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tions, il s'étourdit, il s'enivre de plaisirs et de sophismes, pour étouffer avec moins de remords l'importune vérité; comme un assassin, novice encore, s'enivre avant de commettre un meurtre. Son indifférence pour les dogmes naît de son aversion pour les devoirs; s'il ne craignoit pas ceux-ci, il admettroit volontiers ceux-là; mais sachant qu'on ne peut séparer la règle de la foi de la règle des mœurs, il cherche l'indépendance des actions dans l'indépendance des pensées. Il veut douter, et il doute; il veut, à tout prix, ne pas croire, et sa raison travaille sans relâche à s'anéantir elle-même: véritable suicide moral, plus criminel mille fois que celui qui ne détruit que le corps.

Que la brute, privée de réflexion, vive et meure sans s'inquiéter de l'avenir, cette insouciance est sa condition naturelle et nécessaire. Mais quand l'homme, doué de facultés incomparablement plus nobles, capable de s'élever à l'idée de Dieu, et d'embrasser l'infini par sa pensée, ses désirs et ses espérances, se précipite de cette hauteur dans la vile condition des bêtes, ne veut plus connoître, à leur exemple, que des penchants et des besoins, et, dégoûté du partage immortel que lui assigna le Créateur, leur envie jusqu'au néant; cela confond, cela épouvante, et l'on n'a point de paroles pour exprimer l'horreur qu'inspire une si profonde dégradation.

L'indifférence aveugle est donc, sans contredit, l'état le plus avilissant où une créature raisonnable puisse tomber. Le seul cas où l'homme sage pût demeurer indifféėrent sur la Religion, seroit celui où nous n'aurions aucun intérêt de savoir si elle est vraie ou fausse, ou aucun moyen de nous en assurer. En d'autres termes, il faut, comme l'observe M. de Bonald, que les indifférents supposent « qu'il n'y a dans la Religion, considérée en géné«ral et dans toutes ses différences, ni vrai ni faux; ou

« que s'il y a vrai et faux dans la Religion comme en << toute autre chose, l'homme n'a aucun moyen de les distinguer; ou qu'enfin la Religion, vraie ou fausse, « est également indifférente pour l'homme.

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«La supposition, continue le même écrivain, que « toutes les Religions sont indifférentes, n'est pas soute<«<nable en bonne philosophie. Il n'y a pas plus de philo

sophie sans un premier principe, cause de tous les effets « moraux et physiques, qu'il ne peut y avoir d'arithmé<«<tique sans une unité première, mère de tous les nom

bres; ou de géométrie, sans un premier point généra«teur des lignes, des surfaces et des solides. Et comment « supposer qu'il n'y ait pas vrai et faux dans des Reli«<gions opposées entre elles, mais qui pourtant sont << partout le rapport vrai ou faux de Dieu à l'homme, et « de l'homme à son semblable, la raison du pouvoir, la « règle du devoir, la sanction des lois, la base de la so«ciété ; lorsqu'il y a vrai et faux partout où les hommes « portent leur raison ou leurs passions; vrai et faux en « tout, et même à l'Opéra, et jusque dans les objets les « plus frivoles de nos connoissances et de nos plaisirs ? «Mais s'il y a vrai et faux, ordre ou désordre, dans les « diverses Religions considérées en général, peut-on sup«poser, en bonne philosophie, que l'Être qui est l'intel«ligence et la vérité suprême, ait refusé aux hommes, << êtres intelligents aussi, capables de connoître et de «< choisir, d'aimer ou de hair, tout moyen de distinguer <«<le vrai et le faux dans les rapports qu'ils ont avec lui? «Et à quelle fin leur auroit-il donné cette ardeur déme«surée de connoitre, et leur auroit-il permis de décou« vrir les rapports qu'ils ont même avec les choses in<< sensibles? Et si l'homme peut distinguer le bien et le

mal dans les diverses Religions, comment supposer « qu'il puisse rester indifférent à la vérité et à l'erreur,

<«<lui qui ne doit rester indifférent sur rien, et chez qui « l'indifférence est même le caractère le plus marqué de « la stupidité 1? »

Ces courtes observations du philosophe le plus profond qui ait paru en Europe depuis Malebranche, montrent déjà bien clairement l'absurdité des seuls principes sur lesquels on puisse fonder l'indifférence des Religions. En soumettant de nouveau ces principes à un examen rigoureux et détaillé, nous espérons ne laisser d'excuse ni à la crédulité qui les adopte, ni à la mauvaise foi qui feint de les adopter. Nous n'aurons pas même pour cela besoin de talent: l'art quelquefois est nécessaire pour revêtir l'erreur des apparences de la vérité; mais veut-on rendre à celle-ci son éclat, il suffit d'abaisser le voile dont on s'efforçoit de la couvrir.

