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fait que je vois, que d'un fait qui m'est attesté par des témoins oculaires; mais il ne faut pas confondre l'impression qu'un fait produit sur moi avec la certitude qu'en a ma raison.

Il est vrai encore que, pour former une certitude morale, il faut un plus grand concours de circonstances que pour former la certitude physique; mais quand ces circonstances sont réunies, la certitude qui en résulte est aussi forte et exclud aussi absolument tout doute pour la raison la raison, que la certitude physique. Ainsi nous sommes aussi persuadés de la réalité dé la bataille de Pharsale et de celle de Fontenoi, que de la réalité des évènemens que nous avons sous les yeux.

La réunion des circonstances nécessaires pour exclure tout doute, lorsqu'il s'agit de faits anciens, se trouve dans la tradition orale, l'histoire et les monumens, qui sont comme trois canaux par lesquels la certitude physique des témoins oculaires nous est transmise.

La tradition orale est sûre, lorsque par une série non interrompue de générations, dont chacune transmet un évènement publie et important comme attesté par la génération précédente, elle remonte jusqu'à la génération contemporaine, et, trois personnes viennent me dire : « Nous avons aussi observé cet hom> me, et nous avons reconnu qu'il n'est point aveugle » ; je commence au moins à douter, et si plusieurs autres personnes sensées viennent me confirmer le témoignage des premières, je finis par croire que je me suis trompé dans mon jugement. Ainsi le témoignage peut fournir une certitude plus complète d'un fait, que si on l'avait vu soi-même.

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par elle, jusqu'à un grand nombre de témoins oculaires. En effet, les dépositions unanimes de ces témoins oculaires ne peuvent avoir que la vérité pour centre, puisque étant nombreux, et l'évène, ment étant public et important, il est impossible qu'ils soient tombés dans une erreur universelle et uniforme des sens, et que, différant nécessairement entre eux de caractère, d'opinion, de passions, d'intérêts, il est impossible qu'ils se soient tons accordés dans une imposture, et qu'ils y aient tous également persévéré, sans qu'aucun se soit démenti: l'impossibilité du mensonge est encore plus évidente, quand il s'agit d'un évènement relativement auquel l'imposture serait contraire aux intérêts des témoins et entraînerait la perte de leur honneur, de leurs biens et de leur vie. Or, la tradition orale dont je tiens actuellement un des bouts, peut me conduire infailliblement à ce cercle de témoignages rendus par des témoins oculaires. Car plusieurs de ceux qui ont vécu à l'époque de l'évènement, et qui, l'ayant appris de la bouche même de ces témoins, ne peuvent en douter, passent dans l'âge suivant, et portent cette certitude avec eux. Ils racontent l'évènement à ceux de cet âge, qui peuvent faire, qui feront à leur égard le raisonnément que firent ces contemporains, lorsqu'ils ajoutèrent foi aux témoins oculai res. Ceux du troisième âge feront aussi par rapport à ceux-là le même raisonnement: et ainsi de suite.

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Remarquez qu'il n'y a pas de point fixe dans le temps, qui ne forme 60 ou 80 ans de générations à la fois, à commencer depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse la plus avancée: or, ce mélange perpétuel de tant de générations à la fois enchaînées les unes dans les autres, rend la fraude impossible sur un fait public et important. Voulez-vous supposer qu'à une époque déterminée tous les hommes de quarante ans ont conspiré pour tromper la postéité? Je vous l'accorde, quoique tout m'autorise à nier la possibilité de ce complot. Dans ce cas, n'estpas evident que tous les hommes qui composent, à la même époque, les générations depuis 40 jusqu'à 80 ans, réclameront contre le mensonge? Voulez-vous appliquer l'hypothèse à la plus ancienne génération? Dans ce cas, les hommes qui compo sent les générations postérieures auront nécessairement dit aux imposteurs : Nous avons vécu longtemps avec vos contemporains, et jamais ils ne nous ont parlé d'un fait si intéressant ; pourquoi vous-mêmes l'avez-vous jusqu'aujourd'hui gardé dans le silence? Tous les âges se ressemblent par le nombre des générations; la fraude est donc impossible dans tous les âges, et par conséquent la tradition orale remonte avec certitude jusqu'aux témoins oculaires. Ainsi, quoiqu'un évènement ancien, bien prouvé, fasse beaucoup moins d'impression sur nous qu'il n'en fit sur les contemporains, la conviction de la réalité de cet évènement n'est pas moindre, puisque la force des

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res qui l'établissent, est la même.

L'histoire a de grands avantages même sur les témoins oculaires. Qu'un seul témoin vous appren ne un fait, quelque connaissance que vous ayez de ce témoin, le fait ne sera pour vous que pins ou moins probable; et vous n'en serez véritablement certain que lorsque plusieurs témoins se seront accordés sur ce même fait, et que vous aurez combiné leurs passions et leurs intérêts. L'histoire vous fait marcher d'un pas plus sûr, lorsqu'elle vous rapporte un fait public et important alors ce n'est pas l'historien seul qui vous l'atteste ; il a élevé la voix, il s'est fait entendre de tous ses contemporains; s'ils n'ont pas réclamé, il est évident qu'ils se joignent à lui pour confirmer son témoignage. Il n'est pas nécessaire que les hommes inté

ressés à ne pas croire ce fait, ou à ce qu'on ne le croie pas, déposent formellement en sa faveur : il suffit qu'ils se taisent, et ne laissent rien qui puisse en prouver la fausseté; car si je ne vois, de la part des contemporains, , que des raisonnemens contre ce fait, tandis qu'ils auraient pu, s'il eût été faux, donner des preuves invincibles de l'imposture, la raison me dit que je dois m'en tenir à l'historien qui le rapporte

Ce que nous disous de l'histoire est invariablement confirmé par l'expérience universelle. Personne, par exemple, ne doute des conquêtes d'Alexandre, quoique Quinte-Curce ait vécu plusieurs siècles après le vainqueur de l'Asie; ni des principaux

évènemens du règne d'Auguste ou de celui de Tibère, quoique nous n'ayons aucun historien contemporain de ces deux empereurs. Si un seul historien, même postérieur aux évènemens, est d'un tel poids, comment pourrait-on raisonnablement douter, lorsque plusieurs historiens, contemporains, quelques-uns même témoins oculaires, rapportent unanimement les mêmes faits?

Les faits publics et importans ont toujours des suites: ils changent la face des affaires d'un pays étendu. Les peuples jaloux de transmettre ces faits à la postérité en perpétuent la mémoire par des monumens. Si ces monumens sont érigés dans le temps des faits, ils ont un caractère de vérité incontestable: car ils ne sauraient être fanx, sans que les contemporains eussent été trompés, ce qui est visiblement impossible sur des faits publics et importans. Si l'érection d'un monument n'a pas eu lieu à l'époque de l'évènement, il faut que cet évène. ment ait été publiquement connu à l'époque de l'érection, que les générations d'alors en aient été instruites par les générations précédentes, et que les traditions historiques remontent depuis l'érection jusqu'à l'évènement. Moyennant ces conditions, il est clair que le monumeut confirme la vérité du fait.

Lorsque la tradition orale, l'histoire et les monumens attestent à la fois des faits publics et importans, ces faits sont aussi certains que possible; et de même que des démonstrations et des combi

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