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vine Pasithée! Il est vrai, ma fille, je connois la race antique d'Eudore, fils de Lasthénès. Je ne le cède à personne dans la science de la généalogie des dieux et des hommes; jadis même je n'aurois été vaincu que par Orphée, Linus, Homère, ou le vieillard d'Ascrée car les hommes d'autrefois étoient très supérieurs à ceux d'aujourd'hui. Lasthénès est un des principaux habitants de l'Arcadie. Il est issu du sang des dieux et des héros, puisqu'il descend du fleuve Alphée, et qu'il compte parmi ses aïeux le grand Philopomen et Polybe aimé de Calliope, fille de Saturne et d'Astrée. Il a lui-même triomphé dans les jeux sanglants du dieu de la guerre; il est chéri de nos princes; on l'a vu revêtu des plus grandes charges de l'État et de l'armée. Demain, aussitôt que Dicé, Irène et Eunomie, aimables Heures, auront ouvert les portes du jour, nous monterons sur un char, et nous irons offrir des présents à Eudore, dont la renommée publie la sagesse et la valeur. »

En achevant ces mots, Démodocus, suivi de sa fille et d'Euryméduse, entra dans les bâtiments du temple, où brilloient l'ambre, l'airain et l'écaille de tortue. Un esclave, tenant une aiguière d'or et un bassin d'argent, verse une eau pure sur les mains du prêtre d'Homère. Démodocus prend une coupe, la purifie par la flamme, y mêle l'eau et le vin, et répand à terre la libation sacrée, afin d'apaiser les dieux lares. Cymodocée se retire dans son appartement; et après avoir joui des délices du bain, elle se couche sur des tapis de Lydie, recouverts

du fin lin de l'Égypte; mais elle ne put goûter les dons du sommeil, et ce fut en vain qu'elle pria la Nuit de lui verser la douceur de ses ombres.

L'aube avoit à peine blanchi l'orient, qu'on entendit retentir la voix de Démodocus : il appeloit ses intelligents esclaves. Aussitôt Évémon, fils de Boëtoüs, ouvre le lieu qui renfermoit l'appareil des chars. Il emboîte l'essieu dans des roues bruyantes à huit rayons fortifiés par des bandes d'airain; il suspend un char orné d'ivoire sur des courroies flexibles; il joint le timon au char, et attache à son extrémité le joug éclatant. Hestionée d'Épire, habile à élever les coursiers, amène deux fortes mules d'une blancheur éblouissante; il les conduit bondissantes sous le joug, et achève de les couvrir de leurs harnois étincelants d'or. Euryméduse, pleine de jours et d'expérience, apporte le pain et le vin, la force de l'homme; elle place aussi sur le char le présent destiné au fils de Lasthénès : c'étoit une coupe de bronze à double fond, merveilleux ouvrage où Vulcain avoit gravé le nom d'Hercule délivrant Alceste pour prix de l'hospitalité qu'il avoit reçue de son époux. Ajax avoit donné cette coupe à Tychius d'Hylé, armurier célèbre, en échange du bouclier recouvert de sept peaux de taureaux, que le fils de Télamon portoit au siége de Troie. Un descendant de Tychius recueillit chez lui le chantre d'Ilion, et lui fit présent de la superbe coupe. Homère, étant allé dans l'île de Samos, fut admis aux foyers de Créophyle, et il lui laissa en mourant sa coupe et ses poëmes. Dans la suite, le

roi Lycurgue de Sparte, cherchant partout la sagesse, visita les fils de Créophyle : ceux-ci lui offrirent, avec la coupe d'Homère, les vers qu'Apollon avoit dictés à ce poëte immortel. A la mort de Lycurgue, le monde hérita des chants d'Homère, mais la coupe fut rendue aux Homérides : elle parvint ainsi à Démodocus, dernier descendant de cette race sacrée, qui la destine aujourd'hui au fils de Lasthénès.

Cependant Cymodocée, dans un chaste asile, laisse couler à ses pieds son vêtement de nuit, mystérieux ouvrage de la pudeur. Elle revêt une robe semblable à la fleur du lis, que les Grâces décentes attachent elles-mêmes autour de son sein. Elle croise sur ses pieds nus des bandelettes légères, et rassemble sur sa tête, avec une aiguille d'or, les tresses parfumées de ses cheveux. Sa nourrice lui apporte le voile blanc des Muses, qui brilloit comme le soleil, et qui étoit placé sous tous les autres dans une cassette odorante. Cymodocée couvre sa tête de ce tissu virginal, et sort pour aller trouver son père. Dans ce moment même le vieillard s'avançoit, vêtu d'une longue robe que rattachoit une ceinture ornée de franges de pourpre, de la valeur d'une hécatombe. Il portoit sur sa tête une couronne de papyrus, et tenoit à la main le rameau sacré d'Apollon. Il monte sur le char, et Cymodocée s'assied à ses côtés. Évémon saisit les rênes, et presse du fouet retentissant le flanc des mules sans tache. Les mules s'élancent, et les roues rapides marquent à peine sur la poussière la trace qu'un léger vaisseau laisse en fuyant sur les mers.

« O ma fille, dit le pieux Démodocus, tandis que le char vole, nous préserve le ciel de manquer de reconnoissance! Les portes des enfers sont moins odieuses à Jupiter que les ingrats: ils vivent peu, et sont toujours livrés à une furie : mais une divinité favorable se tient toujours auprès de ceux qui ne perdent point la mémoire des bienfaits : les dieux voulurent naître parmi les Égyptiens, parce qu'ils sont les plus reconnoissants des hommes. »

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LIVRE DEUXIÈME.

SOMMAIRE.

Arrivée de Démodocus et de Cymodocée en Arcadie. Rencontre d'un vieillard au tombeau d'Aglaüs de Psophis; ce vieillard conduit Démodocus au champ où la famille de Lasthénès fait la moisson. Cymodocée reconnoît Eudore. Démodocus découvre que la famille de Lasthénès est chrétienne. On retourne chez Lasthénès. Mœurs chrétiennes. Prière du soir. Arrivée de Cyrille, confesseur et martyr, évêque de Lacédémone. Il vient prier Eudore de lui raconter ses aventures. Repas du soir. La famille et les étrangers vont, après le repas, s'asseoir dans le verger au bord de l'Alphée. Démodocus invite Cymodocée à chanter sur la lyre. Chant de Cymodocée. Eudore chante à son tour. Les deux familles vont goûter le repos. Songe de Cyrille. Prière du saint évêque.

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ANT que le soleil monta dans les cieux, les mules emportèrent le char d'une course ardente. A l'heure où le magistrat fatigué quitte avec joie son tribunal pour aller prendre son repas, le prêtre d'Homère arriva sur les confins de l'Arcadie, et vint se reposer à Phigalée, célèbre par le dévouement des Oresthasiens. Ce noble Ancée, descendant d'Agapénor, qui commandoit les Arcadiens au siége de Troie, donna l'hospitalité à Démodocus. Les fils d'Ancée détachent du joug les mules fumantes, lavent leurs flancs poudreux dans une eau pure, et mettent devant elles une herbe tendre coupée sur le bord de la Néda. Cymodocée est conduite au bain par de jeunes Phrygiennes qui ont

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