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N'est pas de ces travaux qu'un caprice produit:
Il veut du temps, des soins; et ce pénible ouvrage
Jamais d'un écolier ne fut l'apprentissage.

Mais souvent parmi nous un poëte sans art,
Qu'un bean feu quelquefois échauffa par hasard,
Enflant d'un vain orgueil son esprit chimérique,
Fièrement prend en main la trompette héroïque :
Sa muse déréglée, en ses vers vagabonds,
Ne s'éleve jamais que pár sauts et par bonds;
Et son feu, dépourvu de sens et de lecture,
S'éteint à chaque pas faute de nourriture.
Mais en vain le public, prompt à le mépriser,
De son mérite faux le veut désabuser;
Lui-même, applaudissant à son maigre génie,
Se donne par ses mains l'encens qu'on lui dénie:
Virgile, au prix de lui, n'a point d'invention;
Homere n'entend point la noble fiction.

Si contre cet arrêt le siecle se rebelle,
A la postérité d'abord il en appelle:
Mais attendant qu'ici le bon sens de retour
Ramene triomphants ses ouvrages au jour,
Leurs tas au magasin, cachés à la lumiere,
Combattent tristement les vers et la poussiere.
Laissons-les donc entre eux s'escrimer en repos;
Et, sans nous égarer, suivons notre propos.
Des succès fortunés du spectacle tragique
Dans Athenes naquit la Comédie antique.
Là le Grec, né moqueur, par mille jeux plaisants
Distilla le venin de ses traits médisants.
Aux accès insolents d'une bouffonne joie
La sagesse, l'esprit, l'honneur, furent en proie.
On vit par le public un poëte avoué

S'enrichir aux dépens du mérité joné;

Et Socrate par lui, dans un choeur de nuées (1),

(1) Les Nuées, comédie d'Aristophane.

1

D'un vil amas de peuple attirer les huées.
Enfin de la licence on arrêta le cours :
Le magistrat des lois emprunta le secours,
Et, rendant par édit les poëtes plus sages,
Défendit de marquer les noms et les visages.
Le théâtre perdit son antique fureur:
La Comédie apprit à rire sans aigreur,
Sans fiel et sans venin sut instruire et reprendre,
Et plut innocemment dans les vers de Ménandre.
Chacun, peint avec art dans ce nouveau miroir,
S'y vit avec plaisir, ou crut ne s'y point voir:
L'avare, des premiers, rit du tableau fidele
D'un avare souvent tracé sur son modele;
Et mille fois un fat finement exprimé
Méconnut le portrait sur lui-même formé.

Que la nature donc soit votre étude unique, Auteurs qui prétendez aux honneurs du comique. Quiconque voit bien l'homme, et, d'un esprit profond, De tant de cœurs cachés a pénétré le fond;

Qui sait bien ce que c'est qu'un prodigue, un avare,
Un honnête homme, un fat, un jaloux, un bizarre,
Sur une scene heureuse il peut les étaler,

Et les faire à nos yeux vivre, agir et parler.
Présentez-en par-tout les images naïves;

Que chacun y soit peint des couleurs les plus vives.
La nature, féconde en bizarres portraits,
Dans chaque ame est marquée à de différents traits;
Un geste la découvre, un rien la fait paroître :
Mais tout esprit n'a pas des yeux pour la connoître.
Le temps, qui change tont, change aussi nos hu=

meurs:

Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs. Un jeune homme, toujours bouillant dans ses ca prices,

Est prompt à recevoir l'impression des vices;
Est vain dans ses discours, volage en ses desirs,

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Rétif à la censure, et fou dans les plaisirs.

L'âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage, Se pousse auprès des grands, s'intrigue, se ménage, Contre les coups du sort songe à se maintenir, Et loin dans le présent regarde l'avenir.

