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LIVRE SEPTIÈME.

SOMMAIRE.

Suite du récit. Eudore devient esclave de Pharamond. Histoire de Zacharie. Clothilde, femme de Pharamond. Commencement du christianisme chez les Francs. Moeurs des Francs. Retour du printemps. Chasse. Barbares du Nord. Tombeau d'Ovide. Eudore sauve la vie à Mérovée. Mérovée promet la liberté à Eudore. Retour des chasseurs au camp de Pharamond. La déesse Hertha. Festin des Francs. On délibère sur la paix et sur la guerre avec les Romains. Dispute de Camulogènes et de Chlodéric. Les Francs se décident à demander la paix. Eudore, devenu libre, est chargé par les Francs d'aller proposer la paix à Constance. Zacharie conduit Eudore jusque sur la frontière de la Gaule. Leurs adieux.

P

AR Hercule, s'écria Démodocus en interrompant le récit d'Eudore, j'ai toujours aimé les enfants d'Esculape! ils sont pieux envers les hommes, et connoissent les choses cachées. On les trouve parmi les dieux, les centaures, les héros et les bergers. Mon fils, quel étoit le nom de ce divin Barbare, pour qui Jupiter, hélas! ne me semble pas avoir puisé dans l'urne des biens? Le maître des nuées dispose à son gré du sort des mortels : il donne à l'un la prospérité, il fait tomber l'autre dans toute sorte de malheurs. Le roi d'Ithaque fut réduit à sentir un mouvement de joie en se couchant sur un lit de feuilles séchées qu'il avoit amoncelées de ses propres mains. Jadis, chez les hommes plus vertueux, un favori du dieu d'Épidaure eût été l'ami et le compagnon des guerriers; aujourd'hui

il est esclave chez une nation inhospitalière. Mais hâte-toi, fils de Lasthénès de m'apprendre le nom de ton libérateur, car je veux l'honorer comme Nestor honoroit Machaon. »>

-« Son nom, parmi les Francs, étoit Harold, reprit Eudore en souriant. Il vint me retrouver aux premiers rayons du jour, selon sa promesse. Il étoit accompagné d'une femme vêtue d'une robe de fil teinte de pourpre; elle avoit le haut de la gorge et les bras découverts, à la manière des Francs. Ses traits offroient, au premier coup d'œil, un mélange inexplicable de barbarie et d'humanité : c'étoit une expression de physionomie naturellement forte et sauvage, corrigée par je ne sais quelle habitude étrangère de pitié et de douceur. »

« Jeune Grec, me dit l'esclave, remerciez Clothilde, femme de Pharamond mon maître. Elle a obtenu votre grâce de son époux : elle vient ellemême vous chercher pour vous mettre à l'abri des Francs. Quand vous serez guéri de vos blessures, vous vous montrerez sans doute esclave reconnoissant et fidèle. »

« Plusieurs serfs entrèrent alors dans la caverne. Ils m'étendirent sur des branches d'arbres entrelacées, et me portèrent au camp de mon maître.

« Les Francs, malgré leur valeur et le soulèvement des flots, avoient été obligés de céder la victoire à la discipline des légions; heureux d'échapper à une entière défaite, ils se retiroient devant les vainqueurs. Je fus jeté dans les chariots avec les autres blessés. On marcha quinze jours et

quinze nuits en s'enfonçant vers le Nord, et l'on ne s'arrêta que quand on se crut à l'abri de l'armée de Constance.

« Jusqu'alors j'avois à peine senti l'horreur de ma situation; mais aussitôt que le repos commença à cicatriser mes plaies, je jetai les yeux autour de moi avec épouvante. Je me vis au milieu des forêts, esclave chez des Barbares, et prisonnier dans une hutte qu'entouroit, comme un rempart, un cercle de jeunes arbres qui devoient s'entrelacer en croissant. Une boisson grossière, faite de froment, un peu d'orge écrasée entre deux pierres, des lambeaux de daims et de chevreuils qu'on me jetoit quelquefois par pitié, telle étoit ma nourriture. La moitié du jour j'étois abandonné seul sur mon lit d'herbes fanées; mais je souffrois encore beaucoup plus de la présence que de l'absence des Barbares. L'odeur des graisses mêlées de cendres de frêne dont ils frottent leurs cheveux, la vapeur des chairs grillées, le peu d'air de la hutte, et le nuage de fumée qui la remplissoit sans cesse, me suffoquoient. Ainsi une juste Providence me faisoit payer les délices de Naples, les parfums et les voluptés dont je m'étois enivré.