Afin que le lecteur suive aisément la discussion, il con. vient qu'il en ait d'avance une idée nette, qu'il connoisse le but où il marche, et par quelle route il doit y arriver. Voici donc, en peu de mots, ce que nous nous proposons d'établir, et l'ordre dans lequel nous l'établirons.

On soutient que la Religion, vraie ou fausse, est indifférente pour l'homme; et nous prouverons que, supposé l'existence d'une vraie Religion, cette Religion est pour l'homme, considéré soit individuellement, soit en société avec ses semblables et avec Dieu, d'une importance infinie; d'où il suit qu'il a un intérêt infini à s'assurer s'il existe en effet une vraie Religion, et qu'il y a, par conséquent, une folie infinie à demeurer à cet égard dans l'indifférence. Pour éclaircir nos principes, en les appliquant à une Religion connue, nous supposerons, en outre, que le Christianisme est cette Religion véritable, dont il s'agit de montrer l'importance.

1 Sur la Tolérance des Opinions, par M. de Bonald, Spectateur françois au XIXe siècle, tom. IV, pag. 72, 73.

218 ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRE DE RELIGION.

On soutient que toutes les Religions sont en ellesmêmes indifférentes; et nous prouverons qu'aucune Religion n'est indifférente en soi, ou qu'en toute Religion il y a bien ou mal, vérité ou erreur; qu'il existe nécessairement une vraic Religion, c'est-à-dire une Religion d'une vérité ou d'une bonté absolue, et qu'il n'en existe qu'une seule, d'où se déduit l'obligation de l'embrasser, s'il est possible de la reconnoître.

On soutient que, s'il existe une véritable Religion, l'homme n'a aucun moyen de la discerner des Religions fausses, et nous prouverons que, dans tous les temps, les hommes ont eu un moyen facile et sûr de reconnoître la véritable Religion d'où il résulte que l'indifférence n'est pas seulement un état déraisonnable, mais encore un état criminel.

Chacun sans doute restera juge, pour soi, de la force des preuves que nous allons développer. Nous ne contestons à personne ce droit naturel. Mais quiconque refuseroit d'examiner les fondements de l'indifférence, ne pourroit être compté parmi les indifférents dogmatiques. Il se rangeroit, par cela seul, au nombre de ces insensés qui, voulant à tout prix confondre les terreurs de la conscience avec la répugnance de la raison, craignent de regarder en face la vérité, et se forment contre elle un rempart de ténèbres, foible défense contre le remords.

CHAPITRE II

IMPORTANCE DI. LA RELIGION, PAR RAPPORT A L'HOMME.

Le bonheur est la fin naturelle de l'homme il désire invinciblement d'être heureux; mais trop souvent la raison incertaine et les passions aveugles l'égarent loin du terme où il aspire avec une si vive ardeur. Soumise à des lois invariables, la brute atteint sûrement sa destination. Aucune erreur, aucune affection désordonnée ne l'écarte du but que lui a marqué la nature; et la mort, dont elle n'a ni la prévoyance ni les terreurs, arrivant au moment où la décadence des organes ne lui laisseroit plus éprouver que des sensations pénibles, est encore pour elle un bienfait. Il n'en est pas ainsi de l'homme intelligent et libre, pour jouir du bonheur, il faut qu'il le cherche, qu'il s'applique à le discerner de ce qui n'en est que l'image, que sa volonté le choisisse librement; et jamais il ne s'en éloigne davantage que lorsqu'il n'obéit, comme l'animal, qu'à ses penchants. Les nobles facultés qu'il dégrade, vengeant leurs droits outragés, lui font bientôt sentir, par l'amer

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