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qu'on peut généralement éviter sans grand effort: les autres ne fermaient pas l'entrée des ChampsElysées.

Les peuples regardaient leur bonheur comme attaché à cette religion; ils en faisaient le fondement de l'état.

Elle était si ancienne que l'origine en était perdue dans la nuit des temps; on croyait qu'elle avait commencé avec le monde; on lui donnait les dieux mêmes pour auteurs. Les siècles, les nations. lui rendaient témoignage: quoi de plus imposant que ce concert antique de tous les hommes? Ces sages législateurs dont on admire encore les lois, ces grands philosophes dont on loue les ouvrages, ces orateurs dont l'éloquence nous ravit, ces historiens qui nous servent de modèles, tant d'heureux génies, tant d'hommes à talens que Rome et la Grèce ont produits, s'unissaient au peuple pour offrir aux dieux de solennels hommages. Rome croyait tenir de Jupiter la promesse d'être la reine des nations et un torrent de victoires semblait justifier sa confiance. Les Alexandre, les César déposaient aux pieds des idoles toute leur majesté, et ces maîtres du monde s'honoraient d'en être les scryiteurs. C'est ainsi que le Ciel et la terre semblaient concourir à rendre le paganisme inexpugnable.

Mais quand on supposerait, contre toute raison, que l'idolâtrie était en discrédit, et pouvait tomber facilement, il resterait à expliquer ce qu'il y avait

de plus difficile, l'adoption des dogmes, de la morale et du culte chrétiens: car la religion populaire abolie, il devait arriver naturellement les que gens éclairés et vertueux se fissent une religion philosophique, tandis que la foule se serait préci pitée dans l'impiété et dans de nouvelles superstitions. L'abjuration de l'idolatrie ne conduisait pas nécessairement à la profession du Christianisme : elle en éloignait bien plutôt tous ceux qui voulaient secouer le joug de la religion; et pour ce qui était du petit nombre de bons esprits, capables de goû ter l'excellence de la morale chretienne, il leur était facile de se l'approprier en la transportant dans leur philosophie, comme ont fait Epictète et les empereurs Marc-Aurèle et Julien.

3. Enfin, les qualités personnelles de ceux qui prêchaient l'Evangile ne pouvaient qu'inspirer du mépris pour eux et pour leur doctrine. Une religion née dans un pays méprisé parmi les nations éclairées, comme le berceau d'une superstition triste, absurde et odieuse av genre humain; une religion proscrite dans le lien même de son origine, déshonorée par le supplice de son auteur; une religion austère dans ses préceptes, incompréhensible dans ses dogmes, et qui offrait à ses sectateurs un Dieu crucifié pour objet de culte et pour modèle, était prêchée par douze hommes de la dernière classe du peuple, ramassés sur les sables de la mer, dans les comptoirs des péagers; douze hommes de l'intelligence la plus hornée, sans éduca

tion, sans aucune notion des premiers élémens des sciences, sans aucune idée des arts, sans aucune teinture des lettres, dépourvus de tout ce qui peut donner quelque crédit, inspirer la confiance, en un mot privés de tout appui humain.

Que penseraient les incrédules de douze pêcheurs de Dieppe, qui s'embarqueraient dans le dessein d'aller persuader aux Chinois de renoncer à leurs moeurs, à la constitution de leur gouvernement pour prendre les manières de France, et adopter les lois de ce royaume? Telle et plus extravagante encore devait paraître la résolution que prirent les apôtres d'aller prêcher la doctrine de Jésus-Christ. Ils l'ont prêchée cependant, non d'abord chez des nations barbares et ignorantes mais dans l'empire romain, dans les plus grandes villes, les plus riches, les plas savantes, les plus polies, les plus voluptueuses, à Antioche, à Alexandrie, à Ephèse, à Corinthe, à Athènes, à Rome enfin. Ils l'ont prêchée, non dans un seul pays, mais partout, chez des peuples de moeurs, de religions différentes, de génies différens ; tout s'est soulevé contre cette nouvelle doctrine: le peuple, par zèle de religion, et par une opposition naturelle à toute nouvelle croyance en cette matière; les philosophes et les savans, par la répugnance qu'inspire la raison orgueilleuse ; les ministres de l'ancienne religion, par intérêt; les empereurs et les magistrats, par politique: or, rien n'est plus fort que toutes ces vues, ni plus capable de porter les

hommes aux dernières extrémités. Aussi, tout at-il été mis en œuvre, pour étouffer le Christianisme et en arrêter les progrès perte de biens, exils, prisons, supplices les plus cruels.

Néanmoins, cent quarante ans après la mort de Jésus-Christ, il y avait partout des chrétiens, et en si grand nombre que, si leur religion ne leur avait pas commandé une patience à toute épreuve, ils eussent été bien plus redoutables à l'empire que les armées des barbares, quelque nombreuses qu'elles pussent être; mais ils ne savaient que souf

frir et mourir.

C'est ainsi qu'à la voix de douze misérables pêcheurs juifs, toutes les divinités si chères aux peuples par préjugé, par amour désordonné des plaisirs, tombent devant la croix ; tous les dieux du Panthéon cèdent leur place au Crucifié du Calvaire; les plus hauts dignitaires viennent, dans ce même temple, baiser la poussière des autels qui lui sont consacrés. Après 750 années écoulées depuis la fondation de Rome qui avait employé 700 ans à fonder le plus vaste empire de l'univers, ce même empire, assailli par des nuées de barbares, venus de diverses régions, s'écroule de toutes parts; et, au milieu de ces secousses, de ces ébranlemens épouvantables, l'antique capitale du monde païen, devenue celle du monde chrétien, reste debout s'enrichit des pertes de l'ancienne Rome, et ses indomptables et féroces vainqueurs courbent leur tête altière sous le joug de la foi.

Le Christianisme, la chose du monde la plus difficile à persuader, s'établit donc par la seule voie de la persuasion, malgré tout ce que peuvent lui opposer les puissances, la sagesse humaine, la religion, l'intérêt, la politique et la violence la plus outrée. Et, ce qui est bien digne de remarque, cette religion opère dans ceux qui l'embrassent une conviction si intime qu'ils s'estiment heureux de donner leur vie, pour rendre témoignage à la vérité de la doctrine dont ils font profession. Dès qu'ils connaissent, par la foi, ce Jésus crucifié qu'ils n'ont jamais vn, ils sacrifient tout pour lui rester fidèles; on les voit renoncer avec joie à tout ce qu'ils ont de plus cher au monde et à la vie même, plutôt que de l'abandonner. Assurément, il n'y a rien là de naturel : c'est une vérité de sentiment à laquelle nul homme de bonne foi ne peut se refuser.

Donc, l'établissement de la Religion chrétienne n'est pas l'ouvrage des hommes, mais l'effet, et, si on ose ainsi parler, le chef-d'oeuvre de la toutepuissance de Dieu. Car, ou les prédicateurs de cette religion ont confirmé leurs paroles par des oeuvres surnaturelles, qu'on appelle des miracles, capables de rendre leurs auditeurs attentifs et de les convaincre enfin de la vérité de ce qu'ils leur prêchaient; ou ils ont persuadé les hommes sans miracles.

S'ils ont fait des miracles qui ne peuvent être que l'effet de la puissance divine, c'était donc Dieu qui

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