La vieillesse chagrine incessamment amasse; Garde, non pas pour soi, les trésors qu'elle entasse; Marche en tous ses desseins d'un pas lent et glacé; Toujours plaint le présent et vante le passé; Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse. Ne faites point parler vos acteurs au hasard, Un vieillard en jeune homme, un jeune homme en vieillard.

Etudiez la cour, et connoissez la ville:

L'une et l'autre est toujours en modeles fertile.
C'est par-là que Moliere, illustrant ses écrits,
Peut-être de son art eût remporté le prix,"

Si, moins ami du peuple, en ses doctes peintures
Il n'eût point fait souvent grimacer ses figures,
Quitté, pour le bouffon, l'agréable et le fin,
Et sans honte à Térence allié Tabarin:
Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe
Je ne reconnois plus l'auteur du Misanthrope).
Le Comique, ennemi des soupirs et des pleurs,
N'admet point en ses vers de tragiques douleurs;
Mais son emploi n'est pas d'aller, dans une place,
De mots sales et bas charmer la populace:
Il faut que ses acteurs badinent noblement;
Que son noeud bien formé se dénoue aisément;
Que l'action, marchant où la raison la guide,
Ne se perde jamais dans une scene vuide;
Que son style humble et doux se releve à propos;

(1) Comédie de Moliere.

Que ses discours, par-tout fertiles en bons mots,
Soient pleins de passions finement maniées,
Et les scenes toujours l'une à l'autre liées.
Aux dépens du bon sens gardez de plaisanter:
Jamais de la nature il ne faut s'écarter.
Contemplez de quel air un pere dans Térence (1)
Vient d'un fils amoureux gourmander l'imprudence;
De quel air cet amant écoute ses leçons,

Et court chez sa maîtresse oublier ces chansons.
Ce n'est pas un portrait, une image semblable;
C'est un amant, un fils, un pere véritable.
J'aime sur le théâtre un agréable auteur
Qui, sans se diffamer aux yeux du spectateur,
Plait par la raison seule, et jamais ne la choque;
Mais pour un faux plaisant à grossiere équivoque,
Qui pour me divertir n'a que la saleté,

Qu'il s'en aille, s'il veut, sur deux treteaux monté,
Amusant le Pont-neuf de ses sornettes fades,

Aux laquais assemblés jouer ses mascarades.

(1) Voyez Simon dans l'Andrienne, et Démée dans les Adelphes.

CHANT QUATRIE ME.

DANS
ANS Florence jadis vivoit un médecin,
Savant hableur, dit-on, et célebre assassin.
Lui seul y fit long-temps la publique misere:
Là le fils orphelin lui redemande un pere;
Ici le frere pleure un frere empoisonné:
L'un meurt vuide de sang, l'autre plein de séné:
Le rhume à son aspect se change en pleurésie,
Et par lui la migraine est bientôt frénésie.
Il quitte enfin la ville, en tous lieux détesté.
De tous ses amis morts an seul ami resté
Le mene en sa maison de superbe structure.
C'étoit un riche abbé, fou de l'architecture.
Le médecin d'abord semble né dans cet art,
Déja de bâtiments parle comme Mansard:
D'un salon qu'on éleve il condamne la face;
Au vestibule obscur il marqué une autre place;
Approuve l'escalier tourné d'autre façon.
Son ami le conçoit, et mande son maçon.
Le maçon vient, écoute, approuve, et se corrige.
Enfin, pour abréger un si plaisant prodige,
Notre assassin renonce à son art inhumain ;
Et désormais, la regle et l'équerre à la main,
Laissant de Galien la science suspecte,
De méchant médecin devient bon architecte.
Son exemple est pour nous un précepte excellent
Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent,'
Ouvrier estimé dans un art nécessaire, í
Qu'écrivain du commun, et poëte vulgaire.,
Il est dans tout autre art des degrés différents,
On peut avec honneur remplir les seconds rangs;
Mais, dans l'art dangereux de rimer et d'écrire,
Il n'est point de degrés du médiocre au pire?

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