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«< vieillesse, du repos, et la race de Nestor, des fils, « des richesses et de la gloire!

<< Formez, formez la danse légère! Doublez, ra«menez le choeur, le chœur sacré ! »

En achevant cet hymne, les jeunes filles ôtèrent leurs couronnes de laurier, et les suspendirent à l'autel de Diane, avec les arcs des chasseurs. Un cerf blanc fut immolé à la reine du silence. La foule se sépara, et Cymodocée, suivie de sa nourrice, prit un sentier qui la devoit conduire chez son père.

C'étoit une de ces nuits dont les ombres transparentes semblent craindre de cacher le beau ciel de la Grèce: ce n'étoient point des ténèbres, c'étoit seulement l'absence du jour. L'air étoit doux comme le lait et le miel, et l'on sentoit à le respirer un charme inexprimable. Les sommets du Taygète, les promontoires opposés de Colonides et d'Acritas, la mer de Messénie, brilloient de la plus tendre lumière; une flotte ionienne baissoit ses voiles pour entrer au port de Coronée, comme une troupe de colombes passagères ploie ses ailes pour se reposer sur un rivage hospitalier; Alcyon gémissoit doucement sur son nid, et le vent de la nuit apportoit à Cymodocée les parfums du dictame et la voix lointaine de Neptune; assis dans la vallée, le berger contemploit la lune au milieu du brillant cortége des étoiles, et il se réjouissoit dans son cœur.

La jeune prêtresse des Muses marchoit en silence le long des montagnes. Ses yeux erroient avec ravissement sur ces retraites enchantées, où les anciens avoient placé le berceau de Lycurgue et celui

de Jupiter, pour enseigner que la religion et les lois doivent marcher ensemble et n'ont qu'une même origine. Remplie d'une frayeur religieuse, chaque mouvement, chaque bruit devenoit pour elle un prodige; le vague murmure des mers étoit le sourd rugissement des lions de Cybèle descendue dans le bois d'OEchalie; et les rares gémissements du ramier étoient les sons du cor de Diane chassant sur les hauteurs de Thuria.

Elle avance, et d'aimables souvenirs, en remplaçant ses craintes, viennent occuper sa mémoire: elle se rappelle les antiques traditions de l'ile fameuse où elle reçut la lumière, le Labyrinthe, dont la danse des jeunes Crétoises imitoit encore les détours, l'ingénieux Dédale, l'imprudent Icare, Idoménée et son fils, et surtout les deux sœurs infortunées, Phèdre et Ariadne. Tout à coup elle s'aperçoit qu'elle a perdu le sentier de la montagne et qu'elle n'est plus suivie de sa nourrice: elle pousse un cri qui se perd dans les airs; elle implore les dieux des forêts, les napées, les dryades; ils ne répondent point à sa voix, et elle croit que ces divinités absentes sont rassemblées dans les vallons du Ménale, où les Arcadiens leur offrent des sacrifices solennels. Cymodocée entendit de loin le bruit des eaux : aussitôt elle court se mettre sous la protection de la naïade jusqu'au retour de

l'aurore.

Une source d'eau vive, environnée de hauts peupliers, tomboit à grands flots d'une roche élevée; au-dessus de cette roche, on voyoit un autel dédié

aux nymphes, où les voyageurs offroient des vœux et des sacrifices. Cymodocée alloit embrasser l'autel et supplier la divinité de ce lieu de calmer les inquiétudes de son père, lorsqu'elle aperçut un jeune homme qui dormoit appuyé contre un rocher. Sa tête inclinée sur sa poitrine, et penchée sur son épaule gauche, étoit un peu soutenue par le bois d'une lance; sa main, jetée négligemment sur cette lance, tenoit à peine la laisse d'un chien qui sembloit prêter l'oreille à quelque bruit; la lumière de l'astre de la nuit, passant entre les branches de deux cyprès, éclairoit le visage du chasseur tel un successeur d'Apelles a représenté le sommeil d'Endymion. La fille de Démodocus crut, en effet, que ce jeune homme étoit l'amant de la reine des forêts: une plainte du zéphyr lui parut être un soupir de la déessé, et elle prit un rayon fugitif de la lune dans le bocage pour le bord de la tunique blanche de Diane qui se retiroit. Épouvantée, craignant d'avoir troublé les mystères, Cymodocée tombe à genoux et s'écrie:

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« Redoutable sœur d'Apollon, épargnez une vierge imprudente; ne la percez pas de vos flèches! << Mon père n'a qu'une fille, et jamais ma mère, déjà << tombée sous vos coups, ne fut orgueilleuse de ma << naissance! >>

A ces cris le chien aboie, le chasseur se réveille. Surpris de voir cette jeune fille à genoux, il se lève précipitamment :

« Comment! dit Cymodocée confuse et toujours à genoux, est-ce que tu n'es pas le chasseur Endymion? >>

« Et vous, dit le jeune homme non moins interdit, est-ce que vous n'êtes pas un ange ? »

« Un ange! » reprit la fille de Démodocus.

Alors l'étranger, plein de trouble:

Femme, levez-vous; on ne doit se prosterner que devant Dieu.»

Après un moment de silence, la prêtresse des Muses dit au chasseur :

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« Si tu n'es pas un dieu caché sous la forme d'un mortel, tu es sans doute un étranger que les satyres ont égaré comme moi dans les bois. Dans quel port est entré ton vaisseau? Viens - tu de Tyr, si célèbre par la richesse de ses marchands? Viens-tu de la charmante Corinthe, où tes hôtes t'auront fait de riches présents? Es-tu de ceux qui trafiquent sur les mers jusqu'aux colonnes d'Hercule? Suis-tu le cruel Mars dans les combats, ou plutôt n'es-tu pas le fils d'un de ces mortels jadis décorés du sceptre, qui régnoient sur un pays fertile en troupeaux et chéri des dieux ?»

L'étranger répondit :

«Il n'y a qu'un Dieu, maître de l'univers, et je ne suis qu'un homme plein de trouble et de foiblesse. Je m'appelle Eudore; je suis fils de Lasthénès. Je revenois de Thalames, je retournois chez mon père ; la nuit m'a surpris: je me suis endormi au bord de cette fontaine. Mais vous, comment êtes-vous seule ici? Que le ciel vous conserve la pudeur, la plus belle des craintes après celle de Dieu ! »

Le langage de cet homme confondoit Cymo

docée. Elle sentoit devant lui un mélange d'amour et de respect, de confiance et de frayeur. La gravité de sa parole et la grâce de sa personne formoient à ses yeux un contraste extraordinaire. Elle entrevoyoit comme une nouvelle espèce d'hommes, plus noble et plus sérieuse que celle qu'elle avoit connue jusqu'alors. Croyant augmenter l'intérêt qu'Eudore paroissoit prendre à son malheur, elle lui dit :

« Je suis fille d'Homère aux chants immortels. >> L'étranger se contenta de répliquer :

« Je connois un plus beau livre que le sien. » Déconcertée par la brièveté de cette réponse, Cymodocée dit en elle-même :

« Ce jeune homme est de Sparte. »>

Puis elle raconta son histoire. Le fils de Lasthénès dit:

«Je vais vous reconduire chez votre père. >>

Et il se mit à marcher devant elle.

La fille de Démodocus le suivoit; on entendoit le frémissement de son haleine, car elle trembloit. Pour se rassurer un peu, elle essaya de parler: elle hasarda quelques mots sur les charmes de la Nuit sacrée, épouse de l'Érèbe, et mère des Hespérides et de l'Amour. Mais son guide l'interrompant : « Je ne vois que des astres qui racontent la gloire du Très-Haut. »

Ces paroles jetèrent de nouveau la confusion dans le cœur de la prêtresse des Muses. Elle ne savoit plus que penser de cet inconnu, qu'elle avoit pris d'abord pour un immortel. Étoit-ce un impie

LES MARTYRS. T. I.

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