, si l'une frappe les citoyens, l'autre menace les chefs des états: on pourrait le démontrer par de grands exemples. Pour les couvens des deux sexes, Luther a eu grande raison de détruire, le premier, ces nids de fainéans; et les catholiques français, plus sensés que les autres, sont huguenots à cet égard. Depuis que les exorcismes ont été abolis par ce même Luther, il n'y a plus de possédés dans les églises protestantes; le diable

ne s'empare que des catholiques. Ceux-ci prétendent qu'il était en possession légitime de Jean Calvin, quand ledit Jean fit brûler Michel Servet : ils pourraient bien n'avoir pas tort; et, tout bon calviniste que je suis, je leur accorde volontiers ce point, s'ils veulent m'accorder à leur tour que le diable aimait mieux habiter le corps des papes et des rois, apparemment parce qu'il y était mieux nourri; que l'on a pu, sans injustice, appeler Philippe II le diable du midi; que sa très-digne épouse, la pieuse Marie d'Angleterre, était une méchante diablesse; que, dans le procès d'Urbain Grandier et des religieuses de Loudun, les vrais possédés étaient le cardinal de Richelieu et son amé Laubardemont ; et qu'enfin, après la mort de Colbert, Louis XIV et son conseil avaient le diable au corps, quand ils révoquèrent l'édit de Nantes.

Oui, mon cher confrère, les démoniaques ont été, sont et seront les fanatiques tourmentés de la rage des âmes; tous ceux qui veulent forcer la conscience, et ravir à l'homme sa propriété la plus sacrée, la plus essentielle : sa pensée. Je ne parle pas ici de la pensée secrète : elle triomphe des cachots et des bûchers de l'inquisition; je parle de la pensée publique, manifeste, sur tous les objets qui intéressent l'humanité. Prétendre qu'elle n'existe pas, c'est déclarer la servitude;

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