« Le vieil esclave occupé de ses devoirs, ne pouvoit donner que quelques moments à mes peines. J'étois toujours étonné de la sérénité de son visage, au milieu des travaux dont il étoit accablé.

Eudore, me dit-il un soir, vos blessures sont presque guéries. Demain vous commencerez à remplir vos nouveaux devoirs. Je sais que l'on doit

vous envoyer avec quelques serfs chercher du bois au fond de la forêt. Allons, mon fils et mon compagnon, rappelez votre vertu. Le ciel vous aidera si vous l'implorez. »

« A ces mots, l'esclave s'éloigna, et me laissa plongé dans le désespoir. Je passai la nuit dans une agitation horrible, formant et rejetant tour à tour mille projets. Tantôt je voulois attenter à mes jours, tantôt je songeois à la fuite. Mais comment fuir, foible et sans secours? Comment trouver un chemin à travers ces bois? Hélas! j'avois une ressource contre mes maux, la religion; et c'étoit le seul moyen de délivrance auquel je ne songeois pas! Le jour me surprit au milieu de ces angoisses, et j'entendis tout à coup une voix qui me cria :

« Esclave romain, lève-toi!»

« On me donna une peau de sanglier pour me couvrir, une corne de bœuf pour puiser de l'eau, un poisson sec pour ma nourriture, et je suivis les serfs qui me montroient le chemin.

<< Lorsqu'ils furent arrivés à la forêt, ils commencèrent par ramasser parmi la neige et les feuilles flétries les branches d'arbres brisées par les vents. Ils en formoient çà et là des monceaux qu'ils lioient avec des écorces. Ils me firent quelques signes pour m'engager à les imiter, et voyant que j'ignorois leur ouvrage, ils se contentèrent de mettre sur mes épaules un paquet de rameaux desséchés. Mon front orgueilleux fut forcé de s'humilier sous le joug de la servitude; mes pieds nus fouloient la neige, mes cheveux étoient hérissés par le givre,

et la bise glaçoit les larmes dans mes yeux. J'appuyois mes pas chancelants sur une branche arrachée de mon fardeau; et, courbé comme un vieillard, je cheminois lentement entre les arbres de la forêt.

« J'étois prêt à succomber à ma douleur, lorsque je vis tout à coup auprès de moi le vieil esclave, chargé d'un poids plus pesant que le mien, et me souriant de cet air paisible qui ne l'abandonnoit jamais. Je ne pus me défendre d'un mouvement de honte.

« Quoi ! me dis-je en moi-même, cet homme, accablé par les ans, sourit sous un fardeau triple du mien; et moi, jeune et fort, je pleure!

<< Eudore, me dit mon libérateur en m'abordant, ne trouvez-vous pas que le premier fardeau est bien lourd? Mon jeune compagnon, l'habitude et surtout la résignation rendront les autres plus légers. Voyez quel poids je suis venu à bout de porter à mon âge. x

- « Ah! m'écriai-je, chargez-moi de ce poids qui fait plier vos genoux. Puissé-je expirer en vous délivrant de vos peines!»

-«Eh! mon fils, repartit le vieillard, je n'ai point de peines. Pourquoi désirer la mort? Allons, je veux vous réconcilier avec la vie. Venez vous reposer à quelques pas d'ici; nous allumerons du feu et nous causerons ensemble. »

«Nous gravîmes des monticules irréguliers, formés, comme je le vis bientôt, par les débris d'un ouvrage romain. De grands chênes croissoient dans

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