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qu'il avait en sa possession et dont il avait sans doute laissé prendre copie, fut publiée à Amsterdam, sous le titre de R. Cartesii Opera posthuma (1).

J.-B. Legrand mourut en 1704. Il laissait par son testament les autographes et les cinq cents livres à Marmion, professeur au collége des Grassins. Marmion mourut un an après, en faisant remettre l'argent et les manuscrits à la mère de Legrand.

A partir de ce moment, je cesse de pouvoir suivre les pérégrinations de ces précieux autographes.

Pas un dépôt public de Paris ne possède une ligne de Descartes. Les manuscrits du grand philosophe ont été dispersés, et perdus peut-être en grande partie, par l'incurie de la famille Legrand, et, il faut bien le dire aussi, par l'incurie de l'Académie des sciences. Aujourd'hui lord Ashburnham en possède une partie qu'il tient de M. Libri. Où M. Libri les a-t-il trouvés?

En résumé, il reste à retrouver :

I. Les vers et la comédie dont on n'a pas de copie en Suède, comme me l'a fait savoir M. le comte de Manderström, ministre des affaires étrangères, après avoir ordonné

(1) V. Posthuma et vol. XI de l'éd. Cousin.

des recherches dans les bibliothèques de Stockholm et d'Upsal.

II. Thaumantis Regia.

III. Studium bonæ mentis.

IV. De Deo Socratis.

V. Divers fragments scientifiques.

VI. Le Cahier-journal de 1619 à 1621.

VII. Les lettres inédites réunies par Legrand, celles provenant des Minimes, celles laissées à Hooghelande (quelques-unes sont aux mains de lord Ashburnham, quelques autres dont j'ai les copies - à Leyde et à La Haye). VIII. Le véritable Traité du Monde.

Quelque imparfait que soit notre travail, on pourra, grâce à lui, suivre Descartes pas à pas et voir comment, dans un génie profond, les grandes pensées s'enchaînent et procèdent les unes des autres. De plus, comme nous avons pris le soin de rattacher Descartes à ses précurseurs et à ses contemporains, il sera possible de s'expliquer comment sont nées dans son esprit les premières pensées de réforme. Pour celui qui aime à méditer sur les voies que suivent les grands inventeurs et les grands réformateurs, et sur les lois qui gouvernent l'évolution de l'esprit humain, il y aura là une étude intéressante et qui pourra être féconde.

Cette histoire est un fragment de celle des sciences et de la Philosophie. L'histoire ordinaire

ne nous donne qu'une sorte de représentation de la vie extérieure des peuples. Or, ce qu'un esprit philosophique veut connaître, c'est leur vie intime, la vie de l'âme, et, plus particulièrement encore, la vie de l'intelligence, qui seule contient l'explication de tout le reste. Ce qui nous intéresse au plus haut degré, c'est donc l'histoire des Sciences et de la Philosophie. Là, en effet, on peut suivre du regard le mouvement de l'esprit humain, ses conquêtes successives sur l'ignorance et sur la fatalité de la nature, et cette ascension continue vers la lumière qui est en même temps une ascension vers le Beau et vers le Bien. Une telle histoire en dit plus sur la nature et sur la destinée de l'homme que toutes les histoires politiques et militaires, et elle donne la clé de tous les grands événements qu'enregistrent celles-ci. Les guerres, les traités, les révolutions politiques et religieuses, l'esprit de ces guerres, de ces traités et de ces révolutions, trouvent leur explication dernière dans l'évolution des Sciences et de la Philosophie, c'est-à-dire dans les progrès de la raison humaine. Ainsi, pour rester dans notre sujet, nous nous trouverons ici à la source de l'histoire moderne, et nous assisterons au premier travail d'esprit d'où est sortie la Révolution française. Les hommes de 89 ont tiré les

conséquences des prémisses posées par Descartes; ils ont appliqué la méthode Cartésienne aux institutions politiques et sociales, et ont jeté l'édifice par terre pour en reconstruire un nouveau, soit avec d'autres matériaux, soit avec les mêmes,

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après les avoir ajustés au niveau de la rai»son (1). »

Dans l'histoire vraie, comme dans la vie réelle de l'humanité, les véritables souverains et conducteurs des peuples ne sont ni les Alexandre, ni les César, ni les Napoléon; ce ne sont même, pour qui sait embrasser du regard une longue période de siècles, ni les Calvin ni les Luther, mais les Platon et les Aristote, les Galilée et les Descartes, les Newton et les Leibnitz, et tous ces grands esprits, les vrais héros, comme me le disait un de mes correspondants de Hollande, les vrais rois de l'humanité, ceux auxquels on doit tout ce qu'il y a de vrai, de beau et de noble sur la terre.

Mais, pour bien comprendre Descartes, il faut d'abord parler des travaux de ceux qui lui ont ouvert et préparé la voie.

(1) Disc. de la Méth., seconde partie.

1

SA VIE, SES TRAVAUX, SES DÉCOUVERTES REESE LIBRARY

UNIVERSITY
CALIFORNIA

CHAPITRE JER.

Précurseurs de Descartes.

M. Saisset (1) a eu l'heureuse idée de commencer des recherches sur les origines de la Philosophie cartésienne; on doit regretter qu'il ne les ait pas poursuivies, et ne nous ait donné, en fait de précurseurs de Descartes, que Roger Bacon et Ramus. Peut-être la mort en l'enlevant à la philosophie, nous a-t-elle privés des lumières qu'il aurait concentrées sur ce point intéressant et nouveau. Bordas-Demoulin (2) a jeté quelques idées rapides sur ce sujet dans l'avant-propos qu'on trouve en tête

(1) V. Descartes, ses précurseurs et ses disciples. Paris, 1862. (2) Avant-propos à l'Hist. des Cartés., p. 1-21. V. aussi l'introd. de Huet, p. xv-XXI.

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